Le cercle de jeux Concorde alimente la chronique judiciaire et remplit les prisons marseillaises depuis deux mois. Bakchich, qui en a déjà révélé quelques dessous, vous raconte par le menu ce drame à rebondissements. Une pièce en quatre actes, dont voici le dernier : des arrestations en série, des écoutes palpitantes, des cavales grandioses… et quelques taupes dans la police ?
Pour lire les deux premiers actes de ce feuilleton, ce qui peut être fort utile, il faut cliquer ici. On y découvre Monsieur Paul (Lantiéri) et son ami banquier suisse François Rouge, qui investissent dans une gargotte à Aix et dans un juteux cercle de jeux parisien, le cercle Concorde, réouvert opportunément.
Et pour le troisième acte, cliquez ici. On y apprend comment nos amis ont eu quelques bisbilles avec des alliés ou des ennemis, à Marseille et à Paris. Mais ce n’est pas fini, et voici la suite !
ACTE IV : OU CERTAINS TOMBENT DANS LES FILETS ET D’AUTRES S’ECHAPPENT CURIEUSEMENT
Novembre 2007 commence mal, pour le clan Lantiéri-Rouge. Déjà évincé dans la gestion du Cercle, sa « poule aux oeufs d’or », taquiné par la justice dans l’affaire des Marronniers, voilà qu’une bande de jeunes godelureaux un brin kamikazes leur fait de la pub. Paul Lantiéri voit sa trombine s’afficher en une du n° 53 de Bakchich hebdo, le 2 novembre. Le début de la fin… Si, si.
Dans la foulée, le 6 novembre, une première vague de perquisitions s’écrase sur Genève, dans les bureaux de Me Fontanet, l’avocat de Rouge et à Modène (Vaucluse), maison secondaire du banquier suisse. Dans le Midi pour saisir « plusieurs armes d’épaule à répétition manuelle de calibre 12 et 22 LR avec les munitions correspondantes ainsi qu’un pistolet automatique SIG de calibre 9mm » sont saisis. Un attirail sans doute destiné à la chasse au sanglier… Mais surtout, les flics mettent la main « sur toute la comptabilité du cercle de A à Z », s’affole Rouge, dans un coup de fil à son pote Paul.
Le temps de se rassasier de cette belle pêche et les poulets remettent le couvert les 26 et 27 novembre. La deuxième vague touche cette fois directement le Cercle Concorde, qui ferme pour l’occasion, agrémenté de multiples arrestations. De douces rumeurs bruissent dans le petit milieu des cercles. « Une affaire de drogue » sans doute… Que nenni, la Juridiction interrégionale spécialisée de Marseille a lâché ses limiers pour « blanchiment ». Et ses fidèles ramènent dans leur panier parisien le clan Raffali, le père Edmond, ses deux fils et son neveu, les seconds couteaux de la bande Lantiéri. À Marseille, le 27 novembre, Antoine Lantiéri, le frère de Paul, et François Rouge, en balade sur le Vieux Port, sont invités à venir méditer 96 heures à l’Evêché, le commissariat central de Marseille. En Corse, les poulets coincent quelques affidés du clan Fédéricci
Décidément fort en réussite, les poulets s’en vont même faire un tour dans l’arrière-pays à Simiane-Collongue, le 28 novembre, pour aller faire causette à Roland Cassone, « le vieux monsieur » et à son neveu et voisin Théo Skillas. Le maçon à la retraite leur a tellement plu qu’ils l’ont ramené avec eux, l‘extirpant de la maison qu’il avait lui-même construite en 1977, relâchant immédiatement Skillas. Cerise sur le gâteau, le 20 décembre, Paul Barril répond poliment à une convocation du juge. Lui est instamment ordonné de rester un peu.
Tout ce beau monde se voit placer en garde-à-vue, sous le régime du grand banditisme, un régime dérogatoire qui permet de garder au frais les prévenus pendant 96 heures. Après les avoir autant écoutés au téléphone, sûr que magistrats et policiers ont eu envie de faire connaissance. Et pour prolonger le plaisir, tournée générale de mises en examen pour association de malfaiteurs. Et plus si affinités. Qui pour « extorsion de fonds », qui pour « tentative d’assassinat », qui pour « blanchiment ». Un inventaire judiciaire à la Prévert qui réunit les trois clans Lantiéri-Rouge, Raffali et Fédéricci, qui se sont tant chamaillés au Concorde.
