Terrorisme : la menace fantôme

« C’est en Afghanistan que commence notre lutte contre le terrorisme », a encore proclamé Michel Alliot-Marie, lundi dernier à la Maison de la Chimie lors de son discours clôturant les 14èmes rencontres parlementaires « Paix et Défense ». Chaque fois qu’elle le peut la ministre en remet une couche sur l’engagement français en Afghanistan, aux côtés des Américains, dans la « guerre globale contre la terreur ».

Ce faisant, la ministre réitère une triple bourde : premièrement, en cautionnant ainsi la militarisation de la lutte anti-terroriste, elle avalise le concept de « guerre globale contre la terreur » qui contredit frontalement l’esprit et la lettre du Livre blanc du gouvernement sur la sécurité intérieure face au terrorisme [1] commandité par Dominique de Villepin. Dans son préambule, ce premier document de synthèse sur la doctrine française en matière de lutte anti-terroriste récuse justement l’approche américaine et la terminologie même de « guerre » contre le terrorisme.

Deuxièmement, en focalisant les priorités françaises en matière d’antiterrorisme sur l’Afghanistan - engagement qui n’a jamais donné lieu à la moindre intervention parlementaire, même de la part de l’opposition - Mam stigmatise, sinon réactualise les dernières menaces du numéro deux d’Al-Qaïda - Ayman al-Zawahiri – proférées contre la France et les intérêts français en décembre 2006.

Enfin, en singularisant ainsi la scène afghane, la ministre de la Défense confirme un engagement militaire français durable dans ce pays qui, selon les experts les plus avisés, risque de devenir l’Irak des Européens. De plus, elle conforte une opération militaire qui - bien qu’engagée sous mandat des Nations unies – est pilotée par l’OTAN, l’Alliance atlantique ayant décidé d’en faire un laboratoire afin de tester des «  coopérations civilo-militaires » destinées à être applicables n’importe où, n’importe quand d’une manière globale et, à terme, à supplanter les opérations des Nations unies. Bonjour les intérêts de la France et encore bravo Mam.

Mais cette brillantissime sortie a surtout valeur de symptôme dans un contexte pré-électoral où nos anges gardiens des services spécialisés multiplient les mises en garde et crient aux loups barbus susceptibles de se manifester de manière explosive à la veille du scrutin présidentiel. Comme pour le Livre blanc sur la sécurité intérieure conçu par Dominique de Villepin de manière préventive. Au cas où un attentat frapperait notre pays, le Premier ministre aurait beau jeu de dire que toutes les dispositions avaient été prises même si ce flambant document relève davantage de l’inventaire à la Prévert que d’une doctrine intégrée porteuse de ripostes intégrées… plusieurs notes des services datant de décembre dernier pointent les menaces qui concernent la France, au cas où…

Le loup est barbu

Rien de très nouveau dans ces documents qui font écho à la dernière sortie de Mam en soulignant les derniers communiqués d’Al-Qaïda en relation avec l’engagement de la France en Afghanistan. Il est aussi question de la résurrection récurrente du GSPC - le Groupe salafiste algérien pour la prédication et le combat – qui vient de faire une nouvelle fois allégeance à Al-Qaïda en changeant de nom. Enfin, et c’est nettement plus intéressant, les notes des services indiquent le ralliement de nombreux activistes marocains et tunisiens à la nébuleuse jihadiste, y compris à leurs sanctuaires européens. Ces derniers seraient même en train de regrouper leurs familles dans les pays d’accueil où ils vivent, autant de signes avant-coureurs, estiment les spécialistes, d’une possible campagne d’attentats, les jihadistes ne voulant pas que leurs proches puissent être inquiétés au cas où…

Certes l’anti-terrorisme n’est pas une science exacte et, une des essences du terrorisme consiste à pouvoir « terroriser » n’importe où, n’importe quand et quelles que soient les mesures de prévention en vigueur.

Ce qui est plus préoccupant encore ressort des déclarations « off » de quelques hauts fonctionnaires de notre dispositif sécuritaire pourtant largement acquis au ministre-candidat Nicolas Sarkozy. Ces derniers estiment que leur patron jouit d’une incontestable légitimité en matière de lutte anti-terroriste d’autant qu’il a demandé à plusieurs d’entre eux des propositions de réformes des services spécialisés afin « d’améliorer la fluidité de nos outils de riposte ».

Mais les mêmes disent que, début mars, soit quand Nicolas Sarkozy aura quitté le ministère de l’Intérieur -et si d’aventure les sondages lui étaient défavorables- « on risquerait alors de rentrer dans une phase de tous les dangers durant laquelle, sans qu’une provocation policière soit fatalement fatale (sic), il se pourrait bien qu’un attentat majeur frappe notre pays », fin de citation. De là à penser que les services laisseraient passer un groupe un peu dangeureux, il y a un complot qu’il serait malsain d’imaginer. Suite du scénario : le gouvernement pourrait alors sur-réagir et ré-enflammer les banlieues où les Renseignements Généraux ont récemment détecté plusieurs dépôts d’armes de guerre… Tremblons donc et prions pour que le ministre des Contraventions nle reste le plus longtemps possible et nous protège du risque terroriste.

L’autre question est de savoir si Ségolène sait combien de services spécialisés sont en charge de l’anti-terrorisme…

Bref, le terrorisme c’est comme les trains : ça peut en cacher un autre…