Jouer a l’agent de joueurs n’a pas été de tout repos pour Canal+ et sa filiale Sport +. Surtout lorsqu’il s’agit de négocier avec « Nanard », alors patron de l’OM.
Qui se souvient d’Epildio Barbosa Conceiçao, dit « Dill » ? Non, rien à voir avec un danseur de rumba. Quoique… Seuls les plus connaisseurs du championnat de France de Ligue 1 orange (sic) se rappellent cet attaquant de poche brésilien. Eux et… le juge Renaud Van Ruymbeke, en charge du dossier sur les transferts du PSG, dont l’instruction est en passe d’être bouclée. Pourtant, l’ami brésilien n’a que très peu joué en France, deux mois durant l’été 2001 à Marseille [1] (pour 0 buts) et jamais au Paris Saint Germain. Mais au cours de leur enquête à tiroirs, les limiers du parquet financier ont ratissé très large et ont été assez interloqués par ce joueur dont l’agent n’est autre que la société Sport +, une filiale de Canal + propriétaire du PSG à l’époque…
Un petit « exercice illégal de la profession d’agent de joueur », gênant pour une société appartenant en plein à la chaîne de télévision cryptée dont le comité stratégique était « présidé par Pierre Lescure (patron de Canal, ndr) et avait pour membre Bruno Thibaudeau, Denis Olivennes et Laurent Perpère », précise, dans une audition du 16 mai 2005, Jérôme Valcke, l’ancien Directeur général administratif de ladite Sport +.
Le cas Dill a donné bien du mal à cet agent pas comme les autres. Acheté au club brésilien de Goias pour 2,05 millions de dollars, le footballeur, via deux sociétés amies, est cédé à l’OM, où Bernard Tapie a fait son come-back, 3,527 millions de dollars (4,116 millions d’euros) le 29 juin 2001. À priori une coquette plus-value dans la poche. Sauf que « l’OM refusait de payer et demandait à Sport + de reprendre son joueur », note la flicaille. « Le contrat de Dill, signé le 25/07/01, était alors résilié le 28/08/2001 et dans la foulée et à la même date, l’OM vendait Dill au Servette pour 4,116 millions d’euros ». Bref, l’agent-société ne s’est pas rendu la tâche facile. D’autant que lors de ces diverses manœuvres n’ont été rendus possibles qu’après que Sport + « a mis en place une chaîne de faux documents afin de vendre Dill à l’OM puis de le transférer au Servette », suspectent les policiers de la Financière.
Mais un détail les chagrine. La « raison non encore totalement éclaircie » pour laquelle l’OM a refusé de conserver Dill. À l’époque, Bernard Tapie devenant directeur sportif de l’OM, une farandole de transferts jamais encore vue à La Commanderie, s’empare du club. Seul petit souci, l’équipe compte trop de joueurs extracommunautaires (limités à 5 par équipe) et doit dégraisser. Aussi Dill, peu flamboyant sur le terrain, arrive en tête de liste des joueurs à exfiltrer d’urgence. Difficile toutefois de vendre un joueur peu côté et peu convaincant. Mais apparemment, « Nanard » utilise des arguments de poids pour convaincre Sport + de trouver une solution fissa.
« Marseille n’a plus souhaité garder Dill qui a été transféré au Servette de Genève, décrit Valcke, entendu par les limiers le 19 mai 2005, après que Tapie ait mis en garde Canal + sur la publicité qu’il pourrait faire dans les médias sur le rôle de Sport + dans le transfert ». L’argument relayé « par une note manuscrite de Valcke à Lescure » a fait mouche. Ce qui n’a pas empêché la justice et les médias de s’intéresser aux étonnantes activités Sport +. C’est ballot. Heureusement, le sieur Valcke n’a pas trop eu à en pâtir. Le garçon, passé par le service information de Canal +, la présentation puis la direction des sports, est désormais n°2 de la FIFA. Un superbe parcours sur lequel Bakchich ne manquera pas de revenir
[1] Plus grand club de foot du monde n’en déplaise à certains