La rentrée littéraire bat son plein avec près de 630 ouvrages qui arrivent dans les bacs. Didier Jacob, journaliste au « Nouvel Observateur » offre l’occasion, dans « la guerre littéraire, critique au bord de la crise de nerfs » à paraître le 11 septembre, de prendre un peu de hauteur sur les germanopratineries.
Ça grince, ça coïnce, ça râpe, parfois ça brûle, de temps en temps ça claque. Et pourtant c’est fluide. Ça se lit, se relit, en picorant par ci, par là. Il y a les personnages récurrents, Guillaume Durand, Michel Houellebecq ou Christine Angot. Les seconds rôles, Florian Zeller, Frédéric Beigbeder ou Mazarine Pingeot. Et les indétrônables occupants de l’espace médiatique, BHL, Finkielkraut et Attali toujours prêts à éclairer le monde de leurs lumières 2 watts. Dans ce théâtre absurde du petit monde littéraire parisien, Didier Jacob, l’auteur de La guerre littéraire, critique au bords de la crise de nerfs est à l’aise. Journaliste au Nouvel observateur, il critique, crie, parfois, tique souvent. Du mauvais esprit en barre qu’il diffuse chaque jeudi sur son blog « Rebuts de presse » depuis 2004 et dont il offre ici le best of.
Extraits : « Lang, lui, relit "tout Tocqueville". Gros morceau. Forcément, quand on relit tout Tocqueville, c’est qu’on est dans l’opposition. Faut s’occuper. Sinon, un petit coup d’œil aux illuminations entre deux manifs, c’est tout le temps qu’on peut accorder à la littérature.
En plus du Tocqueville et du Louis XVI, Lang lit aussi les lettres de Marie-Antoinette et la bio de Karl Marx par Jacques Attali. En tout, comptez environ 25 000 pages. Quel été pour Jack ! Pas étonnant qu’il ait un peu perdu les pédales, quand il déclare : "Je ne suis pas totalement marxiste, mais j’apprécie la grille de lecture de Marx sur la société, que je trouve particulièrement intéressante". Qu’est-ce qu’il veut dire, "pas totalement marxiste" ? Un peu marxiste quand même ? Bon Lang est un peu marxiste. Moyennement léniniste Mollement krouchtévien ? Fantastiquement gorbatchévien ? Carrément trostkyste ? Un peu de gauche quand même ?
Ah pardon ! Mais la politique française, quand ces messieurs se mettent à lire des livres ! Figurez-vous que Lang s’est cogné aussi un Houellebecq : "J’aime son écriture drue. Et comme lui, je ne suis pas littérairement correct". Pas littérairement correct ? Si Lang lit Houellebecq, c’est à mon avis que Houellebecq est devenu diablement politiquement correct. En lisant Houellebecq, Lang se croit rebelle, courageux, sulfureux, poète. Ses lectures disent ce qu’il voudrait être : un peu Louis XVI, un peu de gauche, un peu démocrate en Amérique, un peu électron libre et particule élémentaire. Tout sauf un ancien ministre de gauche. »
Trempée dans l’acide, la plume du journaliste virevolte. Brocardant l’Académie française « sorte de publicité pour sonotone, urinal et verre double foyer », moquant BHL « qui est à la philosophie ce que Ladurée est au macaron, délicieux fondant immédiatement suivi d’un léger désenchantement sensoriel », exécutant Beigbeder, « l’ablation du style. Reste l’époque. Il colle. Il colle au temps qui passe. L’équivalent de la TNT pour la littérature. C’est fauché, mais ça occupe l’antenne », ou racontant la nuit où Houellebecq a failli devenir Premier ministre, Didier Jacob est tour à tour drôle et cinglant. Bref il envoie, et bien souvent il touche. Au point même parfois, selon une concierge du Nouvel Obs, d’agacer passablement le grand patron du journal Claude Perdriel. Notamment quand le blogueur s’en prend à son ami BHL. D’ailleurs, est-ce un hasard si les chroniques les plus acerbes de Didier Jacob paraissent sur le web ? Celui-ci nous avoue que son éditeur a reçu quelques coups de fils pour tenter d’empêcher la parution du livre. « Sur internet, il y a une sorte de confidentialité, mais dès qu’on passe sur le papier, ça agite plus de monde », analyse-t-il.
Dernière minute. Didier Jacob nous apprend sur son blog que Christine Angot lui consacre quelques lignes dans son dernier ouvrage. La rançon du succès en quelque sorte…