La flicaille du président Ben Ali a fermé les locaux de Radio Kalima, la seule radio indépendante du pays qui, heureusement, émet depuis l’Italie. Le point d’orgue d’une répression sans foi ni loi.
La fermeture des locaux de Radio Kalima le 30 janvier dernier n’est qu’un épisode de plus du harcèlement que subit ce média indépendant et sa courageuse équipe de journalistes.
Comme à son habitude, la dictature du président Ben Ali n’a pas hésité à lancer une vulgaire campagne de dénigrement dans la presse locale qu’il tient bien en laisse et dans les médias étrangers qu’il réussit parfois à enfumer. Dans le cas de Kalima, c’est surtout la célèbre militante des droits de l’homme Sihem Bensedrine, par ailleurs rédactrice en chef de Radio Kalima, qui est ciblée. Et de quelle (grossière) façon !
Le harcèlement médiatique commence en décembre 2008. A ce moment, grâce à des financements d’Ong le site web de la revue en ligne Kalima (censuré en Tunisie) est devenue une plateforme multimédia qui diffuse, en plus de la revue en ligne Kalima, des reportages radio et vidéo.
Et, surtout, grâce à une aide financière du Centre de Doha, la nouvelle ong qatarie de défense de la liberté d’expression dirigée par Robert Ménard, l’ex-patron de Reporters sans Frontières, Radio Kalima pourra prochainement diffuser sur le satellite Hotbird depuis l’Italie (c’est le cas depuis le 26 janvier 2009). « Or, il faut savoir qu’en Tunisie, les radios privées appartiennent à la famille du chef de l’Etat et à la famille de son épouse, les Trabelsi. Avec Radio Kalima, le pouvoir nous reproche en quelques sortes de violer l’espace aérien qui appartient à monsieur Ben Ali » explique Sihem Bensedrine.
« La campagne de diffamation a débuté par une campagne de destabilisation de l’intérieur de la rédaction avec un journaliste qui a quitté Kalima puis qui m’a calomnié pendant un mois » s’indigne la rédactrice en chef de Radio Kalima. Il s’agit de Sahbi Smara, responsable du bulletin de news de Kalima. Dans un long article publié le 25 janvier dernier sur le site web de Kalima, Sihem Bensedrine retrace dans le menu détail comment ce jeune homme a été « recruté par les services » comme elle le pense.
Après sa démission survenue au tout début du mois de décembre 2008, le journaliste en question règle son compte à son ex-patronnne en pondant un vilain communiqué adressé « à l’opinion publique nationale et internationale ».
A la mi-décembre 2008, l’agence de presse UPI publie sur son fil en arabe une dépêche rédigée à Tunis par un certain Jomai Gasmi et intitulée « Un journaliste tunisien accuse Sihem Bensedrine de spéculer sur les droits de l’homme ». Florilège : « Smara n’a pas hésité, par ailleurs, dans son communiqué d’accuser Sihem Ben Sedrine de faire de ses jérémiades de prétendue victime de harcèlement un commerce florissant et de ses allégations d’être persécutée un moyen d’obtenir des financements étrangers. » Ou carrément : « L’auteur du communiqué considère que Mme Ben Sedrine perçoit des sommes d’argent qui dépassent le demi-million d’euros de diverses parties étrangères, sous le couvert d’une presse de rechange et de militantisme pour les droits de l’homme, ce qui rend les slogans lancés par elle une simple façade pour spéculer sur les valeurs des droits de l’homme et les causes des libertés. » Ce que dément, bien sûr, formellement Sihem Bensedrine. C’est bien connu, le régime de Ben Ali n’a jamais fait dans l’élégance.
Sans surprise, cette dépêche de propagande est reprise par des journaux tunisiens comme Le Quotidien réputé pour être la voix de son maître ainsi que dans les médias pro-gouvernementaux (Ashourouq, Assarih, et Al-Hadath) qui ont pris la mauvaise habitude de traîner Sihem Bensedrine dans la boue.
La dépêche de l’agence UPI fleurit également sur des blogs alimentés par des affidés du régime de Ben Ali en France ou en Suisse. Mais aussi dans certains titres de la presse arabe où des journalistes peu regardants sur les réalités de la dictature tunisienne sévissent : Al Charq au Liban, Rose el Youssef en Egypte, Middle East online à Londres ou encore La Gazette du Maroc.
Le summum de cette campagne de dénigrement médiatique atteint son apogée le 31 janvier dernier avec une dépêche diffusée sur le fil de l’agence de presse Reuters. « Elle est signé d’un certain Tarek Amara. Il fait référence aux déclarations de l’ancien journaliste de Kalima qui m’a dénigré et sous-entend que j’ai effectué des démarches pour obtenir les autorisations nécessaires à Radio Kalima et qu’elles m’ont été refusées. Cela est totalement faux et contrairement à ce que ce journaliste prétend, il ne m’a jamais contacté » témoigne Sihem Bensedrine. Et toc !
Un coup d’épée dans l’eau toutefois pour le régime de Ben Ali puisque cette dépêche Reuters n’a pas été reprise par la presse étrangère. Par contre, la fermeture brutale des locaux de Radio Kalima le 30 janvier dernier a, elle, été traitée par à peu près l’ensemble de la presse internationale. Tant mieux.
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