L’ancien attaché parlementaire de Bernard Tapie revisite l’affaire OM-VA. Et désigne, dans un livre, l’instrument de la chute de Nanard : Jean-Pierre Bernès, qui a même essayé de le faire chanter…
Dans les travées du Stade Vélodrome [1], une vieille blessure parcourt à l’occasion les conversations. 1993, l’affaire OM-VA, match truqué, et dixième titre de champion de France de l’OM retiré. « Injustement », clame les amoureux, de 7 à 77 ans. « Complot pour abattre Bernard Tapie et l’OM », grommellent même les plus rancuniers. Souvent des enfants qui en 1993 , n’avaient pas douze ans, des étoiles pleins les yeux, l’impression que Marseille était le centre du monde…et qu’on leur a brisé leur rêve [2]. Leur club, champion d’Europe de football, une première dans l’histoire de France, et descendu en flammes avec l’affaire, quelques mois plus tard.
Jusqu’à présent, nul n’avait osé coucher la théorie sur le papier. Ci-fait à présent avec Le mot d’ordre était liquidons Tapie, aux éditions Hugo et compagnie (sortie le 5 février). Les mois terribles pour l’OM, qui ont suivi la finale de la Coupe d’Europe – enquête sur OM-VA, procès, appel du procès puis condamnation, exclusion des coupes d’Europe, dépôt de bilan- sont narrés depuis le cœur du club. Et du côté du clan Tapie. Son ancien attaché parlementaire, Marc Fratani a pris la plume. En épargnant la réputation de celui dont il est toujours « les yeux et les oreilles »à Marseille. Logique.
Et en désignant, violemment, les coupables. Enfin, surtout un. Jean-Pierre Bernès, l’ancien directeur général de l’OM, dont Nanard ne s’est pas assez méfié. Selon l’auteur (et acteur), non seulement Bernès a été le seul et unique auteur de la tentative de corruption, mais l’ancien DG de l’OM a aussi été l’instrument de la descente aux enfers du club et de Tapie…En échange tout à la fois de la clémence de la justice que du monde du football, ravi de faire chuter Nanard.
À l’appui de ses attaques fort peu nuancées, la ritournelle habituelle. Tapie n’a été désigné par aucun des joueurs valenciennois (Glassmann, Burrugchaga ou Robert) ou Marseillais (Eydelie) comme auteur de la corruption, était trop malin pour vouloir soudoyer une équipe au bord de la relégation à l’époque etc… Et surtout, les premières accusations ne sont venues qu’avec les premiers jours du procès, quand Bernès dit, pour la première fois que Tapie lui a demandé d’acheter le match. Du cousu main pour les supporters marseillais. D’autant que l’argumentation est fort bien déroulée…
Pour les autres, un récit et une pièce troubleront peut-être la doxa ambiante sur l’affaire OM-VA. D’abord la préface de François de Montvalon, rédacteur en chef de France Football à l’époque des faits, et violemment anti-Tapie. « J’ai été manipulé par Jean-Pierre Bernès et Gilbert Collard ».
Mieux, la curieuse saynète narrée par Fratani,, le 7 novembre 1994, à l’hôpital Mon repos où Bernès séjourne. L’épisode se déroule dans la chambre de l’ex DG de l’OM, mis en examen pour corruption active.
« Jean-Pierre Bernès me demande soudain : « pour éviter que j’enfonce Bernard et que je le mouille dans l’affaire, il existe un moyen, la remise de sa part de 4 millions de francs (600 000 euros) ». À cet instant précis je vois les yeux de Gilbert Collard s’illuminer. Un échange de propos surréalistes s’engage, alors que je pose mon téléphone sur le lit après l’avoir actionné discrètement :
Jean-Pierre Bernès : « Tapie n’a pas respecté le protocole de licenciement, il me doit encore 2 300 000 FF (350 000 euros). Je veux cet argent avant la fin du mois de novembre. Je veux aussi 4 millions (610 000 euros) en liquide. Je veux aussi qu’il règle les honoraires de Pelletier et Ghevontian…
Marc Fratani : Jean-Pierre ce que tu demandes est impossible, tu sais bien qu’on lui a tout saisi et, même s’il avait 4 millions, il ne te les donnerait pas […]
Gilbert Collard : Qu’il se les fasse prêter !
Marc Fratani : Mais aujourd’hui personne ne lui prêtera 4 millions, vous demandez des choses impossibles […]
Gilbert Collard : Qu’il fasse un geste, qu’il en donne au moins la moitié
Marc Fratani : Jean-Pierre, propose lui plutôt d’organiser un jubilé entre l’équipe championne d’Europe et un grand club étranger, tu t’occupes de l’organisation, le stade sera plein à craquer, tu pourras y retrouver ton compte […]
Jean-Pierre Bernès : Non, ça ne m’intéresse pas, je veux qu’il vienne ici, dans la chambre, avec quatre millions dans une valise et qu’il la pose là sur le lit.
