Plutôt réussi le coup de Sarkozy d’abaisser vers le Sud le centre de gravité de l’Europe. A vue de nez, cette idée pourrait durer davantage que le temps du sommet de l’Union pour la Méditerranée de ce 13 juillet. Du coup, c’est la foire d’empoigne pour savoir quel pays héritera du siège du secrétariat de l’UPM.
Nicolas Sarkozy l’a souligné l’air de rien lors de la conférence de presse qui a suivi le Sommet de l’Union pour la Méditerranée (UPM), le 13 juillet au soir. « Voir des pays du nord et de l’est de l’Europe s’engager, vouloir prendre la suite pour faire vivre cette Union pour la Méditerranée, c’est extraordinaire ». Derrière cette allusion à la République Tchèque et à la Suède qui prendront les prochaines présidences tournantes de l’Europe, il fallait sans doute voire un pied de nez à l’Allemagne, peu enthousiasmée par l’UPM depuis ses débuts. Reste que le pari est excitant. L’Europe complexe et embourbée dans la lourdeur d’un fonctionnement technocratique à 27 pourra-t-elle se ressourcer auprès de la Méditerranée compliquée, « berceau de la civilisation » ? Il faut se méfier des belles déclarations des dirigeants enthousiastes, mais la rencontre, à Paris, des deux rives de la vieille mer a apporté un peu de fraîcheur à l’idée européenne.
Félicité par ce vieux crocodile d’Hosni Moubarak au pouvoir en Egypte depuis 1981 — et qui ne fait pas ses 80 ans — Nicolas Sarkozy n’a pas boudé son plaisir devant le succès de la réunion. Il a même reçu les louanges appuyées de José-Manuel Barroso, le président de la Commission européenne. « Ce sommet est une contribution historique pour l’avenir de l’Europe et pour l’avenir de la Méditerranée. C’est grâce à la détermination de Nicolas Sarkozy que cette initiative sur laquelle certains avaient des doutes a abouti », a-t-il chanté. Décidément, le président Barroso n’est pas rancunier malgré les piques que Sarkozy a lancé ces dernières semaines sur l’administration bruxelloise. « En fait, il a retourné Barroso, faisant de lui un allié. Il lui a promis de le soutenir pour son maintien à la présidence de la Commission lors du renouvellement de celle-ci en 2009 », décrypte un observateur.
« L’Union pour la Méditerranée est-il un projet politique ou commercial ? » C’est l’une des questions posées par un journaliste à Nicolas Sarkozy lors de la conférence de presse qui a suivi le sommet de l’UPM le 13 juillet. Pour le groupe Suez, la réponse ne fait aucun doute. A côté des communiqués officiels retranscrivant les déclarations officielles des divers dirigeants politiques, la société de Gérard Mestrallet a fait déposer en salle de presse son communiqué maison, chantant ses propres louanges. Le groupe connu, comme son concurrent Veolia Environnement, pour renchérir le prix de l’eau courante se gargarise d’être un « partenaire engagé en faveur de l’Union pour la Méditerranée. » Son exploit ? Pas grand chose. Il vient de décrocher « l’étude de faisabilité technico commerciale » pour le projet de canal de transfert d’eau vers la Mer Morte. Le montant du contrat doit être tellement faible qu’il n’est pas signalé. Mais la société qui en fait des tonnes en rappelant la construction du canal de Suez il y a 150 ans indique réaliser 16 milliards de chiffre d’affaires dans la zone Méditerranée. Bien sûr, avec l’UPM qui promet « un espace économique intégré », le Français espère faire encore plus de business.
Outre les avancées bilatérales — reconnaissance du Liban par la Syrie, et vice versa, et rencontre entre l’Israélien Ehud Olmert et le Palestinien Mahmoud Abbas — la naissance réussie de l’UPM se jugerait à quatre signes : excepté ce fantasque colonel Kadhafi, plus de quarante chefs d’Etat et premiers ministres ont fait le déplacement. « Ce qui n’était pas gagné d’avance », a modestement triomphé Henri Guaino, conseiller de Nicolas Sarkozy à l’Elysée. Ensuite, la rencontre a accouché d’une déclaration commune et de plusieurs projets – paix, développement durable, politique alimentaire etc. Et aucun incident n’a été a déploré. Mieux encore, à entendre les uns et les autres, le financement des projets ne semble plus être un problème. « Ce n’est pas ce qui manque a assuré l’Egyptien Hosni Moubarak. Il y a des flux d’investissements importants qui viendront ». Visiblement, les différents financements mis en place par l’Union européenne ont su convaincre.
Certes l’angélisme de la déclaration commune a fait rire beaucoup de journalistes arabes présents. Outre la paix et le business à l’intérieur d’un ensemble de plus de 700 millions d’habitants, il est question de développer la démocratie sur tous les rivages de la Méditerranée. Sur ce sujet, de grands démocrates comme le général-président-à vie Ben Ali ont préféré éviter le sujet lors du sommet. Devant ses homologues, le chef de l’Etat tunisien a même commis un laïus sur son nouveau dada, l’environnement, érigeant son pays comme le protecteur du « droit de l’être humain à vivre dans un environnement sain ». Prière de ne pas rire.
