Si le spectacle sportif laisse parfois à désirer, les gueguerres pour l’acquisition des droits télévisés se font souvent au mépris des lois. Et France télé n’est pas la dernière à truander
On a vu jadis des champions gagner mais être mécontents. De leur style ou de la manière du jour pour parvenir au succès. C’est fini. Aujourd’hui les tennismen restent scotchés au fond du court et les footballeurs sont davantage des coureurs à pied et des sauteurs que des Messi. Avec le fric à la clé, l’objectif du sportif est d’abord d’inventer une méthode pour ne pas perdre, puisque le score se calcule en points de bourse. Les artistes ont déserté les stades. Pourtant ces matchs, plats comme l’écran, attirent la foule. Sans doute attend elle un miracle, le retour des prodiges… Et les millions des droits de télévision, ceux que les chaînes doivent payer pour diffuser le sport, c’est maintenant du très gros argent. Avec parfois des embrouilles.
Ainsi, le 4 février, le Tribunal de Grande Instance de Paris va-t-il mettre ses lorgnons dans une querelle qui oppose le Groupement des Diffuseurs Français (GRF) à Marketing Vidéo Média (MVM), une boîte qui fait commerce de ces précieux droits télé. Le GRF représente en France l’Union Européenne de Radio télédiffusion (UER). Elle a pour membres TF1, Canal +, France 2 et 3. Ces sociétés de télé, dans le cas des Jeux Olympiques ou de l’Euro de foot, possèdent les droits de diffuser le show sportif dans tous les foyers de notre mère patrie mais aussi hors de nos sweet homes. Par exemple, dans les cafés, hôtels, restos, salles de ciné, conventions commerciales ; bref dans tous les lieux qui ne sont pas un « chez soi ». Pour faire pénétrer le sport sur écran plat jusque dans le moindre bistro d’Ariège, le GRF a conclu, pour 1999,2003 et 2005, un marché avec la société MVM. A elle de commercialiser tout ce qui est « hors du cercle de famille », ce qui représente de 16 à 20% du business. De 2002 à 2006, pour agrémenter la vie des français de jolies images de J.O. et d’Euro de foot, le GRF a dépensé 157 231, 33 millions d’euros. (pour les attardés, ça fait un milliard d’euros).
Logiquement, ou naïvement, MVM espérait donc se lover dans un confortable couffin de 24 millions d’euros. Que dalle. Les revendeurs de ces droits « hors du cercle de famille », se sont rendu compte que le GRF, en fait France 2 France 3, « les avait doublés ». Ce qui, après tout, est la loi du sport. Ne voilà-t-il pas que la chaîne Eurosport a inondé d’images ce marché secondaire sans payer un rond à MVM. Pourquoi ? Parce que nos chaînes publiques ont aussi cédé les droits de ce « hors cercle de famille » à Eurosport. Christian Le Liard, le patron de MVM, trouve étrange qu’on puisse vendre deux fois la même chose à deux clients différents…
En réalité, au sein du GRF c’est donc France Télévision qui est le maître d’œuvre, possède la majorité des voix. Et les interlocuteurs de MVM sont alors Christopher Baldelli, directeur général de France 2 (aujourd’hui à RTL) puis l’excellent Patrick de Carolis (toujours en place), l’ami de Bernadette Chirac. Ces honnêtes gens auraient-ils agit avec fourberie ? Non proclament les juristes de France Télé. En fait, expliquent-t-ils, Eurosport a acquis les droits directement auprès de l’UER, tandis que le GRF n’a cédé à MVM qu’une « garantie d’exclusivité », mais pas « totale »… Si on applique ce type de raisonnement à Internet, ça signifie que vous pouvez pirater ce que vous voulez. MVM aurait donc acheté une pochette tellement surprise, que vide. Le Liard ne lit pas le droit avec les mêmes lunettes que Carolis, alors il demande au TGI de Paris de condamner le GRF au remboursement de 21 millions, et Eurosport, à 3,5 millions. France télévision, qui achète systématiquement l’Euro et les J.O. réplique, « ce n’est pas notre faute si l’Union Européenne a vendu des droits directement à Eurosport… ». Et, pour dédommager MVM, Patrick de Carolis n’entend pas demander des pièces jaunes à Bernadette.
Pourtant, Bakchich qui, comme les soviets est partout, s’est procuré un document approuvé, le 15 février 2005, par Christopher Baldelli alors directeur des télés publiques et président de GRF.
Le précieux papier, rédigé par maître Carnellutti avocat de notre télé d’état, indique : « le contrat passé par France Télévision avec Eurosport, incluant les exploitations en circuit fermé est contraire à l’exclusivité accordée par le GRF à MVM pour ces exploitations »… Ici on se perd, et l’écran devient flou : France Télévision a-t-elle signé un contrat avec Eurosport dans le dos de MVM ? Ce qui mériterait bien un carton rouge plus qu’une pièce jaune.
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