Palais de Justice de Douai, le 28 octobre 2009, troisième jour d’audience du procès de Francis Evrard. C’est à se demander si on n’a pas tout fait pour qu’il recommence.
Le projet du pédophile à sa sortie de prison ? S’acheter un scooter, rencontrer une petite femme et se trouver une jolie petite maison. « Il tient le discours de quelqu’un qui veut rentrer dans le rang et recommencer sa vie », témoigne l’assistante sociale qui le suit juste avant sa sortie. La jeune femme a certes quelques inquiétudes le concernant, notamment sur son budget ou son logement. Mais tout va bien. On va tout faire pour aider Francis à se réinsérer.
Enfermé depuis octobre 1989 pour viols aggravés en récidive, Francis Evrard, 61 ans, a racheté sa dette. Son envol est prévu pour le 2 juillet 2007. Le juge d’application des peines de Caen lui notifie ses obligations, celle notamment de se soumettre à un traitement anti-hormonal. Evrard sort le cœur léger.
Et se rue vers la première pharmacie s’offrir une boîte de Viagra prescrit par un médecin de la prison. Un mois plus tard, Evrard enlève, séquestre et viole un petit garçon de cinq ans. C’est sa quatrième récidive. Les analyses confirment qu’il a bien gobé un petit losange bleu avant de commettre son acte.
Diable. C’est pourtant un traitement ANTI-hormonal qui lui fallait. Alors pourquoi ce Viagra ? C’est la question posée aujourd’hui par la cour d’assises de Douai.
La réponse fuse : gros bogues sur toute la ligne, avant et après la sortie de prison. Le dossier d’Evrard a d’abord suivi le traditionnel petit bonhomme de chemin administratif de la traditionnelle petite surveillance judiciaire. Pas de « traitement particulier » pour ce cas pourtant sensible, pas de coup de fil ou de courrier préventif entre les services, pas de Post-it sur l’enveloppe ou de trace au marqueur rouge, rien pour alerter.
Or nous sommes en juillet et en août, les deux mois les plus creux de l’année. Le juge d’application des peines (JAP) de Caen se dessaisit du dossier le 12 juillet. Celle de Rouen, où Evrard a l’obligation de résider, le reçoit quatre jour plus tard, précisément le jour où celle-ci part pour un mois de vacances. Le « cas » Evrard dort donc encore tranquillement dans une enveloppe quand le pédophile enlève, séquestre et viole l’enfant sous Lexomyl le 15 août. Personne entre temps ne l’a convoqué pour discuter avec lui de son obligation de soins.
Autre gros point noir : le Viagra. Certes, Viagra ou non, peu importe, car Evrard viole avec ses doigts. Or le « Viagra ne fait pas dresser le doigt », remarque le président. Reste qu’une nébuleuse incroyable règne autour de cette prescription. A l’origine de la bourde, le Dr Guivarch, pas franchement à l’aise. Prescrire du Viagra à un Evrard bientôt sous le coup d’un traitement anti-hormonal frise la grosse faute professionnelle. D’autant que rien dans le passé médical de ce patient ne le justifie : Evrard ne s’est jamais plaint de troubles de l’érection, bien au contraire. « La machine fonctionne encore très bien », disait-il quelques semaines plus tôt à son assistante sociale.
Pour sa défense, le Dr Guivarch nie tout. Evrard ? Connaît pas : « La première fois que je l’ai rencontré, c’était lors de cette consultation de sortie ». Le dossier d’Evrard relève pourtant une trentaine de consultations du Dr Guivarch depuis mai 2001. Le médecin élude : « Je ne sais pas, peut-être, je ne me souviens pas ». Ses actes de pédophilie ? Savait pas : « On ne connaît pas les motifs des détentions ». Une fiche de liaison dans le dossier médical indique pourtant en toutes lettres « 27 ans de réclusion pour viols sur mineurs ». Et le médecin ne pouvait ignorer l’ancienne ordonnance d’Enantone, produit qui bloque la libido, dans ce même dossier.
D’autres bizarreries encore. Notamment la disparition du double de l’ordonnance dans le dossier médical : « J’ai dû oublier de faire la photocopie », explique Guivarch. L’avocat de l’accusé, Me Pianezza, suggère une autre piste : « C’est à se demander si vous n’avez pas plutôt tenté de la faire disparaître ». Aucune réponse.
La réalité est certainement très terre-à-terre. Une simple ordonnance de complaisance, le geste « sympa » d’un médecin pour apporter quelque réconfort à son patient qui jure haut et fort vouloir se trouver une « petite femme ». Heureusement pour le Dr Guivarch, le violeur a récidivé avec ses doigts. S’il en avait été autrement, cette prescription de Viagra aurait pu le tourmenter très longtemps.
A lire sur Bakchich.info :
En même temps - et sans liens particulier avec le cas du Dc Guivarche qui semble avoir merdé - je me pause une question : un médecin doit-il avoir d’autre considérations que médicales lors d’une presciption. Quand un médecin prescrit du viagra - ou quoi que ce soit d’autre - il demande pas si c’est pour bien l’utiliser avec sa femme. Parce que sinon quand un braqueur va se casser le bras, on ne le soignera pas comme ça il ne pourras plus récidiver,etc, etc…
Ensuite, le viagra traitre l’impuissance, ce qui me semble pas directement lier à la libido. C’est pas parce que vous pouvez bander que vous avez nécéssairement envi de coucher avec quelqu’un.