Du 1er au 17 octobre, les anciens hauts dirigeants de la FNSEA défendent chèrement leur peau dans une affaire de subventions allouées à leur syndicat.
Depuis le 1er octobre, ce sont les quarante dernières années de la politique agricole française et de ses instruments de gestion que l’on juge à la 11ème Chambre du Tribunal Correctionnel de Paris. Peu connu du grand public, les huit prévenus sont pourtant les barons du monde paysan. Que du beau linge à la 11ème ! Dirigeants de l’établissement financier Unigrains et/ou de la FNSEA (Fédération Nationale des Syndicats d’exploitants agricoles), tous comparaissent pour abus de biens sociaux, complicité et recel.
Petite mise au point sur cette affaire méconnue. Suite à un rapport de la Cour des Comptes, de janvier 1999, relatif aux dérives comptables et à la gestion irrégulière par la société financière Unigrains des recettes d’une taxe parafiscale dite FASC (Financement des Actions du Secteur Céréalier), l’Organisation des Producteurs de Grains (OPG), proche de la Coordination Rurale, se constitue partie civile et dépose une plainte contre X pour « abus de confiance, abus de biens sociaux et complicité de recel » en janvier 2000. En octobre 2007, le parquet de Paris a requis un non-lieu général. Mais, en novembre 2007, le juge Pons décide, contre l’avis du parquet, de renvoyer les huit prévenus en correctionnelle considérant que sur le fonctionnement d’Unigrains les faits pouvaient leurs être imputés.
Crée en 1971 au cours du Congrès du Touquet, Unigrains est une société financière qui, sous convention avec l’Etat (7 juillet 1983), utilise en principe les ressources de la taxe parafiscale à des interventions financières et des prêts au secteur agro-alimentaire. La taxe parafiscale, véritable contribution obligatoire, a été affectée par décret à Unigrains. Via deux fonds émanant d’Unigrains, le Fonds de Solidarité des Céréaliculteurs et des Eleveurs (FSCE) et le Fonds d’utilisation réglementée (FUR), cette société anonyme de financement sert de banque de crédit au monde agricole. Unigrains avait entre autres consenti le versement de fonds à la FNSEA, en violation de son objet social et alors que ses dirigeants étaient aussi dirigeants de la FNSEA, dont la majeure partie des prévenus.
La plainte de l’Organisation des Producteurs de Grains met en branle l’appareil judiciaire. L’instruction est menée tambour battant par le célèbre juge Henri Pons qui ordonne en 2004 la mise en examen de sept hauts responsables de la FNSEA et de Unigrains. Collier de barbe argenté, donnant du « tu » à ses compères, Luc Guyau, ancien président de la FNSEA et actuel vice-président de la Fédération des métiers de la terre de l’UMP, ne comparaît bien évidemment pas seul. Ses sept acolytes ne sont autres que l’ancien président de Unigrains, Henri de Benoist (également ancien vice-président de la FNSEA), l’ancien président de la Confédération Nationale des Eleveurs (CNE) et de la Fédération Nationale Bovine, Joseph Daul (également président des eurodéputés chrétiens-démocrates au Parlement européen), Georges Malpel, Pierre Leroy, et Yves Salmon, tous anciens directeurs généraux de la FNSEA et de Unigrains, et Eugène Schaeffer, premier vice-président de la FNSEA. Seul haut fonctionnaire à comparaître, Georges Dutruc-Rosset, ex-directeur de cabinet du ministre de l’Agriculture Philippe Vasseur (1995-1996) est poursuivi pour complicité d’abus de biens sociaux.
Appelés comme témoins de la défense, Henri Nallet, ancien salarié de la FNSEA, conseiller du président de la République sur les questions agricoles dès 1983, puis ministre de l’agriculture dans le gouvernement Michel Rocard de 1988 à 1990, Alain Lamassoure, ministre du budget de 1995 à 1997 sous le gouvernement Juppé et Michel Rocard, en tant qu’ancien ministre de l’Agriculture, ont littéralement torpillé les prévenus. Henri Nallet a simplement trouvé « inappropiés », mais sans les démentir, les termes d’ « arrangements entre amis » et de « clientélisme » employés par Inchauspé. Alain Lamassoure constate que « tout le monde était au courant, les céréaliers payaient la taxe parafiscale, les éleveurs la percevaient et les représentants de l’Etat et le FNSEA géraient » et que l’ « Etat était au courant de tout ». Répondant par un « oui ! » aussi bref que solitaire, à une question de la partie civile sur les autorisations de paiement de Unigrains à la FNSEA, Lamassoure reconnaît explicitement que ces autorisations étaient illégales. Enfin, Michel Rocard dénonce les « bricolages » en parlant de la parafiscalité. Il avait renoncé à l’époque, dit-il, au « légalisme de cette pratique ». Résumant parfaitement l’atmosphère de toute cette affaire, Michel Rocard conclut par une sentence éprise d’éthique, « nous ne sommes pas dans un univers de régularités parfaites ».
Dès la création de la société Unigrains, des comités de co-gestion, où sont représentés les ministères de tutelle (économie, finances et industrie, et agriculture) et les organisations professionnelles agricoles, président aux décisions. Mais en clair, l’Etat dans l’Etat que représente Unigrains/FNSEA monopolisait tous les tenants et les aboutissants de la politique agricole française. Dans les lymbes des arcanes financières du mammouth syndicale agricole, la FNSEA, et sa filiale financière Unigrains, dort un vrai trésor de guerre. Pour l’avocat de l’Organisation des Producteurs de grains, Me Inchauspé, la défense des prévenus se résume ainsi : « Nous savons combien nous avons pris, nous savons à qui, nous savons où nous l’avons mis. Donc, nous sommes innocents ». Verdict dans quelques mois…
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Slt
Ben moi dans ma vie de salariée d’usine j’ai été confrontée aussi à de nombreuses catastrophes "naturelles". Délocalisations ; précarité de l’emploi …horaires de travail en bois ..etc…etc. L’aide abusive dans notre pays ? Elle est dénoncée tous les jours . Aide au chomeurs…aide aux malades… aide aux étrangers …..Etc. En quoi les agriculteurs de notre pays seraient t’ils exempts et au dessus de tous soupçons .
La justice ,pour tout le monde , y compris les agriculteurs. Normal .
;)