Le 26 septembre, de vrais allumés défenseurs de l’école privée catho se sont donnés rendez-vous en terre vendéenne, pour mobiliser leurs troupes, et leurs plus sûrs alliés politiques, au sein du gouvernement Fillon. Une taupe de « Bakchich » a assisté au conclave de la trop méconnue association « Enseignement et Liberté ».
La charmande bourgade perdue en terre villiériste de La Roche-sur-Yon, accueillait le 26 septembre, une conférence discrète à l’Institut Catholique d’Etudes Supérieures, à l’initiative de l’association Enseignement et Liberté. Une ONG suisse « pour le Droit à l’éducation et la Liberté de l’enseignement », du nom d’OIDEL, était aussi de la partie. Celle-ci a été fondée, comme le révèle une session du Grand Conseil de l’Etat de Genève, « avec l’appui actif de l’Opus Dei ».
Invités de marque de ces réjouissances, Alfred Fernandez, Directeur Général de l’OIDEL, venu présenter les dernières conclusions tirées du rapport de l’organisation helvétique. Monsieur le Recteur Armel Pecheul et Philippe Gorre, de l’association française « Enseignement et Liberté », qui milite depuis plus de 20 ans pour une casse méthodique du mammouth (entendez, l’Education nationale), prônant les « solutions » libérales les plus hostiles et innovantes, suppression de la carte scolaire, chèque éducation… Et des « spécialistes » à foison, tels l’éminent et spirituel Serge Schweitzer, enseignant à la faculté de droit et de sciences politique de l’Université Paul Cézanne d’Aix-Marseille III, Lauréat du prix Liberaux.org et enseignant à l’ICES (Institut Catholique d’Etudes Supérieures), une sorte d’icône des milieux ultra-libéraux, « libertarien » comme il se définit lui-même.
Sans oublier des politiques, dont l’illustre Guy Guermeur, ex-député RPR français et européen, qui fut l’auteur, en 1977, d’une loi éponyme fondatrice pour les défenseurs de l’école privée. Un sénateur affiche, lui aussi, sa présence et son soutien : Bruno Rétailleau, premier vice-président du Conseil Général de Vendée, un fervent villiériste. Tout ce petit monde se tutoie, s’apprécie, s’encourage…
C’est que la curée anti-mammouth n’a pas fini de porter ses fruits. Sus à la « syndicratie » ! A bas le « gosplan » de l’Education nationale, « monolithique, soviétiforme ». L’Etat ? Qu’il reste à sa place ! Mais surtout, qu’il aide au financement du privé pour une « authentique liberté de l’enseignement », enfin réalisée… En clair : Etat, donne l’oseille et tire-toi ! Chèque éducation ou forfait à l’élève, peu importe la méthode, sur laquelle les avis divergent.
Quelques perles, au gré des brillantes interventions des uns et des autres, et autres vérités révélées et assénées par cette belle brochette de savants fous, à un public essentiellement constitué de jeunes élèves de l’ICES, réquisitionnés pour l’occasion (chacun sa croix !).
Serge Schweitzer : « La Sorbonne, qui a vu défiler sur ses bancs, tant de Pol Pot »…. « l’Université publique française, bien plus criminelle que les soi-disant dérives sectaires de l’école à la maison… » . « Mon grand ami Jacques Garello, obligé d’épouser les thèses de Keynes pour arriver à se faire une place à l’Université »… Cet autre « grand ami », qui se serait laissé pousser les cheveux pour pouvoir intégrer l’une des plus grandes écoles de journalisme françaises. Ou encore, entendu dans les couloirs de l’ICES : « Vous avez étudié à la Sorbonne ? Cette fac de tarés, les Soboul et compagnie ? », « Si ça continue, je fous le camp de ce pays de m… »
Dans cette croisade, (« la providence serait peut-être avec nous » ?), la brave équipée trouverait ses alliés les plus sûrs, paradoxalement, moins du côté des établissements privés eux-mêmes, que sur les bancs de l’Université publique et surtout, au sein même de l’actuel gouvernement. Schweitzer les énumère fièrement : « Le Président de Paris 4 Sorbonne, le recteur Jean-Baptiste Carpentier, qui est l’un de nos amis, conseiller pour l’éducation, l’enseignement supérieur et la recherche auprès de François Fillon… ». Et enfin, « Tanneguy Larzul, directeur adjoint du cabinet de Darcos »… Si c’est Schweitzer qui le dit !
Philippe Gorre, d’Enseignement et Liberté, plus chaste : « En France, 80% des élèves sont scolarisés dans le public, 20% dans le privé, essentiellement catho sous contrat. Que dirait Bruxelles si deux fabricants de yaourt à l’échelle industrielle, avaient des parts du marché fixées arbitrairement à 80-20% ? Si le fabricant majoritaire avait obtenu une loi récente, interdisant à 2 familles de s’associer pour faire du yaourt à la maison ? Cela entraînerait-il des pénalités à Bruxelles ?… »
Le recteur Armel Pecheul, lui, en des termes emprunts d’une certaine poésie, sonne le glas de l’Education nationale, qui serait « dans une situation guère tenable à long terme, si ce n’est à court terme ! A l’échelle européenne, la technostructure se crispe. Voilà une baleine en train de mourir qui donne des coups de queue contre ce qui la crispe, la démange : l’enseignement privé ».
Quand Schweitzer, se fend d’une allusion perfide aux laïcards, « journalistes et profs crasseux et ignorants », le recteur Armel Pecheul enjoint ses « amis » à conserver « le calme des vieilles troupes » face aux ennemis de tout poil, engagés dans « un combat d’arrière-garde très dangereux . Ces gens-là sont capables de tout ». Ah oui ?
Tout ce beau monde compte donc ses forces, pour le combat à venir, qu’il entend porter jusqu’à la Commission de Bruxelles et au Parlement de Strasbourg : obliger l’Etat à financer l’enseignement privé pour assurer une véritable « liberté de l’enseignement », qui serait un droit de l’homme, et dont l’indice, élaboré par l’OIDEL, serait assimilable à l’indice de développement humain ! Ben voyons…
Laissons le mot de la fin au député et ex-président de l’association « Parlementaires pour la liberté de l’enseignement », Guy Guermeur, qui conclut les débats en remerciant ses vieux compagnons de route, « l’OIDEL, Enseignement et Liberté, avec lesquels nous sommes comme les doigts de la main »… : « Voilà donc un commencement de preuves qui encourage à aller de l’avant. Nous allons nous présenter à Bruxelles ou à Strasbourg, auprès de la Commission européenne, non pas pour pleurer comme n’importe quel groupe organisé, mais pour que l’on conduise ensemble un travail destiné à donner aux futurs européens l’éducation qui permette à ce continent de compter, pour l’éternité ». C’est la lutte finale, groupons-nous et demain, la liberté de l’enseignement sera le privilège d’une poignée de riches cathos. Amen !
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