Le directoire de campagne du candidat président sénégalais allie arrivistes politiques, marabouts mondains et sous-vêtements
Salle de conférence de l’hôtel Sofitel Téranga, coincé entre la place de l’Indépendance et l’ambassade de France au Sénégal, vendredi 2 février. Salle comble, gratte-papiers et hommes politiques confondus. Après moultes reports sine die, une habitude dans la période pré-électorale, le Premier ministre sénégalais et néanmoins directeur de campagne du « camarade » libéral Wade, Macky Sall présente son équipe de choc autrement dit directoire de campagne.
La fine équipe a un objectif clair : faire réélire le candidat présidentiel au premier tour. Un point c’est tout. D’abord évacuer les soupçons. Non les moyens de l’Etat ne seront pas mis à profit durant la campagne. Sauf pour assurer la sécurité du président. Le Premier ministre-directeur de campagne le dit, et en présence de collègues ministres également membres de l’équipe de campagne. Ne pas le croire serait vicieux.
Puis adresser une petite pique à Idrissa Seck et un avertissement à Abdoulaye Wade. « On verra si ces retrouvailles seront électoralement positives ».
Enfin présenter la task force de campagne. Etrange attelage, où se mêlent politiques aussi chevronnés que tortueux et, spécialité sénégalaise, marabouts mondains. Dont certains journalistes doutent du flair politique.
« Vos alliés d’aujourd’hui avaient appelé à voter contre vous en 2000. Avec le résultat qu’on connaît », ose un confrère, sourire en coin. Petite allusion à trois éminents membres dudit directoire.
Djibo Ka, ministre du commerce maritime, et sécessionniste socialiste, a soutenu Wade au premier tour sept ans auparavant, son rival Abdou Diouf au second. Puis a participé à la création d’un front commun de l’opposition à l’alternance, avant de rallier le gouvernement en 2005. Un gage de fidélité et de conviction.
Marabout mondain par excellence, adepte des boîtes de nuits dakaroises comme des grands hôtels parisiens, Cheikh Modou Kara a lancé en 2000 un ndiguel (appel au vote) à ses talibés. En faveur de Diouf. Et s’est fait immédiatement conspué par son « assemblée de fidèles ». Mais le brave et saint homme revendique plusieurs millions de fidèles (à défaut d’électeurs) dans son parti pour la vérité et le développement (PVD). De quoi demander un peu de grisbi au Vieux tout en lui fournissant de la claque à ses meetings…
Concurrent sur cette voie là, Cheikh Bethio Thioune. Leader spirituel plus connu pour les somptueuses fêtes dont il est l’hôte et grand marieur devant l’éternel, que pour son discours politique. Au moins assure-t-il le spectacle, en draînant moult partisans, souvent en guenilles, faire le nombre et le bruit. Un petit cortège l’attend d’ailleurs à la sortie de l’hôtel. Ses « slips » osent les mauvaises langues, toujours prêts à railler le nom de Bethio, « petit pagne » en Wolof. Et d’ajouter qu’en cas de défaite, Wade aura toujours des sous-vêtements pour finir l’hiver..