Avant de lire le dossier de Bakchich Hebdo n°25, entretien avec un des spécialistes de l’histoire franco-algérienne, Benjamin Stora. Il revient sur les massacres de Sétif et l’acharnement des nostalgiques de l’Algérie.
En compétition à Cannes vendredi 21 mai, "Hors-la-loi" de Rachid Bouchareb a déjà défrayé la chronique. Avec Lionnel Luca en tête de gondole, l’Histoire n’en finit plus d’avoir la nausée. Le député des Alpes-Maritimes, ayant pris connaissance d’un premier scénario, alerte fin 2009 le Ministère des Anciens Combattants. Il dénonce « l’encouragement d’une repentance permanente » et les subventions françaises pour le tournage d’un film qui détourne, selon lui, les massacres de Sétif « Ce que je voulais avant tout, c’est que le film ne soit pas dans la sélection officielle française. Le projet me dérange. Il ne représente pas la France mais l’Algérie, cela me convient. »
Mais la polémique s’enflamme avec la demande d’Hubert Falco, le ministre des Anciens combattants, d’une étude des faits historiques traités par le film. Évoquant des« erreurs » et « anachronismes », le Ministère ne cautionne pas la sortie du film et sa présentation à Cannes.
Benjamin Stora est l’un des douze intellectuels à avoir dénoncé la "campagne" lancée contre le film, "symptôme du retour en force de la bonne conscience coloniale dans certains secteurs de la société française, avec la complicité des gouvernants". Il livre à Bakchich son point de vue, en avant-première du dossier sur le film que vous retrouverez dans Bakchich Hebdo n°25, en vente samedi.
Extrait :«
Beaucoup d’historiens considèrent que les massacres de Sétif (8 mai 1945) et de Guelma, qui ont duré plusieurs semaines, ont été une sorte de drames fondateurs de la guerre d’Algérie (1954-1962). Tout simplement parce que ces massacres, qui ont fait 103 victimes européennes mais surtout près de 10 000 victimes musulmanes, ont creusé un fossé entre les deux communautés (européenne et musulmane algérienne). Ce fossé ne va plus être comblé. Les passerelles se sont littéralement fracturées. La possibilité d’une sorte d’Algérie française égalitaire et conviviale, où plus de justice devait régner, s’éloigne d’une manière presque définitive. Les européens ont très peur de la démographie musulmane, ils sont dans une proportion de 1 pour 10. Ce qui s’est passé dans la région les amènent à réfléchir et à quitter les campagnes. Certains retournent en France. C’est la première raison. Et les européens ont très peur des algériens musulmans. Selon le mot du Général Tubert (chargé de rédiger un rapport sur les massacres de Sétif en 1945), qui s’adressait aux européens à l’été 1945 « Attention, je vous ai donné la paix pour 10 ans ». On sait ce qui s’est passé par la suite… La seconde raison est qu’une nouvelle génération entre en scène dans le nationalisme. Pour elle, la seule façon de sortir de cette impasse, de ce blocage, est le recours à la lutte armée. »
103 victimes Européennes et 10 000 Algériennes. Tout est dit. C’est ce qui se pratiquait en France sous l’occupation. Pour un Allemand tué par la résistance, 100 otages étaient exécutés. Ca te paraît normal n’est-ce pas.
Effectivement les Européens ont contribué à la construction de l’Algérie, mais pour eux-même.
Le plus cruel de cette affaire est qu’après 48 ans, les Algériens n’ont rien fait de leur indépendance et beaucoup d’entre eux préfèrent vivre en France. Comprenne qui pourra.
Bonjour,
Si certains veulent vivre en France c’est justement pour faire payer à la France les 132 ans d’esclavagisme. Ce que la génération colonisée à vécu, la jeune génération subit aujourd’hui (en france) la même humiliation, les mêmes inégalités, la même injustice… A quand la fin ? Le jour où la France aura compris ce qu’elle peut retenir de l’histoire (2de querre mondiale) Mais en France il y a trop d’hypocrisie, trop de non dit,… Il n’y a pas véritablement de démocratie…
J’ignore si des historiens passent encore sous silence le massacre d’Européens. Mais on pourra lire un extrait du témoignage de Robert Bonnaud, la Paix des Nemtchas )sur le site de la LDH de Toulon
« C’est une chose atroce de tuer nuitamment la famille d’un fermier de la Mitidja, ou de mitrailler la foule des promeneurs dominicaux dans une rue de Bône. Mais c’est une chose incommensurablement plus atroce de fonder sur des dizaines de milliers de cadavres périodiquement rafraîchis un régime d’abjection que huit millions d’Africains vomissent.
La majorité africaine ou ses défenseurs emploient, depuis 1954, les procédés de la terreur de masse contre la minorité européenne. Mais il est bon de se souvenir que depuis 1830 les procédés de la terreur de masse sont employés par la minorité européenne et ses défenseurs contre la majorité africaine. Priorité dans l’horreur. "Que messieurs les terroristes européens commencent. " Commencent à sacrifier des privilèges qui n’ont pu s’établir et ne sont protégés que par des bains de sang épisodiques et une oppression permanente."
Robert Bonnaud »
(témoignage réédité en février 2002 dans l’ouvrage "Esprit, Ecrire contre la guerre d’Algérie, 1947-1962" LDH Toulon