Sur Internet, les moteurs de recherche communautaires et religieux sont en vogue. Nec plus ultra : le "clic casher". Longtemps hostiles au Net, les rabbins ont appris à le contrôler.
Aucune photo de femmes ou d’écrans de télévision. Un moteur de recherche « moralement pur » a fait son entrée, l’été dernier, sur le Net israélien : Koogle, un savoureux mariage entre Google et le kugel, un plat traditionnel juif alsacien. On les voit fleurir un peu partout, ces mini-moteurs communautaires qui passent Internet à la moulinette de la morale religieuse : "I am Halal", "Cathgoogle"… Mais rien ne rivalise encore avec le "clic casher". Chez les rabbins, on ne rigole pas avec le filtrage.
Internet à la mode orthodoxe est devenu une véritable institution en Israël. Et pour cause, les chapeaux noirs représentent 10 % de la population de l’État hébreu, et la communauté possède déjà ses bus avec hommes à l’avant et femmes à l’arrière, ses cafés sans table ni chaise pour empêcher les rendez-vous galants et ses lignes de vêtements tsniout (« pudique »). C’est en 2003 que la Toile éveille l’intérêt des rabbins, longtemps hostiles à cette fenêtre « laïque » sur le monde.
Des orthodoxes de la ville de Bnei mettent alors au point le logiciel agressif Nativ, qui bloque tous les sites non conformes à la morale. Et pour combattre la dérive du porno à portée de souris, des hackers ultra-orthodoxes piratent, en octobre 2006, une quarantaine de sites X israéliens. Un clic et bang ! Une photo du rabbin Loubavitch, figure majeure du monde orthodoxe, venait remplacer les poses coquines. Depuis, les haredim (« craignant Dieu ») ont opté pour des techniques plus professionnelles. Créé il y a trois ans, le fournisseur d’accès à Internet Rimon est devenu le leader incontesté sur le marché. Il propose des filtres classés de 1 à 6. Au dernier niveau, le chef de famille n’est même plus libre de changer… de filtre.
Près de 40 000 familles ont adopté la méthode. Estampillé casher par les rabbins, Rimon gagne 1000 utilisateurs chaque mois jusqu’à éveiller la jalousie des autres locomotives de l’Internet israélien. Celles-ci ont bien tenté de proposer leurs propres filtres sans l’aval des rabbins. Échec cuisant. Les experts en Torah décident de tout. Le mobile casher en est le parfait exemple. Pas de SMS, d’appareils photos ni d’accès à Internet, le téléphone ne sert… qu’à téléphoner. Israël compte aujourd’hui près de 300 000 lignes de ce type et le téléphone casher est devenu une obligation rabbinique. Repéré par un numéro différenciable des non-casher, il fait figure de norme jusqu’à devenir un instrument de terreur dans certains quartiers orthodoxes. En deux mots : « Tu le prends, ou tu nous quittes »
Article publié dans Bakchich Hebdo n°24 (du 15 au 21 mai 2010)