Pour faire barrage à Sarkozy et mener les socialistes à la victoire en 2012, Ségolène Royal revoit certaines de ses idées, dont « l’ordre juste », qui jadis lui était cher. Avec le risque de ne plus décoiffer, et donc de ne plus intéresser… Deuxième volet de l’enquête de « Bakchich » sur la Madone du Poitou.
Ségolène Royal se veut la plus « antisarko » qui soit pour prendre le PS et espérer ramasser la mise en 2012. Pour mener les socialistes « vers de nouvelles victoires » (sic) comme elle l’avait promis du haut du balcon de la rue de Solférino, après sa défaite présidentielle, elle a demandé à ses nouveaux amis intellos de plancher sur « la France d’après Sarkozy ».
Afin de préparer la réélection de François Mitterrand en 1988, les potes de Ségo, Jean-Louis Bianco, Jean-Michel Gaillard, Pascal Lamy et François Hollande phosphoraient chez l’écrivain Max Gallo, ils s’appelaient en toute modestie le « G5 ». Vingt ans plus tard, Ségolène la mitterrandiste a, elle, son « G20 », pas son supermarché, non, son groupe d’intellos piloté par la nouvelle star de la Ségolènie, l’économiste de Harvard, Philippe Aghion. Un melting-pot d’intellos et de politiques.
« Ségolène, en ce moment, c’est le théâtre et la macro économie », résume un communicant qui travaille avec elle, et ajoute perfide « et comme elle ne comprend rien en économie, au moins, elle sort ! » Et pour organiser ses soirées, la midinette peut compter sur le soutien indéfectible et les réseaux du producteur Dominique Besnehard.
Les changements d’équipe, la montée des économistes… ont modifié le discours et le positionnement de Ségolène Royal. Elle qui avait choisi de ne pas cibler son adversaire pendant le premier tour de la présidentielle est devenue antisarko, tout en maintenant ses oeillades au centrisme version Bayrou.
Le texte de sa consultation participative, remake du projet présidentiel, illustre parfaitement l’évolution de l’ex candidate. On y retrouve le « descenseur social » cher à Philippe Guibert, qui travaille officiellement pour Royal, et à Alain Mergier, mais l’insécurité est passé à la trappe. Oublié l’ordre juste, l’encadrement militaire des délinquants, véritables marottes de la candidate pendant la campagne interne. « Ségolène est en régression sur cette question. Autour d’elle, il y a des gens comme Jean-Pierre Mignard ou Sophie Bouchet Petersen qui ne comprennent pas que la demande d’ordre vient de la banlieue. Sur l’affaire de Villiers-le-Bel, elle n’a pas dit grand chose, parce qu’ils n’ont pas compris que c’était des gros caïds qui tiraient sur les flics », dénonce un proche.
« Je m’explique mal la disparition de la sécurité de son questionnement. La prise en compte de cette inquiétude me paraissait être une position centrale chez elle », confie le sémiologue Alain Mergier, qui ne réalise plus d’études pour l’ex-candidate. « Là où Ségolène Royal était bonne, c’était quand elle décoiffait. Là, elle ne décoiffe plus, elle a changé de peigne ! C’est son paradoxe : si elle ne décoiffe plus, elle n’est plus intéressante. Mais si elle décoiffe, elle prend le risque de ne pas être majoritaire dans son parti ».
Comment décoiffer les Français sans décoiffer les socialistes, comment concilier l’opinion publique et les adhérents socialistes ? Cette équation a été au coeur des difficultés de la campagne présidentielle de Ségolène Royal. Sa résolution est au menu des réunions du mardi matin, boulevard Raspail, dans les locaux que le milliardaire Pierre Bergé loue pour la socialiste. Autour de la table de ce conseil politique se retrouvent, autour de la candidate Jean-Louis Bianco, Vincent Peillon, François Rebsamen, Michel Sapin, David Assouline, Jean-Pierre Mignard, Delphine Batho, Dominique Bertinotti et Aurélie Filippetti sans oublier les permanents de l’équipe Royal.
La composition varie au grès des emplois du temps des uns et des autres, mais le déroulé demeure. « L’enjeu c’est : comment on répond aux Français et si on est les meilleurs, on sera reconnu par les Français », explique David Assouline . « On parle de tout et de rien autour d’un café et des croissants », résume, plus lucidement, Aurélie Filippetti. Dans ces cafés du commerce du mardi, les royalistes évoquent le Tibet, le pouvoir d’achat, la prise du PS, l’impopularité de Sarkozy, les usines qui ferment, les primaires américaines mais aussi la propreté des toilettes des écoles de nos chers bambins !
Un mardi matin de fin janvier, alors que Ségolène cherchait des idées pour pimenter son voyage aux États-Unis (lire l’encadré ci-dessous), un participant a proposé à l’ex candidate de prendre rendez-vous avec le prix Nobel d’économie James Tobin, auteur de la fameuse taxe sur les transactions financières, chère aux altermondialistes. Les secondes passent, les élus se regardent, lorsqu’un « expert » se lance : « mais il est mort, Tobin ! ». L’économiste s’est en effet éteint le 11 mars 2002. On ne saura jamais si Ségolène Royal aurait été capable de demander audience à un mort !
Ségolène Royal a beau vouloir surfer sur la vague anti-sarkozy, elle n’a pas renoncé à vendre du rêve, des belles histoires, à la mode hollywoodienne. Après avoir en vain espéré rencontrer Hillary Clinton, la présidente de la région Poitou-Charentes lorgne maintenant vers son rival, Barack Obama. Sa conseillère en com et néanmoins amie, la publicitaire Nathalie Rastoin cherche le contact avec les spin doctors de la star démocrate. Ségo, elle, a profité d’une virée américaine pour assister incognito à un meeting d’Obama en février dernier. Comme ça, s’il gagne, elle pourra dire qu’elle a vu le président des États-Unis !
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Comment Ségolène drague les « traîtres » sarkozystes
j’étais juste venu pour une ballade légère en forêt et là !!! mais que vois-je à la lisière ? un vol de pigeons ramiers de compétition, bien nourris, la plume lisse, l’oeil vif et alerté(s). Et dire que j’ai toujours pas nettoyé la vieille dialectique de papy…
Ces commentaires sont pourtant à mourir de rire : on dirait des sarkozystes (c’est pas un gros mot ! même que !) après un article de libé (dsl bakchich, c’est un peu dur pour vous…)
Sans rire, un peu de poli-truc, les gens de gauche qui cherchent un chef, ça vous fait pas un peu froid à la glasnost ?
Sinon je trouve cet article bien trop complaisant vis-a-vis de Mme Royal, et ce, dès le titre : les résultats des sondages ne sont pas forcément des idées.