Les entretiens de Nicolas Sarkozy, en sa qualité de président en exercice du Conseil européen, avec ses homologues de Moscou et de Tbilissi ont apparemment mis fin à un conflit armé aussi bref (cinq jours) que violent ; un conflit qui a opposé à la Géorgie une Russie aidée d’alliés ossètes et abkhazes, ceux-là pourtant ressortissants de provinces qui sont et demeurent géorgiennes, du moins sur le papier.
La Russie a vaincu et ce n’était pas difficile. C’est l’occasion de rappeler Le Cid qui apprend aux collégiens qu’ « À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire ». Car, La souris qui rugissait, montrant le petit duché de Fenwick se rendant maître (involontairement !) des États-Unis, n’est qu’une fiction, un roman (1955) de l’auteur irlandais Léonard Wibberley, dont on tira un film à succès (1959).
Mais l’apaisement obtenu par Nicolas Sarkozy au nom de l’Europe n’efface évidemment pas les causes, ô combien anciennes ! de cette guerre. Les résultats de la médiation diplomatique s’apparentent davantage à un cessez-le-feu, à la rigueur un armistice, qu’aux prémices d’un traité de paix sincère. La volonté impériale de la Russie, héritière aujourd’hui de ses tsars et de leurs successeurs rouges, n’en sera pas amoindrie. La consultation de l’ouvrage d’Astolphe de Custine La Russie de 1839 (Librairie d’Amyot, 3ème ed., 1840, 4 vol.), aussi oubliés l’un que l’autre, montre de manière ahurissante, près de quatre-vingts ans avant et l’auteur l’ignorant, combien le régime soviétique sera le continuateur fidèle du régime tsariste, que ce soit en matière d’ambitions internationales… ou de surveillance policière.
Mais aujourd’hui, il s’agit moins de conquêtes que de reconquêtes. Grâce à Gorbatchev, dit-on en Occident ; à cause de lui, entend-on en Russie, la redoutable URSS est devenue à partir de 1991 la moins considérable Communauté des États indépendants (CEI), plus courtisée pour ses ressources énergétiques que crainte pour sa puissance.
Cette guerre sur fond de Jeux olympiques (qui exigeaient à l’origine la suspension de tous les conflits armés) rappelle une évidence historique qui n’a jamais cessé d’être vivace : un pays ne renonce pas à sa gloire passée, pas plus qu’à ses ambitions territoriales.
Les États ont le temps pour eux. La persévérance, pour ne pas parler d’obstination, est leur caractéristique première. Croire que Vladimir Poutine, avec Dimitri Medvedev en faux-nez, a renoncé à la restauration de l’empire soviétique, sous quelque nom que ce serait, est une illusion. La guerre qui a eu lieu, comme par hasard durant l’interrègne américain jusqu’à l’installation du successeur de George Walker Bush, en est une nouvelle preuve. L’accord à venir entre Moscou et Tbilissi ne modifiera pas l’avenir.
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Tout a déjà été dit et bien dit dans les précédents messages ; j’ajouterais seulement, M. Boucher, que je suis assez déçu ayant jusqu’ici beaucoup apprécié vos articles.
Vous êtes d’habitude beaucoup mieux inspiré.
il est un fait certain que la russie ne cêdera pas facilement son influence dans le caucase. mais saakashvili leur a quand même offert le bâton pour se faire battre ! c’est lui qui, par son blitz sanglant (après un discourt de paix solemnel et pendant l’ouverture des jo avec medvedev en vacances et poutine à pékin) sur tskhinvali a permi à la russie d’entrer pleinement en jeu, bien au-delà de ce que les forces russes de "maintient de la paix" sur place auraient pu faire sans cela…
il est d’autre part surprenant (pas surprenant en fait si l’on considère le régime georgien -et son pipe line- comme un allié stratégique à défendre à tout prix) qu’on mette tant d’énergie à condamner l’impérialisme russe (qui a surtout consisté, dans ce cas présent, à désarmer l’état georgien) alors que, si l’on peut en croire les chiffres, l’offensive georgienne a tué 2.5% de la population sud-ossète et déplacée 60% de celles-ci (2000 morts et 45000 dépacés, 30000 en russie 15000 en ossétie du sud, sur une population de 75000). par comparaison milosévitch commit un "génocide" envers les alabanais pour de bien moindres pourcentages de tués et de déplacés et la serbie dans son entier (armée et infrastructures économiques donc population civile) reçut sa "juste" punition pour cela…
on peut arguer d’une stratégie de tension russe pour pousser la géorgie à la faute, encore que la tension ait été entretenue des deux côtés (séries d’attentats en ossétie du sud peu avant la guerre), mais la faute est néanmoins là. il y avait peut-être un piège, mais tbilissi s’est jeté dedans tout seul. tout seuls ? les exercices de guerre urbaine (attaque contre des forces terroristes en milieu urbain sous le nom de immediate response 2008) américano-georgien du mois de juillet laissent songeurs… ainsi que le soutient militaire (2ème en importance rapporté à la population après israël)… en tout état de cause si l’allié georgien a agit sur ordre ou avec la bénédiction de son protecteur américain, la faute en revient à ce dernier (et les georgiens paieront pour lui) ; si elle est de l’initiative de saakashvili seul il en devient un bien encombrant allié.