Aux dernières difficultés rencontrées par la compagnie aux Antilles, vient s’ajouter une jolie petite histoire de corruption. Ou quand l’UIMM fait des émules chez les syndicalistes de l’aérien.
Si la compagnie Corsair peut s’enorgueillir de n’avoir jamais vu l’un de ses avions détournés, il se pourrait qu’elle ne puisse en dire autant de son argent. Une plainte contre X pour corruption, délit d’entrave et faux vient d’être déposée ce vendredi 13 février, par Freebird, l’un des syndicats de Corsair, au tribunal de grande instance de Créteil. Celui-ci soupçonne certains syndicalistes d’avoir, de concert avec la direction, négocié des « indemnités transactionnelles secrètes pour un montant total évalué à plus de 4 millions d’euros. » Une coquette somme qui, selon l’accusation, aurait été répartie dans les poches bien larges d’une petite dizaine de représentants syndicaux. Freebird, tout jeune syndicat fondé en 2006, devenu en mai 2008 la première force syndicale de la compagnie, ne digère pas. Et se fait pour l’occasion oiseau de mauvais augure.
Selon le texte de la plainte, dont Bakchich s’est procuré une copie, ces « versements occultes, qui auraient été maquillés en indemnités transactionnelles mettant fin à des litiges imaginaires, pour un montant total évalué à plus de 4 millions d’euros en contrepartie d’une ‘paix sociale’ ».
A la fin de l’année 2006, TUI, la maison mère du groupe Nouvelles Frontières, qui possède Corsair, s’inquiète des chiffres de la compagnie. La hausse du prix du pétrole ajoutée à l’épidémie de Chikungunya – qui fait chuter la fréquentation des vols vers la Réunion – commencent à affecter les comptes de l’entreprise. Les actionnaires envisagent alors la possibilité d’un plan de relance. Et la direction de Corsair d’opter pour un plan de sauvegarde de l’emploi. Une jolie expression qui doit permettre aux volontaires de partir. Interrogé sur la validité du plan, le CE de Corsair rend, le 22 février 2007, un avis défavorable. Toutefois, les syndicats ne se mettent pas en grève. Les volontaires se font connaître et, le 22 mars, c’est bouclé. 117 employés quittent l’entreprise. Parmi eux, 103 volontaires dont les syndicalistes soupçonnés d’avoir touché des transactions occultes.
Créée en 1981 par la famille Rossi, Corsairfly est depuis 1990 une filiale du groupe Nouvelle Frontières, lui-même détenu par TUI, le plus grand groupe de tourisme au monde. L’entreprise emploie actuellement 1 500 personnes. Côté activité, la flotte actuelle de Corsairfly comporte 8 appareils et la compagnie revendique 2 millions de passagers en 2007 sur des vols essentiellement répartis vers les Caraïbes, l’Océan indien et le Canada.
Tout baigne apparemment. Mais en coulisses, les guerres picrocholines entre syndicats font rage. Pour Cédric Bouvais, fondateur et président du syndicat Freebird, « il n’y avait pas de nécessité à un plan social. L’idée n’est d’ailleurs pas venue des actionnaires. Ces derniers ne demandaient qu’un retour à l’équilibre ».
De là naissent chez Freebird, devenu représentatif en octobre 2007, quelques menus soupçons. Alimentés ça et là par des conversations internes, un mail anonyme, ou des documents comptables plutôt troublants.
Autant de soupçons confortés par un témoignage recueilli dans le cadre d’une sommation interpellative, le 20 novembre 2008, et qui pourrait venir troubler la quiétude de certains cadres de la compagnie. Celui-ci émane de l’ancien directeur des affaires aériennes de la boite.
En voici quelques extraits :
« Des représentants du personnel SOL et PN de la compagnie Corsair ont-ils négocié parallèlement leurs départs de l’entreprise suite à l’annonce du Plan de sauvegarde de l’emploi litigieux ? » « Oui j’ai assisté à des discussions en ce sens ».
« Quels sont les montants de ces transactions parallèles ? » « Je n’ai pas le montant exact des négociations. Selon un tableau que m’a montré Mr X, le montant total excède les 4 millions d’euros. »
« Quelles ont été les contreparties au bénéfice de la Compagnie CORSAIR des versements de ces indemnités transactionnelles parallèles ? » « Selon les dires de MM X et Y (NDR, n’ayant pu encore joindre les gens mis en cause, Bakchich a préféré ne pas divulguer leurs noms), les contreparties auraient dû être la signature d’accords d’entreprises favorables à la compagnie et l’absence de remous pendant le plan ».
Et de décorer ses dires de quelques noms.
Des déclarations un brin tardives et une étonnante transparence que la direction de Corsair pourrait juger un poil revancharde. Licencié par Corsair à la fin de l’année 2007, le bavard avait dû en effet faire ses valises après avoir été mis en cause dans une affaire de détournement de fonds au sein de la compagnie. Il a été mis en examen il y a quelques semaines après un an d’enquête préliminaire.
Reste donc à savoir quel crédit la justice apportera à ces déclarations. Contactée par Bakchich, la direction de Corsair n’avait pas encore répondu à notre sollicitation d’entretien à l’heure où nous mettons sous presse. Une chose est sûre pour l’instant, à Corsair, ça vole bas.
Un droit de réponse de Corsairfly
Suite à l’article intitulé « La compagnie aérienne Corsair accusée de vol » parue dans Bakchich hebdo N° 111, le 13 février 2009 et sur le site le 20 février, le PDG de Corsairfly, M. Hervé Pierret nous a fait parvenir ce droit de réponse que nous publions avec joie.
La réponse de Bakchich
Tout d’abord, la rédaction de Bakchich se réjouit de pouvoir donner la parole à la direction de Corsair. Même s’il eut été plus sympathique de nous répondre quand nous l’avions sollicitée au moment de l’enquête. Notre demande d’entretien étant restée sans réponse. Par ailleurs, Bakchich, tout content de remplir son rôle de journal d’information, se ravi d’avoir appris à la direction de Corsair qu’une plainte contre X pour corruption, délit d’entrave et faux avait été déposée par l’un de ses syndicats. Enfin Bakchich ne manquera pas de tenir au courant la direction de l’entreprise des suites de l’affaire.
Lire ou relire dans Bakchich :
L’ex directeur des affaires aériennes à l’origine des "fuites" aurait gagné son procès pour licenciement abusif contre la compagnie corsairfly…
Faut-il y voir un lien de cause à effet avec le récent départ du PDG Hervé Pierret ?