Ancien photographe de presse, informateur, lobbyiste, homme de réseaux et nouveau conseiller de la direction de "Choc", Marc Francelet a été écroué le 29 mars. L’occasion pour « Bakchich » de revenir sur les mille vies d’un homme pressé plein de ressources…
Un des informateurs privilégiés du petit monde de la presse parisienne, Marc Francelet, vient d’être écroué par le juge Philippe Courroye, le jeudi 29 mars. Grande gueule, bon vivant, amateur de coups fourrés et de gros cigares, tout comme son ami le député UDF et maire d’Issy ls Moulineaux, André Santini, Francelet possède un des plus jolis carnets d’adresses de la place. Hier, Françoise Sagan, aujourd’hui, Johnny Hallyday et Jean Paul Belmondo, Patrick Balkany, le député-maire de Levallois, Guillaume Durand, l’animateur de « Campus », le milliardaire russe, Arkady Gaydamak, aujourd’hui en fuite en Israël, ou encore Iskandar Safa, l’homme d’affaires libanais qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt international, un ami de Francelet, lequel le surnomme affectueusement « Sandy ». La justice française a commencé à s’interesser à Safa quand un rapport de la DST, signé d’un certain commissaire Martini lui sera envoyé, un memo qui a justifié la délivrance d’un mandat d’arrêt international. Hasard sans doute, le nom de ce même commissaire Martini s’est retrouvé sur les faux-listings Clearstream…
Cet amour des fugitifs n’empêche pas notre héros du jour d’entretenir les meilleures relations avec un magistrat du parquet financier, un peu amorti, qui l’informe en direct sur la vie du Palais.
Le Tout Paris médiatique a fait de Francelet une de ses coqueluches. Du moins, jusqu’à ce jeudi fatidique où il s’est retrouvé face à face avec le redoutable et redouté juge Philippe Courroye, qui lui reproche pêle mêle fraude fiscale, blanchiment, et corruption sur agent privé, une trouvaille récente du code pénal. Avec en prime une mise en examen pour escroquerie aux Assedic. En fait, Marc Francelet est un pauvre déshérité qui a réussi à toucher 150000 euros comme chômeur, une sorte d’exploit pour un homme d’affaires qui possède des comptes en Suisse, en Floride et jusqu’à l’hospitalière Ile Maurice.
Mis déjà en examen dans l’affaire « Pétrole contre nourriture », toujours par le juge Courroye, pour avoir reçu quelques barils des amis de Saddam en compagnie de Loïk Le Floch Prigent, Francelet connaissait le chemin du pôle financier… Mais le jeudi 29 mars, le climat dans le bureau du juge ne fut pas des plus cordiaux. Les écoutes que les flics avaient pratiqué sur cet informateur privilégié de la presse parisienne traduisaient un état d’esprit un peu revendicatif… « Cet enculé de juge… ». Plus poétique : « Ce psychopathe », « ce pervers ». Avec Francelet, c’est du brutal : « De la merde, le magistrat va en avoir jusqu’aux yeux. »
Subtile, sa vision du monde dépeint un juge Courroye, « agent de la CIA » , qui déstabilise le groupe Total, au profit des Américains, en mettant en examen l’actuel pédégé du groupe pétrolier. Et Francelet de s’en prendre à « cet enculé de Tassez », communicant très en vue, et à « cet enculé d’Airy Routier », journaliste au Nouvel Observateur qui soutiendraient la candidature de Thierry Breton à la présidence de Total. Lequel lorgne effectivement sur le poste. Le malheureux Courroye est décrit, en prime, comme le grand responsable de la victoire de Chirac en 2002, grâce à son acharnement contre Charles Pasqua, dans le dossier dit de l’Angolagate. Visionnaire.
Le dossier judiciaire témoigne du succès de son humour, un brin caustique, auprès de ses amis journalistes qu’il appelle vingt fois, cent fois par jour : l’ex grand investigateur du Monde ( aujourd’hui au Point) Hervé Gattegno, Guillaume Durand ; Frantz Olivier Giesbert et Jean-François Jacquier, du Point également ; Renaud Revel de l’Express, François Caviglioli, du Nouvel Observateur, Gilles Millet, l’ancien de Libération reconverti au magazine Corsica, ou encore ses amis paparazzis de Paris Match et ses collègues du magazine Choc, que Hachette vient de lancer sous la férule de Pierre Lescure et dont il a été nommé conseiller de la direction. Que du beau monde.
Plus grave, comme Bakchich l’explique dans son dossier (p.2), Marc Francelet inspire largement de longues enquètes dans ces prestigieux magazines. Les premières favorables à ses amis - c’est le cas des papiers parus dans le Monde et le Point en faveur du libanais et fugitif Iskander Safa- ; les secondes, hostiles à ses adversaires du moment. Ainsi pour le dossier consacré, le 22 mars, dans l’Express à Arnaud Lagardère et à EADS, où il présente lui même certaines sources au journaliste ami.
Au stade actuel, l’enquète policière démontre que Marc Francelet se faisait parfois rémunérer pour son rôle occulte d’attaché de presse (150000 euros par Iskandar Safa) et offrait volontiers à ses amis journalistes chambres d’hôtel, champagne ou téléphone portable. À tous les étages…
Cette tambouille journalistique ressemble à une mauvaise bouillabaisse. La coupe de champagne commence à avoir des arrières goûts de mousseux.