Neuf milles types vont être foutus à la porte du groupe sidérurgique Arcelor-Mittal. Bien fait, ils n’ont qu’à pas être ouvriers, une activité plus à la mode qui sent le Staline et la naphtaline. Ils feraient mieux d’être communiquants (comme les vases), présentateurs télé (ultra plats) ou traders plutôt que de perdre leur temps à se la couler dur en coulant de l’acier.
Ce n’est pas moi qui vais plaindre ces types pas très intéressants, qui préfèrent la fréquentation du haut fourneau à celle du haut de forme. Imaginez le pauvre Stéphane Bern tentant de faire une émission sur le service public, qui l’aime tant, avec ces lascars pour caviar, ces casqués de plastique coloré ? Le fiasco à l’antenne, pire que stendhalien. Pourtant, les « Mittal », comme on a dit les « Lip » (usine de montres autogérée au temps des hippies), ils devraient être contents de savoir que leur groupe a fait un bénéfice de 9,3 milliards d’euro au cours des neuf premiers mois de l’année. C’est encourageant d’être dans une boîte qui gagne de la thune.
Pourtant, on va les mettre dehors, les « Mittal »… Ah, oui, bien sûr c’est la crise et ce « plan de suppression d’emplois » n’a rien de prémédité. Pauvre Mittal pris dans la dépression, alors qu’hier, encore dans le bonheur, il a marié son fils à Paris au cours d’une fête indécente pour laquelle il a loué le parc de Saint-Cloud et tous les palais de la capitale, sauf l’Élysée toujours occupé par Chirac qui ne faisait pas encore maison d’hôtes façon Hariri.
Sans doute égarés par leur douleur, les ouvriers français de Mittal, ou leurs chefs syndicaux, sont devenus cons. La preuve, ils viennent de dépenser de l’argent et de l’équivalent carbone pour aller manifester devant la sous-préfecture d’Istres au moment où le conseil de Mittal se réunissait à Luxembourg, juste à côté de Clearstream. Imaginez la vulgarité de la scène : Istres, des casqués, des trompes, des sifflets, des bidons sur lesquels on tape, des drapeaux brodés Sud ou CGT…
Alors qu’au lieu de perdre leur temps à Istres, les « Mittal » ont de chaleureux interlocuteurs à Paris. Je veux citer Anne Méaux reine de la « com’ », ancienne égérie du mouvement d’extrême-droite « Occident » et amie de Mittal lui-même. C’est d’ailleurs la duchesse Anne qui a présenté François Pinault, le pote de Chirac, de BHL et du progrès social, à notre excellent Mittal. Ce qui fait qu’aujourd’hui nos « Mittal » à nous ont de la chance dans leur malheur puisqu’ils ont deux interlocuteurs, deux amis de Lakshmi Mittal qui habitent à Paris. Nul doute que ces deux défenseurs des luttes ouvrières auront à cœurs de régler cette affaire de « suppression d’emplois ». Sûrement un malentendu.
Pour vous démontrer que je n’écris pas des bêtises, je vous livre mes sources, les meilleures puisqu’il s’agit d’un article publié en avril 2008 dans le Figaro. On ne peut pas faire mieux :
« Adepte du yoga, Lakshmi Mittal fait mine d’avoir oublié les affronts et refuse de stigmatiser ceux qui l’ont combattu avec dureté. Il préfère rendre hommage à ceux qui l’ont aidé, notamment François Pinault, le fondateur de PPR, le premier à lui avoir apporté son soutien.
L’entrepreneur français est entré en mai 2006 au conseil d’administration de Mittal Steel en pleine bataille boursière sur Arcelor. "J’ai été choqué par l’attitude raciste de la France à l’égard de Lakshmi Mittal", témoigne François Pinault. L’histoire des deux hommes, qui se sont rencontrés grâce à Anne Méaux, l’influente patronne de la société de conseil en communication Image 7, se ressemble. Tous deux ont bâti un empire grâce à leur seul talent et leurs intuitions. Tous deux se sont imposés contre l’establishment. "J’ai entendu les propos de l’ancien patron d’Arcelor à la radio, 24 ou 48 heures après l’annonce de l’OPA. Je les ai trouvés nationalistes et rétrogrades, se souvient François Pinault. Je suis entré en contact avec Lakshmi Mittal pour lui dire que j’étais prêt à lui apporter mon soutien en France."
Dans les dîners organisés dans son hôtel particulier par François Pinault, qui veut présenter à Lakshmi Mittal "la France sous un autre aspect", le patron d’origine indienne rencontre les plus grands noms du capitalisme français : Daniel Bouton, patron de la Société générale, une des banques conseils de Mittal, Martin Bouygues, PDG du groupe éponyme, ou encore l’avionneur Serge Dassault, également propriétaire du Figaro, à qui Lakshmi Mittal a laissé "une bonne impression. C’est un homme dynamique. Il l’a prouvé". »
C’est fini, vous pouvez vous laver les yeux.
Une correction. Les départs volontaires ne concernent pas (encore) les ouvriers, mais uniquement (sic) les cols blancs. Pour l’instant.
Ceux qui, il y a encore moins de 6 mois couronnaient l’intégralité de l’empire Mittal (la même année, le fils Mittal déclaré Young Leader of the year, ArcelorMittal déclaré "Most admired company" dans son secteur, Mr Mittal faisant couverture de Fortune, ..), vantant le génie d’avoir intégrer verticalement vers le bas (mines fer et charbon) lorsque les matières premières atteignaient des sommets, sont désormais les premiers à alerter sur les risques importants de s’être autant investi dans une activité à très forte cyclicité.