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L’Union Européenne du crime vue par Europol

criminalité / jeudi 5 novembre 2009 par Woodward et Newton
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Le rapport "Octa 2009" contient l’actualisation des connaissances policières sur le crime organisé et les menaces qu’il représente pour l’Union Européenne. Instructif.

Bonne nouvelle  ; les flics d’Europol, la police européenne, ne ressemblent pas aux ripoux qui s’ignorent comme dans les séries « The Shield » ou « Braco » son clone bien de chez nous qui cartonne le lundi soir sur Canal+.

Ce sont d’abord des intellectuels qui maîtrisent les fondements de la théorie économique moderne et les appliquent dès que l’occasion se présente dans leur boulot. C’est en tout cas l’impression que donne le rapport « Octa 2009 » qui vient de sortir à destination des initiés.

« Octa 2009 » (Organised Crime Threat Assessment), c’est l’actualisation des connaissances policières sur le crime organisé et les menaces qu’il représente pour l’Union Européenne. Et le moins que l’on puisse dire en ce qui concerne la livraison 2009 des pandores européens, c’est qu’on reste sur sa faim.

L’exercice se veut une évaluation multicritères des tendances criminelles actuelles et à plus long terme en Europe. Pour être plus percutante, la méthodologie adoptée par les rédacteurs a consisté à étudier en 3D l’activité criminelle en Europe en prenant en considération à la fois la nationalité des groupes criminels observés, les « marchés » géographiques qu’ils exploitent, les « stratégies » et les activités criminelles qu’ils y déploient, ainsi que leur capacité à les mettre en œuvre avec succès.

Sans doute trop ambitieux, les flics d’Europol ont livré un rapport un peu confus, d’où il ressort finalement que les grands principes de l’économie s’appliquent également à l’activité criminelle, en particulier la spécialisation internationale du travail et la détérioration des termes de l’échange entre les produits « technologiques » et manufacturés du Nord et les matières premières du Sud.

Les marchés d’abord : les intellos d’Europol ont défini un concept vaguement original dénommé « hub », en français « moyeux », qu’il vaudrait mieux traduire par « noyau » s’agissant du centre de gravité géographique d’une activité criminelle donnée.

Ils en dénombrent 5, à partir desquels se répand l’activité criminelle dans toute l’Europe ; ils sont respectivement désignés comme les noyaux Nord Ouest, le Sud Ouest, le Nord Est, le Sud et le Sud Est ; mouais…

1. Nord Ouest : héro, coco, lsd…

Le "noyau" Nord Ouest paraît assez dur à avaler par Europol ; il est géographiquement constitué de la Belgique et des Pays Bas. Les experts qui l’étudient concluent que son rôle va persister dans la distribution d’héroïne, de cocaïne et de drogues de synthèse et que son influence s’étend progressivement au Royaume Unis, à l’Irlande, la France, l’Espagne, l’Allemagne et les pays baltes et scandinaves. Diantre…Il est alimenté par un complexe criminel qui pourrait être situé « aux alentours de Dubaï », un centre financier et commercial clé dans l’internationale du crime, qui fournit des prestations logistiques aux groupes criminels qui nouent localement des contacts, font du business, blanchissent à tout va des revenus illicites et affrètent des navires à destination de zones de transit vers le consommateur final.

2. Sud Ouest : coke, shit, humains

Le "hub" Sud Ouest, c’est, pour faire simple, la péninsule ibérique, porte d’entrée vers l’Europe de toutes sortes de trafics et plus particulièrement de la cocaïne, de la résine de cannabis, d’êtres humains destinés à la prostitution et d’immigration clandestine. Ce « noyau » est traditionnellement approvisionné par l’Afrique du Nord et du Nord Ouest. C’est en passant ce noyau à la concasseuse que les gars d’Europol ont découvert la montée en puissance de l’Afrique de l’Ouest et du Centre dans le trafic international de drogue.

