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L’enfance d’un pédophile

Procès Evrard / mercredi 28 octobre 2009 par Anne Steiger
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Palais de Justice de Douai, le 26 octobre 2009, premier jour d’audience du procès de Francis Evrard. Symbole malgré lui du projet de loi sur la récidive, ce pédophile qui demande sa castration encourt la réclusion criminelle à perpétuité

À le voir comme ça, Francis Evrard, 63 ans, est le type d’homme que l’on se plaît à croiser dans un bistrot. Un léger accent ch’ti, une tête de vieux crapaud sympathique et un débit de parole saccadé qu’il rythme de « Ben oui » et de « Ben non, hein ». Et puis, cette curieuse façon de parler avec ses mains, qu’il pose régulièrement sur ses hanches pour exprimer la surprise. Le personnage aurait pu être un premier rôle dans les Deschiens de Jérôme Deschamps. Seulement, voilà. Francis Evrard n’est pas un rigolo. Et ce qu’il raconte, pas franchement léger-léger. «  Vous reconnaissez les faits ? », demande le président. Le sexagénaire répond d’un « Oui » franc, du type « affirmatif ». Puis ajoute : «  Il est quand même temps de dire que cela s’est vraiment passé ».

Une ribambelle de questions qui fâchent

Ce qui s’est passé donc, en quelques mots, le 15 août 2007 à Roubaix. Sorti de prison depuis six semaines à peine, Francis Evrard enlève, séquestre pendant dix heures et abuse d’un enfant de 5 ans. Censé entamer depuis sa libération sous surveillance judiciaire un traitement hormonal de castration chimique, l’homme achète au contraire le jour de sa libération une boîte de Viagra dans une pharmacie, grâce à une ordonnance fournie par un médecin de la prison de Caen. À 63 ans, Evrard a déjà passé plus de la moitié de sa vie en prison avec trois condamnations – toujours pour violences sexuelles sur mineurs. Médiatiquement, disons qu’il n’a pas eu de bol. Ni lui, ni surtout sa petite victime, dont la photo et l’identité s’étalent depuis trois ans dans tous les journaux.

Car peu après les faits en 2007, ce médiatique fait divers participe à l’adoption de la loi sur la rétention de sûreté qui prévoit l’enfermement des détenus dangereux à l’issue de leur peine : déjà un double coup de projecteur. Aujourd’hui, rebelote. Le procès d’Evrard précède de quelques jours l’examen d’un projet de loi contre la récidive qui ne fait pas du tout l’unanimité. Le procès Evrard devient ainsi « le procès de la récidive ». Prévu pour durer au minimum cinq jours, les experts devraient intervenir en fin de semaine. L’occasion pour les médias d’aborder sur le fond une ribambelle de questions qui fâchent : que faire de ces multirécidivistes ? Faut-il les surveiller « à vie », et si oui, comment ? Faut-il leur imposer la castration chimique – voire la castration tout court ?

« Mes parents n’ont que des mérites »

D’où vient ce pédophile multirécidiviste, lui Francis Evrard ? Parce qu’il tient à le dire : « Je ne suis pas un monstre ». Quand le président lui demande de revenir sur ses primes années, Evrard ne se fait pas prier et déblatère, d’un trait, son heureuse vie de fils unique. Son père, caoutchoutier, qui travaille de nuit : « Il aimait peut-être un peu trop son verre de bière, mais il s’est toujours très bien comporté ». Et puis sa mère « doubleuse à l’usine », qu’il adore et dont il ne veut s’éloigner. Comme pour prévenir toute responsabilité de la part de ses géniteurs, Evrard précise d’emblée : «  Mes parents n’ont que des mérites. J’ai bien pris quelques dérouillées comme tout le monde, quelques coups de ceintures, mais rien de grave. Un jour, ma mère m’a cassé un volet sur la tête, mais elle est tout de suite revenue vers moi pour s’excuser ».

À dix ans, tout bascule. Après le divorce de ses parents, le jeune Francis emménage dans un nouveau quartier de Roubaix. Pour subvenir à leurs besoins, sa mère travaille de plus en plus et le confie régulièrement à sa grand-mère. Francis traîne dans la rue avec des gamins du quartier plus âgés. Il se forge un caractère. Dans un vieux PV, un de ses copains de l’époque raconte : «  Francis jetait des boules-de-neige sur les vitrines, on le surnommait Al Capone ». C’est l’époque où un voisin d’une vingtaine d’années invite le petit Francis âgé de 10 ans dans l’arrière-boutique de l’épicerie de son père : « Il m’a sodomisé sur le canapé », dit-il sans plus d’émotion. Francis dit en avoir parlé à sa mère : «  Mais comme elle avait peur d’être exclue du quartier où nous venions d’emménager, elle n’a pas voulu faire de problème avec les voisins ». Le secret est gardé. C’est en tout cas la version de l’accusé aujourd’hui.

Un « vol plané sur la tête » pour expliquer ses gestes

Parce qu’au gré des nombreuses expertises effectuées depuis 1969, le principal intéressé s’est lui-même beaucoup contredit sur ces faits de viol : « Vous parlez parfois d’une épicerie, parfois d’un magasin de légumes ou de lingerie, vous avez dit lors d’une expertise que vous étiez âgé de six ans, puis de dix – c’est troublant ces contradictions », remarque le président. Entendue en 1974, Berthe, la propre mère de Francis Evrard, confirme les dires de son fils, mais donne encore à la justice une autre version. Pour elle, son fils avait 12 ans quand il est revenu un jour à la maison avec des « douleurs à l’anus » : «  Il avait été violenté par deux garçons », disait-elle.

Si ce qu’il dit est vrai, Evrard a-t-il souffert du viol qu’il aurait subi enfant ? L’accusé répond d’un air blasé : « Mouaif… Je peux pas dire que j’en ai vraiment souffert, mais quand j’ai commis mes délits, j’y pensais ». Lui-même ne fait pas le lien entre ce viol et ses propres passages à l’acte. Pressé par le président d’expliquer pourquoi il s’en prend aux petits garçons, Evrard préfère une explication plus logique à ses yeux : «  A 14 ans, je sortais de l’usine à vélo et je me suis fait renversé : un vrai vol plané ! Ma tête, elle a claqué sur le sol. Est-ce dû à ça ? Je ne sais pas. Mais je me pose sérieusement la question ».


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