"Bon mais au fait, Sarkozy, il a fait quoi concrètement pour les usines ?", me demande mon beauf.
Les usines, c’est son truc. La semaine dernière Sarkozy était à nouveau en déplacement dans l’usine Smart d’Hambach et Bruno, mon beauf, n’était pas peu fier d’avoir un Président aussi volontaire. Adieu délocalisations, les fleurons de l’industrie qui passent sous pavillon étranger. La France, grande puissance industrielle est de retour !
Tu sais, Bruno, que derrière cette soudaine passion, on trouve la plume et parfois le cerveau du président, Henri Guaino. « Cela faisait des années que nous avions perdu notre centre de gravité, on n’osait à peine prononcer le mot d’industrie. Cela va devenir très à la mode », pronostiquait celui-ci, début septembre, devant les patrons du Medef . Et le conseiller du président de recycler tranquillement les discours que la CGT tient depuis des décennies, passant alors pour une organisation totalement ringarde. D’ailleurs en annonçant la tenue « avant la fin de l’année », « d’états généraux de l’industrie », Sarkozy a publiquement souligné qu’il avait piqué là une « très bonne idée du secrétaire général de la CGT ». Ce qui confirme encore, s’il en était besoin, les liens de plus en plus étroits Thibault et Sarko.
« Bon mais au fait, il a fait quoi concrètement pour les usines ? », me demande Bruno. Ecartons, pour être charitable, les grandes déclarations aussi péremptoires que sans lendemain sur le sauvetage du site d’ArcelorMittal de Gandrange. Création d’un fond stratégique d’investissement doté à terme de 20 milliards d’euros, plan d’aide aux PME mais aussi prime à la casse et six milliards injectés dans l’industrie automobile…On ne peut pas dire que Sarkozy ait vraiment chômé.
Sauf que, derrière cet apparent activisme, les spécialistes doutent qu’il y ait vraiment une vision. Dans un rapport rendu à Sarkozy par le conseil d’orientation du FSI (Fond stratégique d’investissement), présenté comme l’arme anticrise de notre industrie, les membres ne cachent pas leur dépit et n’hésitent pas à parler au contraire « d’abandon de la politique industrielle ». Bigre. « Il est vrai que son bilan est pour l’instant un peu léger ». Il n’a investi que dans vingt trois dossiers jusqu’ici, reconnaît Jean-Christophe Le Duigou, membre du conseil. Le CIRI (comité interministériel de restructuration industriel), sous doté, n’a lui aidé qu’une trentaine d’entreprises en 2009. Un peu court en plein séisme économique.
Enfin, la nomination de Christian Estrosi au ministère de l’Industrie, au plus fort de la crise, a pu surprendre. Un haut fonctionnaire de Bercy, approché pour faire partie de son cabinet, raconte que, comme d’autres spécialistes de l’industrie, il a décliné l’offre : « Il n’était pas question pour nous de travailler avec un ministre qui, dès son arrivée, a déclaré : « l’industrie, je n’y connais rien, mais je vais m’y mettre ». » En bon élève du président, Estrosi s’est pour l’instant surtout attelé aux dossiers médiatiques, comme celui de Molex. Pas de quoi parler de nouvelle donne industrielle.