3. Nord Est : clopes, héro, putes

Rien de nouveau en revanche pour le « moyeux » Nord Est : il continue à être lubrifié par des fournisseurs situés juste de l’autre côté de la frontière orientale européenne, la fameuse « passoire » de Schengen. Les génies d’Europol n’y vont pas avec le dos de la cuillère et mettent en cause la Fédération Russe, l’Ukraine et le Bélarus ainsi que le « pôle d’excellence criminelle » que représente la ville de Kaliningrad en particulier dans la contrebande de cigarettes et dans l’importation d’héroïne pour le marché Ouest Européen.

Le flot d’approvisionnement constaté est principalement dans le sens Est-Ouest (notamment les femmes pour la prostitution, les cigarettes, les contrefaçons et les drogues de synthèse dont nos amis russes commencent à maîtriser la technologie). Saint Petersbourg chère aux nostalgiques des tsars, joue également un rôle logistique majeur. C’est ce « noyau » qui concentre un certain nombre de produits criminels élaborés localement et distribués sur le marché russe, celui des pays baltes et scandinaves et enfin vers l’Europe de l’Ouest.

4. Sud : mafieuseries

Pour faire simple, le « noyau » criminel Sud, c’est l’Italie et ses mafias qui développent depuis peu d’importantes synergies avec des groupes extérieurs à l’Union Européenne. Ses spécialités traditionnelles sont le trafic de cannabis et de cocaïne, l’immigration clandestine, la contrefaçon et la contrebande de cigarettes de contrefaçon ou volées dans les grands ports italiens. Depuis peu, cette zone s’est diversifiée dans la fabrication de fausse monnaie (euros).

5. Sud Est : contrefaçons

Le noyau criminel Sud-Est se trouve, d’après Europol, quelque part entre l’Europe et l’Asie. Il constitue également une porte largement ouverte sur l’Europe. D’un point de vue logistique, il exploite habilement la mer Noire et le réseau de fleuves alentours. La Roumanie, comme le sait notre Besson national lorsqu’il n’a pas les yeux fixés sur les Afghans de Calais, alimente largement l’immigration clandestine. En Bulgarie, on s’est spécialisé dans les drogues de synthèse, la fabrication d’euros contrefaits et les escroqueries à la carte bancaire à grande échelle. Les Europol’s men soulignent également le rôle du port de Constanta dans l’importation de cocaïne en provenance de Turquie.

Bien voir, bien vu

Pour rendre les choses un peu plus difficiles à lire, les esthètes d’Europol ont également fait œuvre créative dans la formalisation des stratégies développées par le crime organisé. C’est le degré de violence qui est la variable d’ajustement ; à l’une des extrémités les stratégies dites « VI-SO » (violence et intimidation envers les sociétés) ; à l’autre bout, celles dites « EL-LE » qui consistent à se lancer dans des activités criminelles qui se « contentent » d’être illégales, en essayant de passer inaperçues des forces de l’ordre grâce à une quasi absence de violence.

And the winner is…

Suit le Who’s who du crime : le Nobel de la violence attribué à l’Albanie, la Pologne et la Hongrie ; Le Maroc et sa légendaire résine de cannabis et son non moins célèbre transit de cocaïne entre l’Afrique sub-saharienne et l’Europe ; le rôle croissant du Golfe de Guinée dans la logistique de la cocaïne en provenance d’Amérique du Sud qui transite désormais par l’Afrique de l’Ouest, une partie étant expédiée vers l’Europe, l’autre vers la Turquie pour satisfaire la demande moyen-orientale.

La nette augmentation de la production d’amphétamines en Bulgarie et en Turquie, Belgique et Pays Bas conservant à ce sinistre hit-parade, un avantage indiscutable dans la production de drogues de synthèse.

