Le tribunal correctionnel d’Épinal a libéré 5 suspects en attendant de se prononcer sur la nullité de leurs gardes à vue.
Cinq suspects, qui devaient être jugés en comparution immédiate pour trafic d’héroïne vendredi dernier, ont été libérés par le tribunal correctionnel d’Epinal qui attend de se prononcer sur la nullité de leurs gardes à vue ordonnées par le procureur.
La défense s’est appuyée sur une jurisprudence récente de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), qui établit que le procureur n’est pas un magistrat indépendant.
La nullité de la procédure s’appuie sur l’arrêt dit " Medvedyev ".
Rendu par la CEDH le 29 mars, cet arrêt stipule que "le magistrat doit présenter les garanties requises d’indépendance à l’égard de l’exécutif et des parties, ce qui exclut notamment qu’il puisse agir par la suite contre le requérant dans la procédure pénale, à l’instar du ministère public".
Rappel des faits : en juin 2002, un discret et timide navire, "le Winner", se promène dans les festives eaux du Cap-Vert. Sitôt que s’approche un navire de l’armée française, l’embarcation pond de petit paquets. Comme autant de ballons de cocaïne jetés à la mer. Ballot. L’équipage est arrêté (dont le fameux M. Medvedyev) et maintenu à bord treize jours durant, le temps de ramener l’embarcation vers Brest et de présenter tout ce beau monde à un juge d’instruction pour une mise en examen puis à un juge des détentions et libertés.
Saisie par l’équipage, la petite chambre de la CEDH avait réalisé une jolie embardée le 10 juillet 2008. L’arrestation des moussaillons amateurs de poudre et d’écume avait violé l’article 5.1 de la convention européenne des droits de l’homme. Voire plus précisément l’article 5.1.C :
"1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales : s’il a été arrêté et détenu en vue d’être conduit devant l’autorité judiciaire compétente, lorsqu’il y a des raisons plausibles de soupçonner qu’il a commis une infraction ou qu’il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir après l’accomplissement de celle-ci".
Rien de franchement gênant pour la France, habituée à de régulières condamnations devant la cour de Strasbourg. Un détail l’a toutefois taquinée. Le rappel par la cour que le "procureur de la république n’est pas une autorité judiciaire au sens que la jurisprudence de la cour donne à cette notion, il lui manque en particulier l’indépendance à l’égard du pouvoir exécutif". Une vraie méchanceté à l’heure où le gouvernement a dans l’idée de placer le parquet au centre de la procédure judiciaire.
Un argument que ressert Me Sébastien Bonnet, l’avocat de l’un des quatre jeunes hommes qui devaient être jugés à Epinal : "le parquet français, qui ordonne la garde à vue et devant lequel les suspects sont présentés avant d’être jugés, ne présente aucune des garanties d’indépendance exigées par la Convention puisqu’il est nommé par le pouvoir exécutif".
Le tribunal correctionnel d’Epinal a préféré mettre sa décision en délibéré au 4 juin, et a libéré les prévenus dans l’intervalle.
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