Autre signe que la mayonnaise de l’UPM semble prendre, c’est déjà la foire d’empoigne pour savoir quel pays accueillera le secrétariat de l’Union et quelle sera la nationalité du futur secrétaire général. Malheureusement le Maroc, pays un moment sur les rangs, semble définitivement hors course pour la première question. Selon un observateur, opposée, l’Algérie en aurait fait un casus belli. Et puis l’absentéisme très commenté (en mal) de Mohammed VI qui a fait envoyer son frère ne plaide franchement pas pour le royaume. « Il était absent pour des raisons très personnelles, mais il est très favorable à l’UPM » l’a excusé Henri Guaino. Sauf qu’à consulter Le Matin du Sahara, la Pravda marocaine, on pouvait lire que le samedi 12 juillet, Mohammed VI a procédé « au lancement des travaux d’extension de la digue de protection du port de plaisance de la station touristique de Saïdia. » Pire, si le monarque vient de reprendre le travail, cela faisait des semaines que la presse marocaine dissertait sur ses vacances prolongées. Dans un récent numéro, le Journal Hebdomadaire relevait même que Mohammed VI n’avait pas organisé de conseil des ministres depuis neuf mois ! Résultat, c’est l’Espagne qui semble tenir la corde avec Barcelone où est né en 1995 le processus du même nom et qui amorcé le rapprochement entre l’Europe et la Méditerranée. Au grand dam de Malte qui figurait sur les rangs. A l’inverse du siège, le secrétaire général ne sera sans doute pas européen. Ce qui autorise toutes les manœuvres de la part des pays arabes pour gagner. Que le plus subtil l’emporte !
À lire ou relire sur Bakchich.info
A lire dans toutsurlalgerie.com
Non pas que je donne du crédit à ce journal, mais pour donner aux lecteurs de bakchich, une autre version sur l’absence de M6.
Pas besoin d’être pro ou anti M6 pour comprendre qu’il n’allait pas se déplacer. Le Maroc a toujours favorisé les relations bilatérales avec ses partenaires.
Quoiqu’il en soit, on verra dans pas longtemps ce qu’il en est. Mais vous n’allez pas me faire croire que vous en savez grand chose sur l’attribution du siège à tel ou tel pays. Ce n’est pas la France qui décide, j’ai envie de dire !!!
La version de toutsurlalgerie a autant d’importance que celle de Bakchich, que les autres, dont la mesure où elles sont basées sur des hypothèses et des interprétations douteuses.
"REVELATIONS : comment Sarkozy et Mohamed VI ont piégé Bouteflika Par samir allam le 14/07/2008 à 09:02
L’absence du roi du Maroc au sommet de lancement de l’Union pour la Méditerranée (UPM) était-elle une surprise ? Officiellement, la réponse est « oui ». L’Elysée n’a été informé que la veille, le 12 juillet. Mohamed VI, via son entourage, faisait savoir qu’il ne se rendait pas à Paris pour des raisons d’agenda. Il devait notamment inaugurer des projets dans le nord du pays. En réalité, selon nos informations, la présidence française savait depuis au moins plus d’un mois que le roi du Maroc n’allait pas assister au sommet de lancement de l’UPM.
Le 8 juin, en effet, se basant sur une source diplomatique arabe, toutsurlalgerie.com révélait en exclusivité que Mohamed VI avait informé Nicolas Sarkozy de sa décision de ne pas être présent au sommet de Paris (lire notre article). « Les vraies raisons de cette absence annoncée de Mohamed VI, dont le pays est le principal allié de la France au Maghreb, restent inconnues. Mais le roi du Maroc est connu pour être un souverain qui évite les Grands-messes internationales. L’autre raison serait liée à la présence d’Israël », écrivions-nous. L’information avait été également confirmée à toutsurlalgerie.com par une source proche de l’Élysée.
A cette époque, le président Bouteflika était très hésitant. En mai, recevant les ministres français de l’Intérieur Michèle Alliot-Marie et des Afffaires étrangères Bernard Kouchner, il avait clairement laissé entendre que sa présence à Paris était loin d’être acquise. L’Algérie avait formulé de nombreuses réserves sur le projet : la présence d’Israël, le choix de la date – veille de la fête nationale française-, la répartition des postes au sein de la future UPM…
Mais Abdelaziz Bouteflika était confronté à une difficulté de taille : seul le libyen Kadhafi avait clairement indiqué qu’il n’irait pas à Paris. Pour le président algérien, il était difficile de s’aligner sur les positions de l’excentrique Kadhafi. Le guide libyen est un allié peu fiable : il est capable d’effectuer une volte-face à tout moment. Une autre défection l’aurait fortement encouragé à bouder le sommet de Paris. Une absence du roi du Maroc aurait constitué un scénario idéal pour le président algérien.
C’est alors que Nicolas Sarkozy a demandé à Mohamed VI d’attendre la dernière minute pour rendre publique et officielle sa décision de ne pas participer au sommet de Paris. Début juillet, le président français avait notamment utilisé l’argument de la présence de tous les chefs d’Etat et de gouvernement de la Méditerranée pour convaincre son homologue algérien de se rendre à Paris. Nicolas Sarkozy avait obtenu la présence son homologue algérien sans céder sur l’essentiel ni répondre aux interrogations algériennes. Une belle opération diplomatique.
Dès samedi, en fin d’après-midi et l’annonce de l’absence de Mohamed VI, le président Bouteflika avait compris : dans l’urgence, il accorde une interview à l’agence APS dans laquelle il émet de sérieux doutes sur les capacités de l’Europe à financer les projets de l’UPM. Trop tard.."