Eutelsat, opérateur satellitaire européen, détenue à 25% par la Caisse des Dépôts, joue les Faust et coupe la retransmission de chaînes étrangères. Chinoise et iranienne hier, géorgienne aujourd’hui ….
Bakchich s’était intéressé de près à la coupure de NTDTV, une chaîne dissidente chinoise, par Eutelsat à trois semaines des Jeux Olympiques à Pékin en 2008. Grâce à une ruse de Reporters Sans Frontières, les excuses pseudo-techniques d’Eutelsat, pour expliquer l’arrêt de la diffusion de la chaîne, volèrent en éclat. Pas assez pour que la France et l’Europe soient scandalisées par l’affaire. Sauf qu’aujourd’hui la colère d’un Président provoque une onde de choc. Mikhaïl Saakachvili, le chef de l’Etat géorgien, a accusé le 2 février l’opérateur d’avoir créé un « dangereux précédent en matière de censure politique internationale ». Saakachvili oublie le précédent chinois pourtant riche d’instructions. Car même cause, même effet, l’arrêt de la diffusion de la chaîne géorgienne par Eutelsat ressemble comme deux rayonnements d’ondes à l’histoire de NTDTV.
Eutelsat, encore aujourd’hui, n’a toujours pas rétabli le fonctionnement du satellite W5 qui diffusait Eutelsat en Chine. En juin 2009, NTDTV a demandé au tribunal de Paris de nommer un expert pour enquêter sur l’incident. Cependant le 17 novembre, le tribunal a refusé la demande en stipulant qu’il n’y avait pas de relations contractuelles entre Eutelsat et NTDTV. Déception de Joseph Baham, avocat de NTDTV, qui avait répliqué que « jamais Eutelsat ne passe de contrat directement avec une chaîne. L’entreprise passe des contrats avec des grossistes qui eux-mêmes ensuite passent des contrats avec les chaînes. Si jamais on suit le raisonnement du tribunal de commerce, Eutelsat ne peut jamais être rendu responsable de la moindre coupure subit par la moindre chaîne. » NTDTV a fait appel.
Comme avec NTDTV, Eutelsat dément l’existence d’un contrat conclu avec la chaîne géorgienne. Elle assure que les négociations continuent pour trouver une solution. « Nous sommes une entreprise commerciale et n’agissons pas sous des pressions politiques », affirme Vanessa O’Connor, directrice de la communication d’Eutelsat.
Sitôt l’accord conclu entre Eutelsat et GPBS, les problèmes techniques ont commencé. Voilà ce qu’on pouvait lire dans le Monde du 2 février qui résume l’affaire :
Le 14 janvier, GPBS a signé l’ultime contrat envoyé par Eutelsat, prévoyant la diffusion des trois chaînes par le satellite W7, celui capté dans l’ex-URSS. Mais le lendemain, Eutelsat signe un contrat, bien plus lucratif, avec Intersputnik. Lequel a loué, pour les quinze ans de durée de vie du W7, une grande partie de ses capacités afin d’émettre les télévisions dépendant du monopole géant Gazprom, « bras » du Kremlin dans l’énergie et les médias.
Eutelsat fait alors machine arrière et demande, le 21 janvier,« une discussion urgente » sur le contenu de « 1K, » qu’il transmet depuis six jours. Une telle demande étant illégale (les opérateurs ne peuvent contrôler ce qu’ils transmettent, hors pornographie), Eutelsat change d’argument et parle de « hackeurs » interférant sur le satellite W7. La télévision géorgienne (GPBS) accepte alors de coder ses transmissions, mais Eutelsat évoque un subit « manque de capacité »… Et propose l’usage d’autres satellites, qui ne couvrent pas toutes les zones visées et, de plus, obligeraient à acheter des antennes exposant l’intérêt de leurs propriétaires pour ces émissions « dissidentes ». GPBS refuse, Eutelsat arrête la diffusion de 1K et les Géorgiens portent l’affaire devant la justice.
Quand Eutelsat est dans l’embarras, le groupe se dépêche de trouver des solutions alternatives. Le satellite W2, qui diffuse partiellement en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, est tombé en panne le 28 janvier dernier. Trois jours plus tard, d’autres satellites prenaient le relais des chaînes diffusées. Bel exploit qui sonne creux quand on sait que le satellite diffusant NTDTV est toujours en inactivité.