La semaine dernière, « Bakchich » vous montrait comment les marques utilisaient les hommes politiques et vice versa. Aujourd’hui, la question est de savoir si une autre étape n’est pas franchie : les hommes politiques seraient-ils eux-mêmes des marques ? Et vice versa ?
Cela pourrait commencer comme une devinette : quelle est la différence entre Nicolas Sarkozy et TF1 ? Réponse : ce sont tous les deux des marques, leaders sur leur marché mais qui peinent depuis quelques mois à séduire leurs consommateurs. Pour reconquérir des parts de marchés, un co-branding a bien été envisagé mais les ventes restent moribondes. Reste à voir donc si la campagne de publicité sur le pouvoir d’achat prévue par les directeurs marketings du Président, Thierry Saussez (ex publicitaire) et Luc Châtel (titulaire d’un DESS en marketing), saura au moins remettre la marque Sarko à flots. Mais la meilleure stratégie pourrait bien être celle de l’endorsement de Nicolas Sarkozy avec Carla Bruni.
Employer un vocabulaire marketing pour un homme politique et un média vous choque ? Avouez, pas tant que ça. « Il y a quelques années, il n’était pas possible de parler de marque pour un média, aujourd’hui cela se fait sans problème », reconnaissait Franck Espiasse Cabau, éditeur de ELLE, lors d’un petit déjeuner du Syndicat National de la Publicité Presse. Quand Marcel Botton, l’un des grands spécialistes mondiaux des marques, lui, n’hésite pas à publier un livre au titre évocateur « Les hommes politiques sont des marques comme les autres » (éditions du Moment).
Le phénomène n’est pas nouveau : Jean Lecanuet a inauguré le marketing politique en 1965. Mais il a quand même fallu quelques années pour que les conseillers sortent de l’ombre et encore un peu plus pour qu’ils avouent « vendre des hommes politiques comme des patates ». Depuis la présidentielle 2007, un pas supplémentaire a été franchi : désormais il n’y a plus aucun complexe. Le ministre de la consommation lui-même peut affirmer bien fort dans un « Talk Orange-Le Figaro » : « Nous les ministres, on développe les produits, on les met en place et ensuite il y a les publicitaires qui font leur travail ». Et bien en amont, les instituts d’études, qui se sont évertués pendant des années à montrer qu’il existait bien une différence entre ce qu’ils réalisaient pour les hommes politiques d’un côté et les marques de l’autre, publient aujourd’hui avec force médiatisation des rapports où ils spécifient bien avoir appliqué « la technique utilisée habituellement pour mesurer le capital d’attachement aux marques » [1]. Preuve de sérieux sans doute.
Conséquence directe : on ne vend plus les hommes politiques comme un kilo de légumes mais plutôt comme un i-Pod. Pour devenir N°1 sur le marché électoral, difficile aujourd’hui de snober l’e-marketing par exemple. C’est notamment ce qui a poussé l’UMP à s’entourer de l’Enchanteur des nouveaux médias, une entreprise spécialisée dans ce domaine. Ou Nicolas Sarkozy à surveiller sa e-réputation avec une équipe dédiée, ce que seules les grandes multinationales peuvent aujourd’hui se permettre. Mais soyons modestes, la France a encore beaucoup à apprendre de ses concurrents américains. En premier lieu de Barack Obama qui a bluffé les plus grands experts marketing. Sur le site du magazine référent Advertising Age, le président d’Optimedia US (filiale de Publicis), Anthony Young, comparait ainsi les primaires démocrates à la guerre que se livrent Coca-Cola et Pepsi. Avant de donner un sérieux avantage à Obama, qui, selon lui, a utilisé les méthodes les plus innovantes et surtout avec un meilleur retour sur investissement. Il faut dire que le candidat n’avait rien laissé au hasard : le mimétisme avec la marque ayant été jusqu’à l’utilisation d’un logo aussi reconnaissable que la pomme d’Apple ou la virgule de Nike.
Si les hommes politiques investissent le marché de la grande conso, les marques en profitent de bonne guerre pour exploiter le marché politique. Pour séduire le citoyen, elles se rêvent porteuses d’idéal : Orange va donc désormais nous seriner un très sarkozien « Together we can do more », tandis que la marque de cosmétique brésilienne, Natura qui explique dans Marketing Magazine qu’elle souhaite « faire partie de la communauté des gens qui veulent changer le monde ». Un élan citoyen qui a sans doute amené le glacier Ben & Jerry’s à présenter sa vache égérie comme candidate à la présidence d’une France Gourmande…
PS : Toute marque qui se respecte sait aujourd’hui que le consommateur a ou veut reprendre le pouvoir. A quand donc des citoyens aussi intransigeants ? Et si les contribuables-actionnaires demandaient au groupe Etat une rentabilité minimum de ses marques de 15% ?
Lire ou relire sur Bakchich :
[1] Millward Brown : « Les politiques français : quel capital de marque ? »