Ça ressemble à une petite fable urbaine avec des acteurs connus. Et des renvois de balle attendus. Pour d’autres, c’est une métaphore indigne. Choses vues à Bobigny.
Depuis plus d’un an et demi, à tout juste deux pas de la préfecture de Seine-Saint-Denis et de l’Hôtel du département, un amas d’ordures ménagères et de détritus en tous genres s’amoncellent sur l’un des chemins autrefois bucoliques de Bobigny, dans la banlieue nord de Paris.
Avec l’accord de la préfecture et de la police, une communauté rom a investi les lieux il y a neuf mois. Mais pas question de nettoyer ni d’installer des toilettes pour accueillir ces néo-résidents de l’Union européenne
Selon Claude Weisz, résident de Bobigny, on voit souvent les enfants jouer dans cette décharge sauvage en même temps qu’ils y font leurs besoins… Charmant. Choqué, M. Weisz, la soixantaine, réalisateur, imprégné du sens de l’intérêt général, nous a raconté son combat pour nettoyer ce lieu immonde, nauséabond, infesté par les rats et les mouches en été.
En juin dernier, Weisz initie une longue correspondance avec les différents services de l’État, correspondance aux accents de carcan administratif. D’abord c’est le conseil général de M. Bartolone qui se dédouane "Je vous précise que les terrains appartiennent au "Réseau Ferré de France et je mets en demeure cette société de procéder dans les meilleurs délais au nettoyage de ces terrains". Rien vu depuis. Selon Weisz, c’est à l’État de procéder au nettoyage, pas à RFF.
Plus grave, le conseil général pointe du doigt les Roms qu’il assimile à des "squatters", dont les dépôts d’ordures sont pour une part importante le résultat de leur présence. "Faux" réplique Weissz, les ordures étaient là avant les Roms.
Le Conseil Général indique qu’il se mobilise pour obtenir un arrêté d’expulsion. Weisz écrit au Premier Ministre, à Roselyne Bachelot et à Borloo, qui tous renvoient le courrier au préfet. La Préfecture se dit "vigilante" et cherche à déterminer le propriétaire des lieux afin de mettre en œuvre une procédure d’expulsion des "squatters".
Weisz est outré par ce qu’il appelle un "amalgame". "Je n’ai jamais demandé à ce que les Roms soient expulsés mais juste à ce qu’on nettoie cette décharge sauvage. A l’heure où la France se mobilise pour la grippe A, on n’est pas capable de prendre une mesurette de santé publique. C’est pourtant pas compliqué d’amener une équipe d’éboueurs qui en une journée vous font le boulot. "Il y a des enfants qui jouent ici. A 50 mètres, il y a une école maternelle, les archives départementales sont en face et l’hôtel du département est à 100 mètres, on croit rêver."
Weisz suspecte que les autorités laissent "pourrir la situation" encore davantage afin d’expulser les Roms pour un motif de salubrité publique.
À la fin de l’été, heureuse surprise, la mairie de Bobigny envoie une équipe nettoyer mais "seulement la part qui appartient à la mairie" , c’est-à-dire 7 ou 8 mètres sur les 35-40 d’amoncellement. Vous avez dit mesquin ?
Les Roms que Bakchich a rencontrés se disent abandonnés. Pas plus inquiétés que ça par le dépôt d’ordures dont ils sont, il est vrai, en partie responsables, ils nous disent que depuis des mois, ils demandent des toilettes, des couches pour leurs bébés et des logements…
Espérons que le droit à la dignité perdu dans cet amas de déchets ne soit pas kärcherisé par mégarde.
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