Le directeur de la BCE a fait une rentrée consensuelle devant la conférence des ambassadeurs.
Jean Claude Trichet, toujours directeur de la Banque Centrale Européenne a fait sa rentrée fin août devant la conférence des ambassadeurs. Il a adopté une attitude conforme à ce public choisi. Son discours a été gentiment insipide, se contentant de conduire dans une stricte langue de bois un éloge appuyé de sa propre politique. Personne n’y a trouvé à redire et les quelques vieux gaullistes que compte encore le Département ont été les seuls, au nom d’un souverainisme en perte de vitesse, à s’indigner du peu de fond du propos.
Pourtant, les spécialistes du « trichetisme » sont formels : le grand homme était alors tel qu’en lui-même dieu le fit, imperturbable et campant sur ses positions de vigilance vis-à-vis de l’inflation.
Certes, en un an, en zone euro, prix du pétrole aidant, on en est plus à la déflation qu’à l’inflation-les prix ont baissé de près de 1%- .
Mais voilà, la récession est terminée et les premiers signes de reprise se font voir. La croissance est positive en zone euro, les tendances sur le prix du pétrole s’inversent, les bonus fleurissent, bref l’automne qui s’annonce sera le printemps de banquiers qui se défoncent. Et donc Trichet va remonter au créneau.
Devant les ministres des Finances, faisant le bilan de l’action de la BCE depuis les débuts de la crise, il a indiqué que la Banque avait fait son devoir en injectant autant de monnaie que nécessaire, mais qu’elle avait su raison garder : son taux d’intervention est resté positif (1%) et, alors que le bilan de la Réserve fédérale américaine a été multiplié par trois, celui de la BCE n’a été multiplié que par deux.
En outre, Trichet a rappelé que la BCE a encore un part de ses actifs en or et que cette part, du fait du gonflement des autres postes avait été ramenée à 10%,. Or, cela correspond à ses yeux à un minimum. Et comme ces propos se sont accompagnés de considérations pour une fois assez précises sur l’évolution de la dette publique, toutes les administrations financières des pays européens ont compris que si elles ne faisaient pas des efforts pour réduire les déficits publics, la valse des hausses de taux allait bientôt reprendre.
A Paris, le commentaire du Trésor a été net : « le sado-monétarisme a encore frappé ». Celui de l’Elysée a été plus nuancé. Sarkozy s’est pris d’un amour tout nouveau pour Trichet et affecte à son égard un mélange de respect formel et d’indifférence sur le fond. Qu’il fasse ce qu’il a à faire et il sera toujours possible plus tard de clamer que la détresse économique vient de ses obsessions. En outre, un argument de la BCE est en train de porter ses fruits auprès des dirigeants européens, à savoir que les Anglais dont le déficit budgétaire est passé de 2 à 12 % du PIB en un an et dont la livre a perdu 35% de sa valeur par rapport à l’euro s’en sortent plutôt mal : le Royaume-Uni aura eu une croissance encore négative cet été et la sortie de crise se fera au mieux en 2010.
Sarkozy en est arrivé à ne pas entendre les demandes insistantes de la BCE sur une réduction de 100 milliards d’euros des dépenses publiques françaises et à ne plus s’agacer que des remarques acerbes de Berlin. Les Allemands, en pleine période électorale, se font pourtant discrets, allant même jusqu’à faire semblant de soutenir les envolées lyriques de Sarkozy contre la cupidité des banquiers. Pour eux, on verra après les élections et début 2010, quand Trichet, toujours égal à lui-même, aura augmenté ses taux.