Thalès, EADS, Safran, Dassault… Les Pdg de la fine fleur de l’industrie de la Défense française ont été auditionnés par le Sénat le 15 mai. Oh, rien de méchant, juste les faire contribuer à l’élaboration du « Livre Blanc sur la Défense », commandé par le président Sarkozy. L’occasion pour eux de pleurnicher sur leur triste sort et de lorgner sur le marché américain.
Les industriels de la Défense se font du mauvais sang. Et ne se sont pas privés de geindre auprès des sénateurs de la Commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées qui les a réunis le 15 mai pour les entendre sur les grandes évolutions du secteur de la Défense. L’enjeu était de taille puisqu’un Livre blanc sur la Défense commandé par Nicolas Sarkozy est en cours de rédaction et devrait être rendu au courant du mois de juin. Cet ouvrage définira la nouvelle doctrine française de Défense pour les quinze prochaines années. Il servira aussi à préparer une nouvelle loi de programmation militaire prévue pour cet automne et qui fixera les programmes d’équipements des armées ainsi que leur financement sur les cinq ans à venir.
Et c’est justement là que le bât blesse pour nos industriels tricolores. Certes, le président Sarkozy s’est engagé à ne pas toucher au budget de la Défense qui est quand même le second budget le plus important de l’Etat avec 48,07 milliards d’euros [1]. Mais les coupes drastiques imposées à l’Armée par la révision générale des politiques publiques (RGPP) [2] ne sont pas faites pour rassurer les entreprises. L’Etat est en effet un client majeur pour l’industrie de la Défense et une réduction supplémentaire des commandes nationales les contraindra à exporter davantage alors même que ces groupes rencontrent des problèmes de compétitivité à l’international. Surtout face aux entreprises américaines qui raflent 50 % du marché mondial de l’armement. Et ça ne risque pas de s’améliorer dans l’immédiat.
La faute à qui ? A l’euro trop fort face au dollar, grondent-ils en chœur. Quand on parle de marchés en milliards, la dépréciation du dollar face à la monnaie européenne plombe méchamment la comptabilité des boîtes françaises. Rien que pour le groupe d’électronique Thalès, « les prix de vente en dollars, convertis en euros, ont diminué de 50% en cinq ans », reconnaît son PDG, Denis Ranque. Or, l’actuelle parité euro/dollar qui « a pour effet de laminer les marges des industries exportatrices », s’alarme Louis Gallois, le patron d’EADS « ne permet pas de maintenir leur capacité de recherche et d’innovation ». Surtout si l’Etat prévoit de sacrifier son budget Recherche et réviser à la baisse ses programmes d’armement. Que nos dirigeants s’inspirent plutôt des Etats-Unis qui, « sous l’égide du Département de la Défense ont su faire de l’investissement dans les technologies de défense l’un des leviers les plus efficaces pour leur compétitivité », pointe Jean-Paul Herteman, le Président du Directoire du groupe Safran.
En attendant des jours meilleurs, les industriels ont trouvé une solution : délocaliser. Et tant qu’à faire, aux Etats-Unis, histoire de retourner le handicap en avantage. Cette stratégie peut payer, comme on a pu le voir en mars dernier avec l’obtention d’un juteux contrat de 40 milliards de dollars portant sur le renouvellement des avions ravitailleurs de l’US Air force par EADS, allié pour l’occasion avec le groupe américain Northrop Gumman. L’assemblage est prévu aux Etats-Unis. Pour Louis Gallois, ce « virage stratégique » doit faire école : les industriels français et européens ne peuvent « s’imposer comme acteurs industriels majeurs dans ce domaine sans être industriellement présents sur le marché américain des équipements militaires ».
Amen, serait-on tenté de dire, sauf que ces belles théories ne s’appliquent pas aux avions de combat, Rafale en tête. La France a toujours exporté ce type de matériel « vers des Etats qui ne souhaitent ou ne peuvent se fournir auprès des Etats-Unis », et « ces critères restent valables aujourd’hui », a rappelé aux sénateurs le PDG de Dassault-Aviation, Charles Edelstenne. Or, « les premiers marchés qui se sont présentés pour le Rafale étaient des chasses gardées américaines »… On comprend mieux le succès à l’exportation du fleuron français qui se solde à ce jour par… zéro contrat remporté à l’étranger.
[1] Selon le Mindef, en 2008, l’ensemble du budget de la défense s’élève à 48,07 milliards d’euros contre 47,52 en 2007. Outre les crédits de la « mission défense » qui s’élèvent à 36,78 milliards d’euros, ce budget compte également les crédits des missions « anciens combattants, mémoire et lien avec la nation », et celles sur la « sécurité » et la « recherche et enseignement supérieur »
[2] La RGPP a trois grands objectifs : mieux adapter les administrations aux besoins des usagers, valoriser le travail des fonctionnaires et réduire les dépenses publiques pour revenir à l’équilibre budgétaire et gagner des marges de manœuvre.
Bonjour
Il me semble que le budget de la Défense n’est pas de 383 millions d’Euro mais plutôt de 36 251 millions d’Euros, soit plus de 37 milliards… (en 2007).
Bonjour,
Nous avons apporté des modifications à l’article, car il y avait une erreur concernant le montant du budget de l’Etat consacré à la Défense. Merci de votre attention. Merci aussi au lecteur précédent qui a envoyé un message relevant l’erreur. Et toutes nos excuses.
Bien cordialement,
La rédaction.