Malheureusement les retrouvailles opérées par les juges Duchaîne et Tournaire s’avèrent incomplètes. Alors que les flics marseillais ont tout planifié. « Le 27 novembre (…) était décidée une vaste opération destinée à interpeller tous les protagonistes. Manifestement avisés par une source inconnue de cette intervention de la police, Jean-François Fédéricci, Jacques Butafoghi et Paul Lantiéri prenaient la fuite ». Les deux derniers compères courent la campagne alors même qu’ils sont déjà mis en examen dans l’affaire des Marronniers. Une pierre dans le jardin de ceux qui trouvent que la France a basculé dans le tout répressif…
Et la fuite n’est, semble-t-il, pas la première dans l’affaire. Une petite conversation du 25 mars 2007, ausculté par des policiers espiègles, intrigue. « L’interlocuteur d’Antoine lui annonce que le déplacement qu’ils devaient effectuer mardi a été annulé et précise qu’un individu, dont manifestement il tient cette information « veille » et que donc Antoine [Lantiéri] n’a pas à s’en faire. »
Timides, les limiers émettent l’hypothèse que cette « communication pourrait se rapporter à une opération conjointe (…) prévue le 27 mars 2007 (…) qui avait notamment pour objet principal de procéder à une perquisition du cercle de jeux Concorde (…) et à l’audition de plusieurs individus ». Une intervention « abandonnée en raisons d’indiscrétions apparues par ailleurs, à l’occasion de surveillances techniques suivies par la PJ d’Ajaccio ».
Bref une taupe sévirait dans la maison Poulaga. Diablement efficace. L’interlocuteur d’Antoine Lantiéri n’est autre que Francis Marie Pantalacci. Un invité d’honneur de la soirée d’inauguration du Cercle de jeux le 30 novembre certes, originaire, comme les Lantiéri de Corse-du-Sud. Mais surtout le président de la commission des finances de la chambre de commerce d’Ajaccio… En cavale fin décembre (il s’est rendu à la police le 8 janvier dernier), et visé par une enquête du juge Charles Duchaîne, de la Jirs Marseille, pour association de malfaiteurs sur quelques agissements de la chambre de commerce et de la société de sécurité SMS, d’Antoine Nivagionni, un proche des Lantiéri également en cavale). Sans doute plus qu’une coïncidence. Sinon pourquoi les enquêteurs se décarcasseraient-ils ?
Autre petit sujet de réflexion, le rôle de ce « vieux monsieur », dont les Lantiéri parlaient sans cesse au téléphone. Moins précieux, leur pote suisse François Rouge désigne « Roland Cassone », « associé à cette affaire pour une raison inconnue (…) Et qui devait bénéficier d’une participation sur les résultats ». Le bon Roland nie les faits avec toute la sincérité d’un maçon à la retraite qui touche 800 euros par mois. « Franchement, une part pour Cassone, c’est ridicule, raille un habitué du Mitan. Ou c’est à lui et il mène la danse, ou il ne s’y intéresse pas ».
Dernière piste signalée mais pas encore balisée, la bienveillante indulgence dont a bénéficié le Cercle de Jeux Concorde. Dont l’arrêté d’ouverture délivré par le ministère de l’Intérieur a été deux fois prolongé depuis 2005, la dernière prolongation intervenant le 25 septembre dernier. Alors que de toute évidence, le bel idéal « républicain » avait été bafoué…
« Ne vous inquiétez pas, glisse, paternel, un flic à Bakchich, l’affaire ne fait que commencer ».
L’interlocuteur d’Antoine Lantiéri n’est autre que Francis Marie Pantalacci. Un invité d’honneur de la soirée d’inauguration du Cercle de jeux le 30 novembre certes, originaire, comme les Lantiéri de Corse-du-Sud. Mais surtout le président de la commission des finances de la chambre de commerce d’Ajaccio…
bien…de mieux en mieux…