Pour commencer, un bon portrait vachard de Jean-François Kahn par son propre frère, le généticien Axel Kahn : « A un moment donné, [Jean-François] a eu la folie des grandeurs… Comme il aimait bien aller au cinéma, il a acheté le cinéma de la rue Christine (siège de l’Evénement du Jeudi), comme il aimait bien aller au restaurant, il a également acheté le restaurant de la rue Christine, et puis il était en train de négocier pour acheter toute la rue Christine ». Sympa, le frérot ! Mais il eut d’autres bons moments dans l’émission de Guillaume Durand, notamment le débat autour de Sébastien Lapaque (« progressiste réactionnaire » sic) et de son livre « Il faut qu’il parte ». Sans compter le savant et pétillant Paul Veyne parlant de son ami Michel Foucault (« philosophe sceptique »)…
A propos de ce dernier, on vit un extrait d’ « Apostrophes » datant de décembre 1976, au cours duquel Pivot prenait ironiquement à témoin ses autres invités à propos de Foucault (« vous voyez bien que c’est un philosophe »). Pivot appréciait Foucault mais n’était pas fasciné. Il ne faisait pas partie du club. Guillaume Durand, lui, a un souci : montrer qu’il est à la hauteur, qu’il est de plain pied avec ces grosses têtes. Et d’ailleurs il s’en sort plutôt bien.
Mais pour le téléspectateur, la question est ailleurs : « D’où tu parles, animateur ? » De la France de dedans le poste ou bien de la France de devant le poste ? Extérieur au sérail, Pivot donnait un oxygène puissant à ses émissions, car il jouait à merveille le candide et le naïf. C’était lui qui s’invitait chez les intellos. D’ailleurs avant d’être critique littéraire, il était journaliste sportif, spécialiste de foot. Il savait feinter et ralentir le jeu. Et même jouer l’idiot. On pourrait en faire une règle : une émission à intellos marche bien quand l’animateur est du côté des non-spécialistes (y’a des limites à respecter, d’accord…)
Ce n’est pas le cas de Guillaume Durand qui joue la connivence, l’Intelligent et veut que cela se sache (d’où son léger narcissisme). Voyez mes plumes… Il se pavane avec les cadors. Il les tutoie. Pivot au contraire n’en avait rien à faire d’être admis au club. Durand est fier d’être un lièvre, Pivot jouait la tortue. Et comme dans la fable, devinez qui gagne à la fin ?