Légalisation de la torture, interdiction de voyager dans certains pays pour les séropositifs, fin des AOC, un pot-pourri de nouvelles récentes et réjouissantes.
Il y a d’abord la nouvelle loi américaine sur les tribunaux militaires, laborieuse tentative de « blanchir » les prisons d’exception de Guantanamo, d’Irak, d’Afghanistan et d’ailleurs ainsi que leurs régimes tout autant d’exception cherchant à légaliser la torture. L’administration Bush qui a fabriqué la notion juridique non-identifiée de « combattants irréguliers » n’en finit pas de violer les conventions internationales dont les Etats-Unis sont pourtant signataires.
Cette « nouvelle loi soulève un certain nombre de sujets de préoccupation », estime très pudiquement le président du Comité international de la Croix rouge (CICR) Jakob Kellenberger. Et le Suisse laisse entendre que Washington viole allègrement l’article 3 commun aux Conventions de Genève. Par ailleurs et de sources autorisées, on apprend que les prisonniers détenus par la CIA dans le cadre de la « guerre globale contre la terreur » n’auront pas droit aux visites des délégués du CICR qui – selon les mêmes Conventions de Genève - doivent avoir accès à tous les prisonniers de guerre. Mais la guerre contre la terreur n’est pas une guerre comme les autres. Ses prisonniers aussi ne sont pas des détenus ordinaires. Ces derniers pourront désormais être soumis à « la question » telle que la dénonçait Henri Alleg durant la guerre d’Algérie [1].
Tirée du grand roman « 1984 » de Georges Orwell, la terrible trilogie inscrite sur la façade du ministère de la Vérité reprend une singulière actualité : « La guerre c’est la paix ; la liberté c’est l’esclavage ; l’ignorance c’est la force ». Malgré les oppositions répétées du Parlement européen et de toutes les Commissions « informatique et liberté », l’Union européenne a décidé de transmettre les 34 informations privées (données médicales, bancaires ou profil idéologique) concernant les voyageurs usagers des compagnies aériennes aux services secrets américains qui pourront les stocker au moins durant une quinzaine d’années. Dans la même logique, onze pays interdisent l’entrée de leur territoire aux voyageurs séropositifs : l’Arabie saoudite, l’Arménie, Bruneï, la Corée du Sud (bravo au nouveau secrétaire général de l’ONU ressortissant de ce pays), les Etats-Unis, l’Irak, la Moldavie, le Qatar, la Russie, la Chine et le Soudan. Ainsi, le formulaire d’entrée aux Etats-Unis, distribué dans les vols transatlantiques, exige-t-il des passagers qu’ils signalent leur statut sérologique. Les voyageurs séropositifs sont refoulés. S’ils mentent et pénètrent sur le territoire américain, ils sont passibles d’une expulsion. Vingt-quatre autres pays ne délivrent pas aux séropositifs de visa de longue durée, nécessaire aux étudiants ou aux titulaires d’un permis de travail. L’Australie et le Canada et, dans l’Union européenne, Chypre, font partie de ces États.
Encore bravo au courage, à la cohérence et à l’harmonisation des politiques européennes en ce domaine comme en d’autres. Par exemple, la Commission européenne vient d’adopter une directive visant à supprimer, à terme, les AOC des vignobles des pays membres, afin de pouvoir importer des jus de raisin du monde entier pour pouvoir confectionner des vins comme l’ont fait de n’importe quel jus de fruits. Le Danemark ou les Pays-Bas pourront ainsi confectionner des crus comme n’importe quel pays disposant de vignobles de qualité. L’Europe la plus inventive, c’est avant tout celle d’un grand marché qui aspire à s’étendre à l’infini… C’était inscrit en préambule du Traité constitutionnel rejeté par les peuples français et néerlandais. En dépit de ces rejets populaires, les initiateurs de ce texte ne désespèrent pas – on peut le constater tous les jours – de faire appliquer leurs recettes néo-libérales, en catimini, à l’usure et dans le silence de directives anodines à propos desquelles les grands presses nationales et internationales ne disent rien ou si peu…
Une bonne nouvelle, néanmoins sur le front de l’Orwellisation rampante : notre confrère Charles Enderlin et France 2 ont obtenu – jeudi 19 octobre 2006 – la condamnation pour diffamation publique de Philippe Karsenty, directeur du site internet Media-ratings, qui avait affirmé que le reportage montrant un enfant palestinien tué dans les bras de son père par des tirs israéliens était un « faux ». Le quotidien Le Monde du 21 octobre précise : « ce reportage avait suscité, deux ans plus tard, une polémique, alimentée par l’agence de presse francophone israélienne Metula News Agency (MENA), qui dénonçait une « mise en scène » »… L’ennui, c’est que cette officine ne ressemble en rien de près ou de loin, à une agence de presse. En effet, la MENA (organisée entre la colonie israélienne de Métulla et la bonne ville de Genève) est un site bien connu de l’extrême-droite israélienne dont la production se caractérise davantage par la diffamation, les attaques personnelles ad nominem et un style très bouche d’égoût que par une facture dépêche de presse. Néanmoins, ces agents de l’orwellisation ordinaire se sont pris un gadin et s’est bien rassurant… comme on dit à Genève…
[1] Henri Alleg : « La Question », éditions de Minuit, 1957