Quatre des quarante syndicalistes qui ont détourné, en 2005, un bateau de la SNCM, passent devant le tribunal correctionnel de Marseille. Procès d’une croisière syndicale.
Entre Marseille et Bastia, quand la croisière s’amuse, cela fait plus que friser la correctionnelle. Les 19 et 20 novembre, quatre marins de la SNCM, inscrits au Syndicat des travailleurs (STC-minoritaire), sont jugés au Palais de justice de la plus belle ville du monde, pour « usurpation de commandement » et « séquestrations commises à l’égard de plusieurs personnes suivies de libérations volontaires avant le 7ème jour ». Une chance. Au tout début de l’enquête sur la prise de contrôle du navire Pascal Paoli, l’accusation se voulait un peu plus ardente, « détournement de navire », un vice passible des assises.
Correctionnelle donc pour les trois frères Mosconi, Alain, Patrick et Jean-Marc, flanqués de Félix Dagregorio, qui ont une appréhension légèrement discordante de celle des flics, dans les déroulés des faits.
Selon la police, dont Bakchich a pu infuser l’enquête de « flagrance », pas de doute. En plein conflit social qui allait aboutir au rachat de la SNCM par Veolia, en septembre 2005, une quarantaine de satrapes envahit le pont du navire Pascal Paoli, au matin du 27. Un peu « encagoulés », selon les coutumes de l’île de Beauté, ces pirates amateurs prennent le contrôle du navire et demandent prestement aux officiers et marins qui ne soutiennent pas leur action de protestation, de déguerpir du navire.
Léger souci, aucun des abordeurs, quoique marins, ne sait conduire et manoeuvrer le navire. La tête prend le pas sur le sang, le chef mécanicien et le commandant du navire sont rappelés virilement à bord. Mais les mots doux volants bas – « oh on t’a pas menacé physiquement, tu vas voir si on te menace physiquement, tu vas marcher en morpese » – le pilote n’a pas toute sa tête à la manoeuvre et abîme un peu l’embarcadère de la Joliette.
24 heures et quelques aventures plus tard, Bastia est en vue, le GIGN aussi. Et les gendarmes de gentiment renvoyer tout ce beau monde à terre, sous les yeux des hélicos loués par France 2 et TF1. De la pub gratuite et une opération sans heurts.
Bien plus bucolique, la version des syndicalistes mérite aussi d’être contée. Un peu las de devoir rester à quai et de se goinfrer de sandwichs sur le Vieux Port – grève de la CGT et navire à quai obligent –, les marins du STC ont le mal du pays,et une grève à tenir le 29 septembre. Un piquet de préférence à domicile. Aussi, un de leurs représentants se rend tout bonnement rendre une visite de courtoisie au directeur de la SNCM, quémandant un bateau pour rallier l’île. Le Danielle Casanova ou le Pascal Paoli. Au choix. « Pas de choix », tonne le dirigeant. Pas grave, les syndicalistes s’en chargent, et accostent le bateau qui ne fait l’objet d’aucune surveillance policière. Le Pascal Paoli.
Après un rapide vote à main levée, la galère vogue. Avec pour sains objectifs, sur le fier navire, « de remettre aux autorités insulaires un outil de développement économique et adapté à une large majorité ». Presque une ballade de syndicalistes heureux, qui se termine dans les bras des gendarmes. Et qui s’achève sur les bancs du tribunal, pour quatre d’entre eux. A dame justice désormais de juger de la poésie de la manoeuvre…
Toujours à propos, le site web de la Provence s’est habillé aux couleurs de la SNCM, au premier jour du procès…Le sens de l’info, Gari, le sens de l’info !
A lire ou relire sur Bakchich.info :
La lecture du dossier a manifestement été rapide… Les encagoulés ne sont jamais montés sur le navire, l’objectif initial était de tenir une réunion syndicale et personne n’était cagoulé, les seuls à porter des cagoules ont été ceux qui ont largué les amarres depuis le port.
Il a été demandé précisément durant la traversée, car on a les enregistrements, de ne pas porter de cagoules et de ne commettre aucune violence.
Et puis l’avarie n’est pas due au Commandant forcé à manoeuvrer, mais au largage trop rapide des amarres avant la lancée des moteurs. La bateau a dérivé et tapé sur le quai, ce qui a conduit le Commandant à prendre la manoeuvre pour protéger son navire.