Gilbert Collard : Jean-Pierre, s’il y a remise d’argent, je ne veux pas être présent.
(…)
À tout hasard, je lui propose de préciser sa demande par écrit. À mon grand étonnement, assis sur le lit, il se tourne vers la table de nuit, arrache une feuille à un document, prend un stylo et se met à écrire :
« Licenciement prévu 3500 000 F Déjà touché 1 200 000 F Reste 2 300 000 F Exécution du protocole du 30 novembre 1993 Autre protocole 4 000 000 F net
Payable comme suit
2 000 000 net immédiat
2 000 000 net 1er février
Honoraires avocats Pelletier et Ghevontian »
(…)
Quant à la cassette audio, son contenu copié-coller sur CD est en excellent état. »
Bref, un chantage en bonne et due forme de Bernès pour éviter qu’il ne mouille Tapie. Ce qu’il fera, au premier jour du procès, le 13 mai 1995. Et depuis, Jean-Pierre Bernès, radié à vie du football français, condamnés définitivement tant dans l’affaire OM-VA que dans le procès de comptes de l’OM, est devenu l’un des plus grands agents de joueurs du foot français. Malgré un règlement FFF qui n’autorise la délivrance d’une licence d’agent que si l’on exhibe un casier judiciaire vierge…
« Même les paranoïaques peuvent être victime d’un complot », a dit Woody Allen. Sans doute en passe de devenir le nouvel adage des supporters marseillais. Dont nombre comme l’auteur, n’attendent qu’une chose : « Que l’Olympique de Marseille puisse bénéficier de la restitution de son titre de champion de France de la saison 1992-1993, qui lui a été injustement retiré ».
A lire ou relire sur Bakchich.info
[1] plus beau stade de foot du monde puisque joue la plus grand équipe de foot du monde dans la plus belle ville du monde
[2] dont l’auteur de cet article
Qu’est-ce que c’est que ce truc ?
Après l’abject "Et si Tapie avait raison ?" de l’année dernière voilà maintenant que Bakchich veut nous faire croire que Tapie n’était pas au courant des matchs truquées !
Finalement heureusement que vous ne prenez pas PAYPAL sinon je serais abonné, et il faudrait que je me désabonne de peur de voir La Balance signer les éditos l’année prochaine…
Cher internaute,
je ne crois pas que nous puissions être taxé de complisance vis à vis de Tapie. Tout ce que ce papier relate, comme écrit audébut de l’article, c’est que cette théroie n’avait jamais été couché sur le papier…Et que dans l’affaire OM-VA demeure des zones troubles. Ce qui ne blanchit pas forcément Tapie.
cordialement
Cher cordialement,
"comme écrit audébut de l’article" c’est faux, et c’est bien ce que je vous reproche.
Vous connaissez aussi bien que moi le % de lecteurs ne lisant que le titre (et qui le reçoivent dans les flux RSS), le % de ceux qui lisent aussi le chapeau (et en reçoivent le début en flux RSS) et enfin le bien plus faible pourcentage de ceux qui lisent le début de l’article, puis l’article entier.
Or là, nous avons une affirmation dans le titre (sans ?), puis une affirmation dans le chapeau. Et ce n’est que beaucoup plus loin après le début de l’article, au énième caractère que nous apprenons qu’il ne s’agit que d’une "théorie".
Bref, après cet article sur Backchich, la grande majorité des internautes n’aura lu et retenu que le fait que Tapie a été berné par Bernès.
Je vous accorde que c’est peut-être involontaire ici, mais il s’agit bien de complaisance vis-à-vis de Bernard Tapie, et vous contribuez, ce qui est d’ailleurs le but du livre, a refaire une virginité à Tapie.
Quelle fausse dénonciation ? De la part de qui ?
Parce que celui qui a fait de la prison pour l’affaire VA-OM c’est Bernès, pas Tapie ! Garde à vue, préventive, etc.
Tapie a bien fait de la prison, mais, entre autres à cause du cumul des peines, pour le faux témoignage organisé avec le maire de Béthune, le faux alibi, etc où Bernès n’avait rien à voir.
Et puis, LUCIFER le bien nommé, je ne te souhaite pas comme il est arrivé à Claude Bez, de faire de la prison suite à une fausse dénonciation de Bernard Tapie et d’en mourir peu de temps après.