En plus de trente ans de vie politique, Jacques Chirac a eu le temps de se faire des amis. Jean-François Probst n’est pas le plus ingrat d’entre eux, il lui consacre un livre.
Avoir été collaborateur de Jacques Chirac à Matignon, bras droit de Jérome Monod, Charles Pasqua et Michèle Alliot-Marie, ami de Villepin, disciple de Jacques Foccart puis conseiller de Jean Tibéri laisse quelques traces. Indubitablement. Et surtout de bien belles histoires à raconter, qu’il aurait été dommage d’enterrer. Gouailleur autant qu’hâbleur, Jean-François Probst n’en a rien fait. Plutôt que de les débiter sur le pouce, entre deux coups, au bord d’un comptoir, face à un journaliste interloqué, « l’agent d’influence », comme le désigne pudiquement son éditeur, a noirci quelques pages. 270 exactement, qui composent son dernier opus, Chirac mon ami de trente ans (Denoël).
Star du documentaire de Patrick Rottman, « Chirac », Probst remet ainsi le couvert. Et rappelle aux oublieux le système Chirac, qui de l’Hôtel de ville de Paris à l’Élysée en passant par Matignon aura nourri beaucoup de monde, frais de bouche inclus. Qu’au prix de nombreuses trahisons, de non moins nombreux « assassinats politiques » et de torves amitiés afro-dictatoriales, le petit corrézien Jacques se forgera un destin présidentiel. Et qu’à coups de manipulations de la presse et autres coups tordus, il devient facile de torpiller un concurrent. Au hasard Édouard Balladur en 1995 et sa fabuleuse randonnée en auto-stop…
Une joie un peu sadique s’empare du lecteur dès lors que sont ébauchés les premiers pas des hommes politiques plus contemporains. Le petit Sarkozy qui débarque « toujours aussi agité, aussi plein de tics » au RPR, le déjà pédant Villepin qui annonce tout de go qu’il « gère le cerveau du président », l’ineffable Alliot-Marie, promue « plus belles jambes du parti »…
Bref le décryptage « in vivo » des arcanes du chiraquisme. Le tout narré sur un ton badin, confit d’anecdotes, et qui ne s’interdit pas les coups en dessous de la ceinture.
« En v’là encore un qui crache dans la soupe », s’hérissent quelques uns. Certes, mais avec fougue ! À l’heure de la retraite, d’aucuns essaient de timidement évoquer les mystères de cet « illustre inconnu » Jacques Chirac. Probst les déflore, à la hussarde. En connaisseur.