Alors que la Croatie toque à la porte de l’Union européenne et que son président, Stjepan Mesic, se pavanait ce week-end au sommet de l’Union pour la Méditerranée, un avocat français est menacé par le pouvoir croate de psychiatrisation s’il va enquêter sur des trafics d’armes à Zagreb. Mauvais point…
Le 3 juin dernier, Mmes Crussard et Boudot, huissiers de justice à Paris, ont cliqué sur le site officiel de la présidence croate, et consulté la page suivante.
Ils n’ont pu que constater le maintien de la publication depuis un an et demi, de propos assez virulents à l’encontre d’un jeune avocat d’Angers, Ivan Jurasinovic.
Explications du texte traduit par une interprète judiciaire en langue croate. Alors que le président Mesic inaugurait dans la riante cité de Nasice un service de dialyse performant, le 10 novembre 2006, les journalistes présents se sont mis à lui poser des questions sur bien d’autres sujets. Cette bricole folklorique par exemple : les tentatives d’homicide sur Marin Tomulic à Paris. Ce quinquagénaire à la double nationalité franco-croate, aussi affable qu’angoissé depuis quelques années, est réfugié depuis 2000 dans la capitale française, où il a repris la PME de BTP de son père. Il est surtout l’ancien n°2 des services secrets, chargé de superviser les ventes d’armes pour le gouvernement Franco Tudjman durant la guerre dite patriotique. Il est également très au fait des étroites relations entre la France (l’Élysée, le Quai d’Orsay et la DST) et la Croatie, de 1992 à 1999. Sans compter les intimidations, les coups de fil bizarres et les filatures menaçantes, Il prétend qu’on a tenté de l’assassiner au moins par deux fois à Paris.
Il est donc demandé au Président Mesic ce fameux 10 novembre, de commenter les écrits des médias sur la plainte pénale déposée auprès du juge de Nanterre contre Marko Nikolic. Cet ancien mercenaire mafieux en fuite et jugé par contumace pour un autre homicide, est soupçonné de tentative de meurtre de Marin Tomulic. Dans cette plainte qui a été déposée au nom de Tomulic par l’avocat angevin Ivan Jurasinovic, d’autres noms sont pointés. Ainsi le Président Stipe Mesic est cité comme « le patron politique particulier du commanditaire du meurtre, Hrvoje Petrac. » Le président nie une telle complicité amicale, et affirme qu’il n’a rencontré cet individu que « par hasard » et par deux fois. Mafieux de la région de Zagorje, l’homme d’affaires Hrovje Petrac a été également l’un des grands financiers des campagnes électorales de Mesic.
Se détache alors de ses propos présidentiels, une menace en forme de vanne : « Pourquoi cet avocat qui a déposé la plainte, dit que je suis son patron politique ? Il doit sûrement le savoir, mais je lui conseillerais quand il viendra à Zagreb, de se rendre à Vrapce, car une aide efficace peut là-bas y être administrée aux gens comme lui. Ce sera une occasion formidable, cela ne lui coûtera pas cher, et nos médecins sont connus pour leur efficacité. »
Sous des allures juvéniles, l’avocat de l’ex-agent secret est lui-même le fils d’un émigré politique croate, et croit assez bien comprendre l’humour particulier de Zagreb. Vrapce est le nom du plus grand hôpital psychiatrique de Croatie, celui également où l’on traitait les dissidents politiques et le plus souvent de manière définitive. Il a lui-même porté plainte en octobre 2007, contre le président croate, pour ces menaces.
Qu’est-ce qui a pu énerver le très sourcilleux, dans tous les sens du terme, Mesic ? Lorsqu’il profère ses menaces sur l’avocat français, le dit-Petrac est jugé au même moment à Zagreb dans une affaire de kidnapping d’un enfant, celui du fils du général Zagorec, impliquant le gratin de la mafia croate. Dans ce milieu, grenouille également Zarko Pavlina. Ce gentil garçon, arrêté en Macédoine pour trafic de drogue, et relâché illico presto à la demande du président croate, est le propre beauf de Mesic. Les liaisons dangereuses sentent le roussi.