En matière de trafic d’être humains, la compétition fait rage entre bulgares, nigérians, roumains et autres moldaves, auxquels se sont joints plus récemment chinois, russes, turcs, ukrainiens et vietnamiens. contrairement à une croyance bien ancrée, les Albanais, véritables « coucous du crime » s’orientent de plus en plus vers l’exploitation des victimes des trafics d’êtres humains opérés par les spécialistes de la discipline, infligeant ainsi aux malheureux une sorte de double peine ; en matière de simple fraude, c’est celle à la TVA intracommunautaire qui bat tous les records.

Rançon du succès de la monnaie unique, les faux euros sont maintenant fabriqués en Bulgarie, en Turquie, en Colombie ( !) en Italie et en Lituanie. On retrouve des Euros contrefaits de très bonne qualité dans toute l’Europe. Des gangs guinéens se sont même joints à la fête. Au Maroc, c’est l’Euro qui à vaincu le dollar US, et devient la monnaie de réserve des organisations criminelles ; cocorico… Les « économistes » d’Europol nous fournissent tout de même quelques chiffres, histoire de maintenir l’attention du lecteur : historiquement c’est le billet de 50 euros qui était le plus contrefait ; aujourd’hui, les coupures de 20, 50 et 100 euros représentent 94% des 500 000 billets négociés dans l’année par les 400 suspects arrêtés. Ils allaient réaliser 34 millions de véritables euros de profit si les choses s’étaient bien passées.

Le lecteur plongé dans ce précis d’économie criminelle referme le rapport avec un goût d’inachevé : pas un mot sur l’évolution des termes de l’échange. Il eut pourtant été du plus grand intérêt de savoir si les femmes importées cette année aux fins de « services sexuels » lors des prochains Jeux Olympiques de Londres, valent toujours, en moyenne, le même nombre de comprimés d’amphétamines ou le même poids de coke ou de résine de cannabis que l’année dernière…Bref, on brûle d’impatience de découvrir « Octa 2010 » et sa passionnante géographie du crime…

Europol, les experts du crime - JPG - 27 ko
Europol, les experts du crime
Dessin Ray Clid

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8 MESSAGES
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Forum

  • L’Union Européenne du crime vue par Europol
    le mercredi 10 février 2010 à 16:30, sebastien a dit :

    C’est marrant, dans le repertoire des activites criminelles par secteur geographique, on dirait que vous faites la distinction entre "humains"(sud ouest) et "putes"(nord est). Faites gaffe : certains lecteurs ont mauvais esprit !

    - anecdotique, reponse a Phil2822 (ou un autre nombre, j’ai pas bien lu). Les irlandais SONT des criminels. Surtout dans le nord. Des petits criminels, violents, des sniffeurs de glue alcoolique a l’affut d’une mechancete a commettre. Pas de souci pour eux, ils s’adapteront tres tres bien.

  • L’Union Européenne du crime vue par Europol
    le jeudi 5 novembre 2009 à 13:10

    Un hub est plutôt un "noeud central".

    L’image de l’aéroport où les avions se posent et les passagers prennent leurs correspondances est la plus parlante.

  • L’Union Européenne du crime vue par Europol
    le jeudi 5 novembre 2009 à 11:57, michel befort a dit :
    si j ai bien compris pas un mot sur la criminalité organisée et integrée dans les appareil d Etat de certains pays. C est pourtant la plus dangereuse mais a t elle déja infiltré europol ?
  • L’Union Européenne du crime vue par Europol
    le jeudi 5 novembre 2009 à 10:54, gertrude a dit :
    Eh bien, on sait à présent pour qui ont été créés l’euro et l’espace Shengen !!! Surtout pas pour les Européens eux-mêmes, en tous cas !!
  • L’Union Européenne du crime vue par Europol
    le jeudi 5 novembre 2009 à 07:43, Phil2922 a dit :
    "Au Maroc, c’est l’Euro qui a vaincu le dollar US et devient la monnaie de réserve des organisations criminelles." Je suis fier d’être européen et de voir les Irlandais nous rejoindre… !!
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