Après onze années de rebondissements, la saga des futurs-nouveaux locaux de l’ambassade de France à Pékin touche à sa fin. Un accouchement laborieux qui a déjà coûté près de 40 millions d’euros.
La France fait peau neuve à Pékin. Au rebut, les vieux bâtiments vétustes de sa mission diplomatique, fruit de l’architecture des années 60. De l’histoire ancienne, l’éparpillement généralisé des services diplomatiques aux quatre coins de l’Est pékinois. Dans un courrier du 24 novembre 2008 que l’ambassadeur de France en Chine, Hervé Ladsous, envoie au trésorier de la section UMP de Pékin et conseiller auprès des Français de l’étranger, Francis Nizet, sa joviale Excellence, indique que « ce projet permettra de regrouper dans un seul bâtiment moderne et fonctionnel l’ensemble des services de l’ambassade ainsi que la résidence de France ».
Située strictement en face de la rue Nurenjie, la « rue des femmes », le futur « compound » diplomatique français s’intercalera entre l’ambassade d’Israël, réplique réduite de la Knesset, et la toute nouvelle ambassade des Etats-Unis, inaugurée par Georges W. Bush, le jour de l’ouverture des Jeux olympiques de Pékin en août dernier.
L’histoire de ce beau projet débute en mai 1997. Très exactement, 48 heures avant la « déclaration conjointe pour un partenariat global stratégique sino-français » signé par l’ex-président chinois Jiang Zemin et Jacques Chirac.
Pour la modique somme de 14,5 millions de dollars versés à la Chine entre 1997 et 1999, la France signe alors un bail de 70 ans pour un terrain de deux hectares en plein coeur de Pékin, dans le nouveau quartier diplomatique de Liangmaqiao. Le choix du terrain, aujourd’hui abandonné aux herbes folles, s’est effectué dans des conditions quelques peu étonnantes : aucun diplomate tricolore n’a jugé utile de le visiter en amont. « Car si cela avait été le cas, on aurait vu que le terrain était surplombé par une ligne à haute tension ! » s’exclame un bon connaisseur du dossier. Mais le pire était à venir.
Selon Le Figaro en date du 8 août 2008, les nouveaux locaux diplomatiques devaient être bâtis avant le 29 septembre 2002. La sanction était potentiellement lourde : le cas échéant, la municipalité de Pékin aurait eu le droit de reprendre le terrain ou les Français condamnés à payer 500 000 euros par an pour conserver le bail. Contacté par Bakchich, le Quai d’Orsay dément avoir déboursé ne serait-ce qu’un centime : « aucune somme complémentaire n’a dû être versée pour conserver ce terrain, des travaux préparatoires ayant été engagés dans les délais requis ».
Toujours est-il que ce n’est que le 24 novembre dernier que l’ambassadeur de France confirme dans son courrier qu’il a « le plaisir » d’informer « de la signature du contrat de travaux pour l’aménagement du campus diplomatique de la France en Chine ». L’administration chinoise a, elle, approuvé le 10 juillet 2007 le projet architectural de la nouvelle ambassade et autorisé sa construction après s’être opposé à ce que le lycée français soit déplacé dans le compound diplomatique tricolore.
Hervé Ladsous précise également – surprise ! – que « suite à une procédure d’appel d’offres respectant les principes du code des marchés publics français, le contrat a été attribué à l’entreprise chinoise Beijing Construction and Engineering Group pour un montant de 218 000 000 RMB soit 25 070 000 euros TTC ». Heureusement que le Quai d’Orsay est sensé faire des économies…
Là encore, confier la construction d’une ambassade étrangère à des Chinois réputés pour leurs talents d’espions, relève du paranormal. Un choix que n’auraient jamais fait les Américains qui ont signé un accord bilatéral avec la Chine, selon lequel la construction de leurs ambassades respectives n’incombait aucunement au pays hôte.
Pour leur nouvelle ambassade à Pékin, les Etats-Unis ont donc importé par containers entiers tous les matériaux de construction ainsi que la main d’oeuvre directement du pays de l’Oncle Sam. La République Populaire de Chine en a fait de même à Washington. La France, elle, s’asseoit sur ce principe élémentaire de sécurité…
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Franchement, j’ai du mal à croire que le fait que des entreprises chinoises construisent l’ambassade pose un problème de sécurité.
Il est évident, du moins je l’espère, que des spécialistes français passeront ensuite pour détecter tout indice d’espionnage potentiel afin de rendre les locaux clean.
Je crois juste que les américains ont mieux joué le coup pour leurs entreprises.