Notre correspondant à Beyrouth livre son analyse de la crise libanaise alors même que les parties en conflit sont sur le point de reprendre le dialogue et que les combats ont cessé.
Toutes les parties libanaises devaient reprendre, vendredi soir à Doha (Qatar), leurs discussions à la suite de l’accord intervenu entre elles, jeudi soir, à Beyrouth, grâce à la médiation d’une délégation de la Ligue arabe, conduite par le Premier ministre du Qatar, Hamad al-Thani. La veille, mercredi soir, le gouvernement libanais avait annulé les deux décisions ayant conduit le Hezbollah et ses alliés à attaquer des positions du Courant du futur de Saad Hariri et du Parti socialiste progressiste de Walid Joumblatt à Beyrouth-ouest et dans la montagne druze.
Si la situation est apparemment redevenue normale avec, notamment, la réouverture de l’aéroport, sur le fond, non seulement rien n’est réglé, mais le contentieux entre les principales communautés du pays s’est singulièrement alourdi. Les morts dans la montagne druze, où l’on se demande encore ce que sont venus faire des commandos hezbollah lourdement armés, ou dans les quartiers sunnites de Beyrouth et de Tripoli, pèseront lourd à l’avenir. Comme l’a relevé Saad Hariri, comment le Hezbollah a-t-il pu attaquer des populations qui ont manifesté une solidarité sans faille lors la guerre de l’été 2006 menée avec une brutalité inhumaine par Israël ? Que feront ces mêmes populations, a-t-il ajouté, si par malheur Israël attaquait à nouveau le Hezbollah ?
Certes, Walid Joumblatt a sans doute perdu une bonne occasion de se taire en réclamant le limogeage du général Wafik Choukair et le démantèlement du réseau de communications du Hezbollah. Mais, pas plus que l’enlèvement de deux soldats israéliens en juillet 2006 ne justifiait la réaction disproportionnée d’Israël, pas plus les rodomontades du chef druze ne justifiaient le coup de force des partisans de Hassan Nasrallah, le leader du Hezbollah.
Depuis 2005 et le départ des troupes syriennes après l’assassinat de Rafiq Hariri, Nasrallah n’a eu de cesse de retrouver le pouvoir et l’influence qui étaient les siens, à l’époque où Damas faisait encore la pluie et le beau temps au Liban. Cette soif de pouvoir est d’autant plus grande que, la guerre de 2006, même si elle a conforté l’image du Hezbollah grâce au courage de ses combattants, n’en a pas moins constitué une défaite stratégique avec le déploiement de l’armée libanaise et le renforcement de la FINUL, au sud du pays. Depuis, les formations pro-iraniennes et pro-syriennes ont multiplié les initiatives pour affaiblir le gouvernement, tandis que se multipliaient les assassinats de députés de la majorité et de personnalités indépendantes, comme Georges Haoui ou Samir Kassir. Le ralliement du général Michel Aoun, prêt à tout pour devenir président de la République, a apporté une couverture chrétienne inespérée au Hezbollah et facilité sensiblement sa tâche.
Le problème central, pour Hassan Nasrallah et la direction du Hezbollah, c’est que la grande majorité des Libanais, y compris parmi la communauté chiite, n’a plus aucune envie d’adhérer au projet du parti de Dieu, qui se confond ou rejoint le projet iranien de résistance aux Etats-Unis et à son allié régional israélien. Ruinés par quinze ans de guerre civile, durement et injustement frappés à nouveau en 2006, les Libanais estiment avoir assez donné et ne voient pas pour quelles raisons ils seraient les seuls dans le monde arabe à continuer à payer chèrement le prix de la guerre avec Israël, alors que ni l’Egypte, ni la Syrie, ni aucun Etat arabe ne s’est engagé dans cette voie depuis 1973.
Pour le chef des services de renseignements israéliens, Amos Yadlin, si le Hezbollah n’a pas poursuivi sa marche victorieuse, c’est seulement pour s’épargner les déboires de gestion que connaît le Hamas à Gaza. Il se satisfait aujourd’hui d’être, de loin, le centre de pouvoir le plus puissant du Liban. Cette analyse n’est pas vraiment convaincante. Aussi puissant soit-il, le Hezbollah se serait épuisé à imposer sa domination au reste du Liban. En quelques jours, il a pu mesurer les ravages que son comportement a provoqué, aussi bien auprès des Libanais, y compris chiites (dont beaucoup en ont assez d’être considérés comme ses affidés) que des pays arabes, dont les populations ont très mal perçu que le héros de la guerre de 2006 tourne ses armes contre ses frères.
Dans le plan arabe de six points rendu public par Cheikh Hamad, l’engagement de toutes les parties à ne plus imposer par les armes leur point de vue est certainement le point le plus important. Tout le monde espère également qu’un président de la République, le général Michel Sleiman, sera prochainement élu, qu’il y aura un gouvernement d’union nationale, un accord sur une nouvelle loi électorale, et le départ des milices du centre ville. Mais, là où les discussions risquent de buter encore longtemps, c’est sur la question des armes.
Aussi longtemps que celles-ci servaient à défendre le Liban, les Libanais pouvaient le comprendre. Mais la prétention du Hezbollah de servir le projet iranien de lutte contre Israël et le Satan américain, en utilisant le Liban comme base avancée, est désormais rejeté par la grande majorité des Libanais. L’opposition fondamentale entre la vision guerrière du Hezbollah et celle du reste des Libanais (hormis les radicaux islamistes par ailleurs souvent très hostiles au chiisme) qui veulent vivre en paix est ce qui apparaît le plus clairement après cette sombre semaine. Elle ne présage rien de bon.
Lire ou relire dans Bakchich :
… suffira.
Merci du témoignage de ce grand patriote libanais.
En vous lisant on comprend tout : "la montagne druze, où l’on se demande encore ce que sont venus faire des commandos hezbollah lourdement armés", demandez donc à votre informateur "le chef des services de renseignements israéliens, Amos Yadlin".
Mais encore : "Aussi longtemps que celles-ci servaient à défendre le Liban, les Libanais pouvaient le comprendre." Mais défendre contre qui grand dieu, contre la Syrie ? Vous vous embourbez !
Continuons : "Le ralliement du général Michel Aoun, prêt à tout pour devenir président de la République, a apporté une couverture chrétienne inespérée au Hezbollah et facilité sensiblement sa tâche." et "si le Hezbollah n’a pas poursuivi sa marche victorieuse, c’est seulement pour s’épargner les déboires de gestion que connaît le Hamas à Gaza.", vous pensez peut-être qu’il suffit d’aligner des mots pour exprimer une pensée cohérente ?
Alors justement parlons-en de Gaza et parlons des Joumblatt palestiniens de 1948, qui ont bradé leur peuple pour séduire "Israël et le Satan américain".