Chirac et Sarkozy : « Amours, ruptures et trahisons »

De Chirac, Nicolas Sarkozy disait, dès 2005 : « Pauvre homme, je n’allais pas lui dire qu’il n’a fait que des conneries ». Et Sarko, l’ancien chef d’Etat l’accusait de lui avoir « pourri son quinquennat ». Ambiance ! Les chocs sont violents. L’affaire Ambiel d’abord, accusé d’avoir menacé des policiers qui l’accusaient d’avoir fait monter une prostituée dans sa voiture. Les chiraquiens accusent Sarko d’avoir « balancé » le conseiller de Raffarin. L’affaire Clearstream ensuite, où Coudurier nous livre cette confidence récente de Claude Guéant : « Plus ça avance, plus on a confirmation de la machination ». Et Coudurier d’expliquer : « L’Elysée est toujours sur la ligne d’une opération montée par les "services" avec l’accord explicite de Villepin et implicite de Chirac ». Et pourtant, estime l’auteur, Chirac ne bougera plus pendant la fin de la campagne présidentielle, « bluffé, écrit-il, par Sarko, qui lui rappelle sa jeunesse ». A moins qu’il n’ait craint quelques scuds judiciaires des sarkozistes sur ses finances personnelles, une hypothèse que l’auteur n’évoque pas.

Fais les valises, on part !

Ancien de l’Afp et directeur de l’information du Télégramme, Hubert Coudurier résume, au gré de séquences nerveuses et rapides, les « ruptures » politiques… et sentimentales des débuts du quinquennat. Hubert Coudurier a ainsi recueilli les confidences amusées d’Anne Fulda, qui a partagé quelques mois la vie de Nicolas Sarkozy. Une première ! « Il avait l’habitude d’être servi, raconte cette dernière, Tu ne veux pas me préparer mes affaires ? », me demandait-il le matin. Face à mon refus, Nicolas disait : « Mais Cecilia le faisait ».

En matière de vie privée, l’auteur fait assez fort, évoquant une des conquêtes de Sarkozy apprenant à la lecture de Gala, la liaison de ce dernier avec Carla Bruni, avant d’être promue dans une grande chaine de télé. On découvre un sarko plutôt drôle et pas très porté sur le protocole. « Entre nous, c’est purement physique », lance un jour à l’auteur le Président de la République, en évoquant sa relation avec Angela Merkel. Laquelle, paraît-il, visionne les vieux films de Louis de Funès pour comprendre la personnalité de son homologue français. Brillants sont les passages du bouquin sur ce « Président qui n’aimait pas les diplomates »…et réinvente une politique étrangère, entre « bourbier libanais » et écueils africains, qui ressemble parfois étrangement celle de son prédécesseur. « L’homme apparaît décidément comme imprévisible », conclut Coudurier.

Une voiture sans carrosserie

Avant tout, l’auteur est d’abord un collectionneur de bons mots, un journaliste sensible à la « musique oubliée » du passé et amoureux de la littérature. A coup de formules ciselées, Hubert Coudurier dresse un portrait vachard de l’actuel chef de l’Etat. « L’organisateur de spectacles », « l’imprésario de la maison France ». L’auteur concède au chef de l’Etat de « l’énergie », des « fulgurances », adepte de la « Blitzkrieg », cette guerre éclair menée par les Allemands en 1939. Coudurier est tout aussi cruel pour le « flamboyant » Villepin, un personnage de Fitzgerald qui rêverait de la vie du comte de Monte Christo. On le découvre, diplomate à New Dehli, défendant la veuve, l’orphelin et une jeune brahmane, Ila, dont les parents avaient été massacrés et que l’ambassadeur voulait licencier. On le surprend éclatant en sanglots devant ses collaborateurs, le jour où il quitte Matignon en mai 2007. « Villepin s’est lancé dans la vie politique, confie Bruno Le Maire, son ancien conseiller, avec une voiture sans carrosserie ». Et Claude Guéant ne dit pas autre chose, à sa façon : « Les chiraquiens se sont trompés d’époque ».

Nostalgie, nostalgie

Visiblement, Hubert Coudurier n’est pas totalement à l’aise avec le style Sarko, cette propension à dévoiler son ego, véritable maladie d’une époque où l’on veut tout pour soi, tout de suite. En revanche, l’auteur laisse percer une certaine tendresse pour Chirac, « le Grand », comme il le surnomme : ses baise-mains, une certaine élégance, du panache aussi. « Sarkozy enterre définitivement le gaullisme, écrit-il, qui n’était déja plus qu’une nostalgie ». Le chef de l’Etat est-il un illusionniste ? Ou un réformateur ? Un peu des deux, semble conclure un Hubert Coudurier nuancé, une vertu trop rare chez nos éditorialistes préférés.

Hubert Coudurier, Amours, Ruptures et Trahisons, Edition Fayard, 380 pages, 20 euros.