L’ex-président du Conseil général des Yvelines a bien des soucis. Condamné pour corruption mais vierge comme l’agneau qui vient de naître, le voilà victime d’un maccarthysme moderne.
Si vous avez manqué le début, le sieur Bédier, ancien secrétaire d’Etat aux prisons sous Raffarin, ancien président du Conseil général des Yvelines et ancien maire de Mantes-la-Jolie, a été condamné en 2006 dans l’affaire à laquelle il a donné son nom pour "corruption passive" et "recel d’abus de biens sociaux".
La peine a été adoucie en appel puis confirmée par la Cour de cassation en mai dernier : 18 mois de prison avec sursis, 25 000 euros d’amende, 3 ans de privation des droits civiques, entraînant une peine d’inéligibilité de 6 ans.
Dans la foulée, Bédier perd ses mandats. Son attachement bien compréhensible à la ville de Mantes l’amène à proposer gracieusement -le contraire eût été illégal- ses services à son successeur UMP, qui lui confie début septembre une mission bénévole. Mais l’arrêté entérinant la nomination de Bédier n’est pas validé dans les règles par la préfecture. Tollé chez les élus socialistes.
Résultat le 23 novembre, Bédier annonce sur son blog, sans faire allusion à la validation de l’arrêté, qu’il démissionne : "La véritable chasse aux sorcières que je connais depuis trop longtemps m’a amené à présenter ma démission du poste de chargé de mission bénévole que j’occupais au cabinet du maire de Mantes-la-Jolie". Attention, l’argument est technique : "il apparaît que la mesquinerie et la médiocrité, conjuguées aux petits calculs de « Trissotins » contemporains, ôtent la sérénité nécessaire à mon action auprès du maire."
C’est décidément pas de chance pour Bédier : une semaine plus tôt, il avait dû interrompre prématurément une collaboration avec l’université de Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ), où il avait été embauché comme chargé de mission. Un contrat de six mois qui avait débuté en août, pour un salaire mensuel de 2500 euros nets.
Ce n’est pourtant pas la faute de l’université qui n’a pas ménagé ses efforts pour s’attacher les services de Bédier pour une mission de développement méditerranéen. Ainsi l’expliquait la présidente de l’UVSQ déterminée à lutter contre le chômage des quinquas, Sylvie Faucheux :
"Avant signature du contrat, une pré expertise juridique a été réalisée en lien notamment avec Monsieur Bédier et son avocat et ce, afin de déterminer le champ des interdictions découlant de sa condamnation. Le service juridique de l’UVSQ a étudié l’égalité du contrat de travail en juillet. Nous avons ainsi convenu qu’il ne pouvait pas enseigner en France. Du point de vue juridique, nous nous sommes basés sur le code pénal qui proscrit l’occupation d’un emploi public c’est-à-dire un emploi de fonctionnaire. Étant rémunéré sur le budget de l’établissement et plus précisément sur les recettes liées au projet d’Institut/Fondation, le contrat de M. Bédier n’est nullement financé sur les crédits financiers liés à la vacance des emplois d’Etat."
Et de détailler par le menu combien Pierre Bédier a bien travaillé depuis, pour que surtout ne surgisse pas le moindre début d’hypothèse d’emploi fictif -le vilain mot. (Voir en document cette exemplaire lettre de recommandation)
Mais ça n’a pas suffi. La bronca d’une partie des juristes de l’UVSQ a eu raison de cette bonne volonté. "Malgré la légalité du contrat, Monsieur Bédier nous a fait savoir qu’il préférait se retirer de ce projet car, a-t-il précisé, il a toujours souhaité soutenir le développement de notre université pour ne pas lui porter aujourd’hui préjudice de quelque façon que ce soit", écrit Sylvie Faucheux.
Qui se désolait de cette perte : "Il n’appartient pas à l’UVSQ de pratiquer la double peine et je considère que notre université peut au contraire revendiquer avec fierté qu’elle est capable de fournir un emploi correspondant à ses compétences à une personne qui a été jugée et qui paie actuellement sa dette envers la société."
Commentaire du démissionnaire Bédier sur son blog le 18 novembre : "Je ne peux qu’être indigné par la pression subie aujourd’hui, du fait de ma situation judiciaire, et ce qui contrevient à la nécessaire sérénité de l’Université. De deux choses l’une :
ou je suis innocent, comme je n’ai cessé de le clamer et comme cela finira immanquablement par apparaître, et cette querelle est méprisable,
ou je suis coupable et l’on me refuse le droit à une deuxième chance, en contradiction complète avec les préceptes humanistes de ces ’Trissotins’ contemporains, bien loin des principes d’humanité, de tolérance, de refuge qui furent les valeurs fondatrices de la grande Université française, et c’est tout aussi misérable." Diantre.
Un élu condamné qui "a nui au fonctionnement des institutions républicaines (…) en acceptant la mise en place d’un système de corruption" (le tribunal dixit) se pose en donneur de leçons d’humanisme. Pourquoi pas ? Si on y réfléchit ensemble, tout devient possible…