Une joyeuse note de la rédaction en chef du bureau parisien de l’agence préconise, en cas d’« incident majeur », de citer un « média crédible » sans « perdre du temps à vérifier l’information ».
La direction de la rédaction parisienne de l’agence Reuters ne sait plus quoi inventer pour produire de la dépêche et ne rater aucun coup. Après la prime au scoop, joyeusement racontée récemment par Bakchich, voici venu le temps de l’information non-vérifiée. Une note de service diffusée courant décembre au sein de la rédaction par Yves Clarisse, rédacteur en chef adjoint Nouvelles générales et appuyée par Geert de Clercq, le chef du bureau de Paris, explique la procédure à suivre si un « incident MAJEUR » se produit et qu’il n’y a qu’un seul journaliste au desk.
A lire à haute voix et avec le sourire dans toutes les écoles de journalisme.
« Les explosifs bidon du Printemps nous ont rappelé qu’un attentat majeur, une catastrophe aérienne ou la mort de Nicolas Sarkozy d’une crise cardiaque ne sont pas une vue de l’esprit. Pendant la journée, le risque est géré par le reportage. Pendant la nuit, la gestion du risque repose sur le desk, qui devra garder un oeil et une oreille sur les chaînes d’information en continu (TV et radio).
Voici la procédure qui devra être appliquée au cas où un incident MAJEUR arrive et qu’un reporter ou un journaliste du desk est seul au bureau :
1) Ecrire un snap [1] SANS PERDRE DU TEMPS A VERIFIER L’INFORMATION [2], en sourçant un média crédible (France Info, Europe 1, etc.). Ceci est essentiel, ne perdez pas de temps à vous poser la question de savoir s’il faut ou non citer un autre média.
2) En même temps, téléphoner au London desk. Dire clairement que vous avez un snap. Donnez votre nom et votre numéro d’employé Reuters (à connaître par coeur !) pour qu’il n’y ait pas de doute sur un possible hoax.
3) Réveiller les reporters de permanence et leur demander (ou le faire vous-même en cas de problème) de réveiller les chefs de service.
4) Chercher à vérifier l’information grâce aux numéros d’urgence qui se trouvent dans référence. (…) »
Fermez le ban.
Quelques lignes qui ont provoqué un léger émoi dans la rédaction, tant la lettre comme l’esprit de cette note est en contradiction avec l’esprit du travail d’agence. A trop vouloir concurrencer le bureau parisien de l’AFP, avec des moyens moindres, la direction de Reuters n’aurait-elle pas oubliée quelques principes élémentaires ? Imaginons un instant qu’Europe 1, citée dans la note comme un « média crédible », annonce la mort de Pascal Sevran et que cela se révèle erroné (Reconnaissons qu’il faut pour cela beaucoup d’imagination). Et bien quoi ? Et bien ça fera deux dépêches au lieu d’une. CQFD.
Lire ou relire dans Bakchich :
Bonjour,
Je suis journaliste chez Reuters et je considère que cet article traduit une TRES grande méconnaissance du journalisme.
Reuters a plus de 2000 journalistes qui couvrent toute la planète mais n’a pas la prétention d’être premier, tout le temps, sur toutes les informations.
Les abonnés de Reuters le savent. Ce qu’ils souhaitent c’est avoir le maximum d’informations, le plus vite possible, en connaissant LA/LES SOURCES de ces informations.
La règle en cas d’INCIDENT MAJEUR est simple :
1) écrire immédiatement "tel média dit que"
2) vérifier immédiatement l’information :
Si nous avons confirmation, l’écrire immédiatement,
Si nous avons un démenti, l’écrire immédiatement,
Si nous ne parvenons pas à vérifier l’information, l’écrire immédiatement. Et tenter à nouveau.
Les agences de presse ont pour règle de toujours sourcer leurs informations, contrairement aux radios, TV ou journaux qui ne passent pas leur temps à citer les agences. "Reuters écrit que", "l’AFP écrit que"… ce serait un peu pénible pour l’auditeur.
Alors que mes collègues risquent leur vie dans les rues de Gaza ou se font tuer en Irak - sans jamais être cités - un tout petit peu de sérieux s’il vous plaît.
(Ces opinions n’engagent que moi, pas Reuters)
Il n’y a rien là de nouveau.
L’info ce n’est pas, en l’occurence, que Pascal Sevran est mort, mais qu’Europe 1 annonce que Pascal Sevran est mort.
Est-il ou non mort ? On verra bien ensuite. S’il est toujours vivant, l’info n’en reste pas moins exacte : Europe 1 l’a annoncé. Et s’agissant en particulier des décès de célébrités il n’y a jamais d’infos erronées, seulement des infos prématurées.
J’ai travaillé pour une agence de presse pendant 25 ans, et c’est toujours ainsi que cela a fonctionné.