Comme amabilité de retour, les proches de Masic font savoir que Marin Tomulic, lui, a été condamné en septembre 2002 à un an de prison pour délinquance économique. « Monsieur Marin Tomulic intervenait systématiquement dans tous les dossiers sensibles ou non, en lien avec la France et les intérêts français » explique son avocat. C’est dans ce contexte que l’ancien responsable des services secrets accuse depuis des années avec constance, Hrovje Petrac de trafics d’armes et de rackets, s’enrichissant comme intermédiaire douteux sur l’approvisionnement en armes, notamment comme représentant officiel en Croatie de Giat Industries. Ces mêmes armes se sont retrouvées en nombre après la guerre, dans les banlieues européennes via des filières d’ex-chiens de guerre ou de légionnaires croates.
Il a même eu une drôle de lubie démocratique, ce Tomulic : faire comparaître les vrais criminels de guerre croates, dont un certain nombre sont réfugiés en France. De quoi transformer l’asile politique en champ de tir… En tous les cas, Marin Tomulic a porté plainte pour avoir échappé à un attentat au fusil à laser alors qu’il circulait en voiture avec son fils, ainsi qu’à l’explosion pas du tout accidentelle d’une voiture tout près de l’un de ses chantiers en plein Paris, en septembre 2007. Autant dire que sa mémoire est une boîte de Pandore pleine à ras bord de secrets d’États et de ce genre de décisions que l’on prend en « realpolitik ». Jurasinovic envisage, lui, de se rendre à Zagreb d’ici à la fin de l’année, et vient de recevoir le soutien massif de la Conférence des bâtonniers. Le président Mesic qui plastronnait à la réunion de l’Euroméditerranée et à la tribune présidentielle française le 14 juillet, n’a pas encore trouvé le temps de rédiger un nouveau post sur ce sujet encombrant.
À lire ou relire sur Bakchich :
Pour ceux qui lisent la langue, voici deux articles qui contiennent quelques informations et analyses supplémentaires sur l’arrestation de Radovan Karadžić :
La conversation entre Omer Karabeg, Nataša Kandić et Mirsad Tokača à l’émission "Most" ("Le pont") d’Omer Karabeg sur Radio Europe Libre, 26 juillet 2008 "Karadžić i Mladić - pioni tajnih službi" ("Karadžić et Mladić - pions des services secrets")
docs.google.com/Doc ?id=dc2m8p62_190dk6nrnvs pasta.cantbedone.org/pages/YJE7Ot.htm www.slobodnaevropa.org/content/Article/1186404.html
L’enquête de "Globus", Zagreb, du 23 juillet 2008 (mis en ligne après une semaine) : TAJNI ŽIVOT RADOVANA KARADŽIĆA ("La vie secrète de Radovan Karadžić")
docs.google.com/Doc ?id=dc2m8p62_227chr2z7xx pasta.cantbedone.org/pages/bvUqkL.htm www.globus.com.hr/Clanak.aspx ?BrojID=279&ClanakID=7718&Stranica=1#7521
On peut raconter ce que l’on veut quand on cite des sources confidentielles.
Toujours est-il que le lien affiché ne renvoie pas à un texte particulier, mais à une liste de liens. Pourquoi ?
Et l’auteur de l’article parle "du" service secret en Croatie alors que tout le monde sait qu’à l’époque de Tuđman il y en avait au moins cinq.
Et que dans ses actes publics, le président Mesić a montré plus de droiture que bien d’autres politiciens.
D’accord avec vous Monsieur le Centraf’ ! C’est un peu "brouillon" dans le style…..
Au delà de ces soucis sémantiques, il me semble qu’on fait moins cas de ce genre de président assez peu recommandable et néanmoins assis à la tribune française que de celui de Monsieur Assad qui semble être le seul dictateur aux yeux des média prépondérants. Une raison de plus pour lire Bakchich même avec un style "brouillon" et des fôtes d’aurtaugraffe :-))