Si, authentique crapule, vous voulez devenir respectable : mourez ! Les éloges dont bénéficie en Autriche le défunt Jörg Haider en sont la preuve.
Sous la monarchie d’avant 1789, une expression imagée avait cours pour désigner les nouveaux riches, les parvenus (que l’on retrouve de nos jours avec les oligarques russes), on parlait de « la savonnette à vilain ». Le caractère évidemment péjoratif de la formule ne tenait pas à « vilain », qui n’était initialement qu’une manière de désigner le paysan libre contrairement au serf, mais à « savonnette ».
Être noble, ou plutôt anobli, était le rêve de nombre de millionnaires de l’époque, bourgeois ou même paysans. De ces derniers, Molière dresse un portrait cruel en 1668 dans Georges Dandin.
Pour accomplir cette ambition par leurs propres moyens, les assoiffés de mondanités disposaient de deux voies : l’achat soit d’une « charge » anoblissante, puisqu’on obtenait alors à prix d’argent les postes de la fonction publique, soit d’une terre qui avait la même… propriété.
Nous connaissons aujourd’hui (hier, pas moins) une autre forme de « savonnette à vilain », cette fois dans le but de faire passer les salauds et autres crapules pour des angelots : la mort. Un exemple – ils sont légion – vient encore de nous en être donné après l’accident qui a coûté la vie à Jörg Haider, le leader populiste autrichien.
Populiste, c’est la version politiquement correcte (cette détestable pratique langagière) des épigones du nazisme. Il était en effet moins difficile, en 2000, de faire entrer le parti de Jörg Haider au gouvernement en le baptisant populiste qu’en l’identifiant pour ce qu’il était réellement.
Notre homme meurt et les éloges déferlent sur le cercueil. Du Front national français, rien que de normal. Mais aussi du Président de la République autrichienne qui vante « un homme politique de grand talent » (où va se nicher le talent !) et déplore une « tragédie humaine » ; du social-démocrate Werner Faymann qui loue « un homme politique d’exception » (certes !) dont la disparition le touche « profondément ».
Condamnable, l’absolution post mortem est aussi imprudente. Les « nécros » complaisantes, comme on dit dans le métier, ne résistent plus à l’examen des « papiers » rédigés du vivant de l’intéressé. Ce n’est pas la moindre vertu d’un site trop connu pour qu’il soit besoin de le nommer que de permettre de telles comparaisons.
On dira alors que c’est sans risque tirer sur une ambulance puisque le cher disparu n’est plus là pour se défendre. Outre que ses héritiers sont là pour ça s’ils le souhaitent, entre la complaisance et la facilité, il existe une règle qui s’appelle le respect des faits. Il n’en est pas d’autre qui vaille.