A EADS les amitiés sont rares et il faut les préserver, même au prix de quelques silences forcés. Dans la magnifique revue de presse du groupe, le président Louis Gallois a passé à la trappe un article dédié à son amitié avec Jean-Paul Gut, l’ancien responsable des ventes à l’étranger. Touchant.
Mais à qui donc se fier ? Révélatrice du « bazar » qui règne en ce moment au sein du groupe EADS, pourtant bardé d’une foultitude de conseils en communication dont l’incontournable Anne Meaux, la grosse colère piquée par Louis Gallois le 4 juillet dernier.
En cause ? La très copieuse revue de presse adressée à tous les cadres du groupe chaque matin. Pas moins de 70 pages (recto verso !) consacrées à l’actualité aéronautique à travers le monde, comportant des articles en anglais, en allemand, et un panorama aussi rigoureux qu’exhaustif des bonnes et moins bonnes nouvelles qui jalonnent la traditionnelle compétition Boeing/Airbus.
En ce 4 juillet, veille de week-end, la communication d’EADS a cru bon de recenser un article de la Lettre A parue le matin même sous le titre suivant : « Attaqué, Gut est défendu par Gallois ». Pour ceux qui prendraient l’Airbus en marche, il s’agit de Jean-Paul Gut, cadre historique du groupe et responsable des ventes à l’international jusqu’en juin 2007, date à laquelle Gut a présenté sa démission en empochant au passage de copieuses indemnités de départ : 2,8 millions d’euros.
Depuis, l’intéressé a été mis examen dans le cadre de l’information judicaire sur le délit d’initié qui ébranle toute la maison EADS.
Mais comme l’avait révélé Bakchich, sitôt démissionné par la grande porte, l’indispensable Gut a immédiatement été réembauché par Gallois. C’est d’ailleurs le cœur du fameux article de nos confrères de la Lettre A qui revient en détail sur les conditions de cette réembauche de Gut comme consultant pour Airbus.
En ces temps d’austérité (tel le plan Power 8 qui impose la diète aux salariés et aux cadres d’Airbus), le rappel de ces largesses n’a guère été du goût de Louis Gallois qui, saisissant son téléphone, a exigé la suppression immédiate de l’article litigieux. Oukase exécuté séance tenante. Au détail près que si la page 8 de la revue de presse a bien disparue, le service de presse a omis de sucrer la mention de l’article dans le sommaire….
Dans la précipitation, il a oublié aussi de nettoyer l’intranet… Avec le résultat qu’on imagine. Ce caviardage maladroit a rapidement fait le tour de la maison et assuré à la La lettre A une publicité inespérée. Bilan de l’opération ? Louis Gallois hérite d’un nouveau surnom : « Brejnev » supposé illustrer sa capacité à trapper les articles déplaisants. Un Brejnev qui vient donc – en interne – supplanter le très cruel « Chamberlain » dont il fut aussi affublé, car soupçonné de tout céder aux Allemands d’EADS .
Une certitude, Bakchich ne figure pas encore dans la revue de presse d’EADS. Mais ça n’est qu’une question de temps….
LA LETTRE A N°1374 - 04/07/2008
Les relations entre Jean-Paul Gut et EADS suscitent des hostilités internes. Mais Louis Gallois se déclare satisfait du contrat qui lie le groupe à son ancien directeur international. Après avoir quitté EADS en juin 2007, Jean-Paul Gut s’est installé à Londres avec une double casquette. Il est ainsi administrateur depuis le 19 septembre 2007 de Lagardere UK Ltd, une société créée trois mois plus tôt et dont le capital a été augmenté à 500 000 £ en novembre. Les deux autres administrateurs de la société sont Pierre Leroy, l’un des trois cogérants de Société Arjil Commanditée-ARCO, qui contrôle le groupe Lagardère, et Norbert Giaoui, directeur juridique de Lagardère. Seul administrateur rémunéré, Jean-Paul Gut a perçu en 2007 un peu plus de 300 000 £. L’ex-directeur international d’EADS a en outre créé, le 20 septembre 2007, la société Coolmore International Ltd, à la même adresse que Lagardere UK. C’est cette structure qui, semble-t-il, permet à Jean-Paul Gut de mener ses activités d’intermédiation pour les contrats commerciaux le liant, entre autres, à EADS.
La mise en examen de Jean-Paul Gut, le 18 juin, dans l’affaire de délits d’initiés impliquant 17 hauts dirigeants du groupe EADS, a, semble-t-il, accru le malaise entourant le contrat commercial qu’il a signé avec EADS, après un départ assorti de 2,8 millions € d’indemnités. Les ventes d’avions Airbus qu’il a réussi à placer dans le Golfe ont été particulièrement nombreuses ces derniers mois, entraînant pour Jean-Paul Gut des honoraires qualifiés au sein d’EADS comme « non raisonnables ». Le PDG d’EADS, Louis Gallois, rappelle cependant que Jean-Paul Gut n’intervient dans les pays du Golfe, où il a ses entrées, qu’à la demande des équipes commerciales d’Airbus et d’EADS, et au moment où celles-ci estiment que son apport est indispensable pour faire avancer une négociation. Les montants qu’il perçoit sont donc connus d’avance, et ne devraient susciter aucune surprise. Reste que, dans le climat délétère qui règne chez EADS, Louis Gallois a du mal à convaincre.
Lire ou relire sur Bakchich :
Cher Bakchich,
Mais si rassure toi tu es bien dans la revue de presse eads, et c’est comme ça que j’en suis venue à te lire régulièrement.
Et nous lisons avec délectations les papiers sur les relations franco-allemande, et les "sagas" de l’été.
D’ailleurs cet article était bien là ce matin….
(Je parle de la version intranet)