Le Bretteur du juge Bruguière

Philippe Brett

© Kerleroux

Alors que la chancellerie demande des comptes à une malheureuse magistrate de l’Est de la France, Josiane Bigot, qui s’est engagée en faveur de Ségolène Royal, le juge Bruguière, toujours en fonction, n’hésite pas à se répandre dans les médias pour expliquer le sens de son engagement comme candidat de l’UMP dans le Lot. Sans que le ministre de la Justice ne s’en émeuve. Et pour une raison simple. Ce magistrat, qui entretient les meilleures relations avec Villepin et Sarkozy, n’est pas un juge ordinaire. Elevé au rang de vice président du tribunal de grande instance de Paris avec en prime le grade indiciaire « C », ce qui est tout à fait exceptionnel.

Le « président » ou encore l’amiral, comme on surnomme Brugière, aura été la vedette incontestée de la justice antiterroriste depuis presqu’un quart de siècle.

À l’Express, au Parisien et au JDD, les journalistes qui ont été abreuvés d’informations plus ou moins fiables par le pape de l’antiterrorisme n’ont pas manqué de vanter les mérites de ce candidat de la droite dans la France profonde. Avec, pour l’Express, une photo à l’appui montrant ce magistrat aux champs qui dévoilait, au sortir de sa fermette, un ventre gros comme une mappemonde.

Aucun journaliste n’a rappelé les errements de son magistère anti-terroriste : les dérapages de l’instruction spectaculaire qu’il a menée contre les Moudjahidins iraniens de la région parisienne, sans aucune preuve manifeste, simplement pour faire plaisir à Villepin, de retour de Téhéran ; ou encore les conditions des interrogatoires subis par les Français de Guantanamo confrontés à des barbouzes qui se sont fait passer pour des diplomates. Sans même évoquer ses déclarations publiques particulièrement surréalistes…Lors de son intronisation de « premier fumeur de pipe de France » par les maîtres pipiers de Saint Claude, il s’est livré à un rapprochement particulièrement hasardeux : « Il existe une similitude entre nous entre notre combat face à Al Qaida et celui des artisans. C’est une vraie réponse à la mondialisation ». La France manquait d’intellos, Bruguière est arrivé.

Le juge Bruguière

© Kerleroux

Seul grain de sable dans sa campagne préparée de longue date, un UMP indépendant et fort bien implanté dans le Lot, Pierre Girard Haubout, se présente contre lui, comme il devrait l’expliquer lors d’une conférence de presse le vendredi 23 mars. Son suppléant est un certain Philippe Brett qui s’est illustré en tentant, avec l’aide de Didier Julia et l’aval du commandant militaire et des services de l’Élysée, de sortir d’affaire les deux otages français en Irak, Christian Chesnot et Georges Malbrunot. Comme l’écrit Richard Labévière, chroniqueur à RFI et auteur du Grand retournement [1], l’équipe de Brett « aurait pu peut être obtenir gain de cause. Mais dans cette hypothèse, écrit l’essayiste, les otages seraient sortis par Damas. Inacceptable pour Paris », qui soutenait la résolution 1559 contre la Syrie dans le dossier libanais. contre la Syrie. En son temps, l’initiative un peu boarder line de Brett lui valut l’ouverture d’une information judiciaire parfaitement ridicule pour « intelligence avec une puissance étrangère ». À la manœuvre, le procureur de Paris, Jean-Claude Marin, aux ordres de l’Élysée, qui ne souhaitait pas qu’on apprenne que son entourage avait été à l’initiative de cette mission bons offices. En deux ans et demi, le malheureux Brett fut convoqué une fois par le juge Bruguière ; aucune recherche ne fut entreprise.

Sauf que le magistrat et candidat UMP Bruguière, en apprenant la candidature de Haubout et de Brett, a fait savoir qu’il ne signerait aucun non lieu dans ce dossier. Ce qui est un beau mélange des genres et des fonctions, ou on ne s’y connaît guère.

L’impunité du juge Bruguière pourrait bientôt subir un certain revers, un collectif de journalises s’apprêtant à publier un livre assassin sur ce personnage peu ragoûtant. Bakchich ne manquera pas de suivre ce dossier particulièrement savoureux.