Le journaliste Karim Lebhour publie Jours tranquilles à Gaza, immersion totale là où l’existence n’est pas aussi misérable que les médias, simplificateurs, le laissent croire. De son côté, Elias Sambar nous convie au voyage avec son Dictionnaire amoureux de la Palestine.
Les « jours tranquilles », on les a connus à Clichy avec Henry Miller, et ce n’est pas l’expression qui saute aux yeux pour parler de la survie à Gaza. C’est pourtant le titre du livre, et il n’est pas innocent. Drôle de tranquillité avec la lutte entre frères, Hamas contre Fatah, l’islamisation forcée, le blocus, l’opération « Plomb durci » et autres drones qui continuent de bombarder, la tragédie de la flottille attaquée par les commandos israéliens : ce coin de Méditerranée n’apparaît pas comme la mer de la Tranquillité !
Les jours décrits dans ce livre nous sont donc inconnus… En puzzle, ils sont des moments d’une histoire qualifiée de petite, celle qui reste dans l’ombre de la grande. C’est elle, cette inconnue, que raconte Karim Lebhour, journaliste correspondant de RFI et de la Croix. À Gaza, 40 kilomètres de long sur 10 de large, il se sent chez lui. Ses chroniques débutent en mai 2007. Pour lui, c’est l’angoisse des balles perdues, celle de la guerre invisible entre le Fatah et le Hamas. Mais le blocus aura le mot de la fin. De la faim ? Le journal de cet homme tranquille s’arrête après le drame sanglant de la flottille, qui, dit-on, pourrait entraîner un poil de souplesse dans le lien qui étrangle Gaza.
Entre les deux, le lecteur suit de bout en bout une succession d’expériences singulières, parfois cocasses, sur une terre désormais réglée sur la pendule du Hamas : des prisonniers obtenant des réductions de peine contre la lecture du Coran, des femmes « méduses » dans les eaux de Gaza, le jilbab ayant remplacé le maillot de bain… Ou, plus sérieusement, cette scène qui résume à elle seule les tensions gazaouites : la carriole d’une « famille » érafle la jeep d’une autre. Résultat : une vendetta et neuf morts. Mais le Gaza de la seule misère, d’« hommes fourmis » décrits par les médias, n’entre pas dans ce livre. Ici, c’est une immersion totale dans une bande de terre qui est aussi autre chose qu’une victime, et où l’art de la débrouille est un pied de nez au blocus. Où l’immense gâchis de l’après-retrait israélien, en 2005, s’explique aussi par cette guerre entre frères et une corruption ravageuses. Heureusement, comme il n’est pas instituteur, Karim Lebhour ne distribue pas de bons ou de mauvais points. Ses chroniques entre palmiers ensoleillés, kalachnikov et maisons en ruine montrent la vérité ordinaire d’un « fiasco politique parmi les plus flagrants de ce début de siècle »
Jours tranquilles à Gaza, par Karim Lebhour, éd. Riveneuve, 162 pages, 15 euros.
Ceux qui aiment la littérature sont trop peu à le savoir, mais le Bien des absents, le roman d’Elias Sanbar publié il y a dix ans, compte parmi les plus grands livres. Sanbar cumule deux inconvénients, son immense modestie et sa qualité de Palestinien. Deux réalités qui riment mal avec la reconnaissance. Le Bien des absents, c’est, vu avec les yeux et entre les larmes d’un gosse, l’exil de 1947, de la Palestine vers Beyrouth. Avec, pour seul viatique, un meuble à petits tiroirs. Ils contiennent toute la vie d’une famille et résument celle d’un peuple chassé vers l’exode : les titres de propriété, les photos, les certificats de naissance et dephoto décès, des trousseaux de clés.
Sanbar est trop bien élevé pour glisser dans ses pages une analyse de type « historique ». À 60 ans, il a retrouvé les images cachées au fond de ses yeux comme sur une pellicule oubliée. Le même Elias Sambar a publié en avril dernier un Dictionnaire amoureux de la Palestine. Pas grand-chose de Tsahal, du « Plomb durci », du Hamas ou du mur… La plume d’Elias se fixe une exigence plus noble, perpétuer la Palestine, dire son histoire millénaire et sa culture. Sanbar parle plus, et tant mieux, de Mahmoud Darwich, de Stefan Zweig, de Jean-Luc Godard et de Jean Genet que d’Ariel Sharon. Ce dico nous parachute en Palestine, pays qui n’existe plus, sans mettre un pied dans l’avion.
Dictionnaire amoureux de la Palestine, par Elias Sanbar, éd. Plon, 481 pages, 24,50 euros.
Lire ou relire dans Bakchich :
C’est uniquement à des Gazaouis neutres qu’il faut demander la critique de ce livre.
Ils diront, entre autres, qu’il ne faut pas attribuer à un parti politique les vengeances familiales « à la Corse » de gens qui peuvent effectivement revendiquer être membres de ce parti qui ne les approuvent pas forcément
Vous oubliez un troisième inconvénient bien plus important et éclairant pour Elias Sanbar : il est agréé par l’ex-président de la non-Autorité palestinienne qui collabore avec l’ennemi au point d’avoir poussé l’entité sioniste aux crimes lors des massacres de Gaza de fin décembre et début janvier 2009 et de faire torturer des patriotes palestiniens pour satisfaire aux exigences de l’ennemi.
Alors que le seul premier ministre légitime de toute la Palestine Hanieh n’a fait que se prémunir du coup d’état fomenté par l’agent palestinien de la CIA qui rêve de succéder à Abbas, Mohamed Dahlan.