Le mouvement fondé par Ron Hubbard ne sait plus quoi inventer pour draguer les brebis égarées. Après les tests de personnalité, l’invitation au cinéma, vulgaire mélange d’hypnose et de carte bleue. Récit.
Sur le pavé toute la semaine, jour du Seigneur compris, un couple bien mis, la quarantaine, vous alpague sur une grande artère parisienne. Aussitôt après la poignée de main énergique, l’homme au sourire carnassier s’empresse de vous tendre un tract, trop heureux de trouver des passants en ce dimanche après-midi glacial. Sur le document jaune tape-à-l’œil, on peut lire : « Quelle est l’origine du stress et des pensées négatives ? » « Comment maîtriser ses réactions indésirables et regagner la confiance en soi ? ». FILM GRATUIT. En bref, une séance de cinéma à l’entrée libre et gratuite dont vous êtes le héros. Adieu frimas et crise financière : la Scientologie vous propose de troquer morosité contre obscurité.
La fréquence des séances n’a rien à envier aux multiplexes. 14h, 16h, 19h, 20h, 21h. Tous les jours. Travailleuse, l’Eglise de Scientologie du douzième arrondissement de Paris ne compte pas ses heures. Et, en prime, en bonne entreprise mondialiste mais responsable, elle indique au bas du tract, en caractère gras : NE PAS JETER SUR LA VOIE PUBLIQUE. Défense de l’environnement ? Ou crainte de voir le document tomber en des mains hostiles…
Une réunion, deux collations, et une demi-journée plus tard, Bakchich décide d’aller voir de plus près le film dont vous êtes le héros. Passage obligé dès notre arrivée : laisser son nom en lettres manuscrites sur une feuille d’enregistrement. Le fichier Edvige tient là un concurrent.
« Merci d’aller vous installer dans la salle d’attente. Quelqu’un va venir vous chercher » En guise de pop-corn, l’ouvreur pense à tout. Comme à vous remettre des dépliants. Sur le premier document, se trouve un engagement pré-écrit à vouloir travailler gracieusement pour l’organisation. Les ambassadeurs de la pensée unique écrivent : Oui, je veux travailler au service de l’ordre : Rayez la mention inutile : deux ans et demi. Ou cinq ans. Choix cornélien s’il en est. Sur le deuxième, une certitude : « Avant d’aborder la dianétique, vous n’êtes que l’ombre de vous-même ».
Installé dans la salle d’attente, vous voilà cerné : livres de développement personnel à tous les étages. Tous signés L.Ron Hubbard. Auteur de science fiction et fondateur du courant de Scientologie, décédé en 1986. Sur chaque ouvrage, son nom, en caractères triomphaux écrase le titre. Entre alors dans la pièce un homme très mince, la quarantaine, sourire vissé aux lèvres, nœud de cravate très serré. « Bonjour. Je suis Halim. Merci d’être venue. Pour le film, c’est par là ».
Bakchich, incognito : « C’est une séance individuelle ? »
« Oui ».
La salle de cinéma est en fait une petite salle de projection avec baffles géantes. Des chaises en velours. Le film dure une heure. Le document en américain à l’origine est doublé en français. Très vite, certitudes et lieux communs s’étalent sur l’écran. Pour L’Eglise de scientologie, les douleurs, traumas, et expériences désagréables, vous handicapent. Entre psychanalyse de comptoir, hypnose et rebirth thérapie, le scénario passe en revue, sur le mode de la répétition, des exemples concrets d’accidents de parcours, de disputes, de deuils, bref d’évènements malheureux dont l’’Eglise de Scientologie, dans sa grande générosité, dévoile la découverte. Halim revient veiller au bon grain toutes les dix minutes. Une nouvelle proie ça se surveille comme le lait sur le feu. Mauvaise blague ou film publicitaire ?
Inutile d’espérer une discussion de fin de séance à battons rompus sur le trottoir. La Scientologie a une toute autre idée de l’échange de points de vue. Dans le couloir qui mène à la séance débriefing, de la dorure clinquante partout où le regard se pose. Assortie de l’écusson des scientologues à toutes les sauces. Une fois la porte de l’interrogatoire bien refermée derrière soi, Halim le bon samaritain, s’empresse de recueillir vos impressions à chaud. Et sort de son tiroir le bon vieil électrocardiogramme qui se trouve devant vous. Un cylindre métallique dans chaque main, l’aiguille du stress monte lorsque l’on vous demande de penser à un évènement marquant. « Ah vous voyez ! Ca vous fait de l’effet non ? » Halim est décidemment d’une perspicacité redoutable. « A quoi vous pensiez ? ».
Après plusieurs refus, le commissaire de la brigade spirituelle ne relâche pas ses efforts, au moyen d’un regard de plus en plus intrusif. A l’instar des mastodontes des salles cinéma, la Scientologie offre elle aussi sa carte illimitée. Rien de plus simple : il suffit d’inscrire votre patronyme sur une feuille, sésame pour l’accès au séminaire. Vous est proposé alors le versement d’une avance sur les dix séances à 118 euros. Dix séances ou vous allez devenir vous-même. Merci.
« Ici, c’est un peu comme une psychanalyse alors ? » s’enquiert Bakchich. Convulsions épidermiques d’Halim. « Ah non surtout pas. Les psychiatres s’entendent avec les labos pharmaceutiques. Ils se chargent d’inventer des maladies qui n’existent pas. En échange, les grands groupes inondent le marché pour faire leur beurre. La Scientologie est sérieuse et réputée. Dans certains pays, elle travaille en étroit accord avec la police et l’Etat ». Y aurait-on déjà songé à l’Elysée à tout hasard ? Il est vrai qu’en 2004, Nicolas Sarkozy alors ministre de l’Economie et des Finances, avait chaleureusement accueilli Tom Cruise. Ce dernier s’affiche scientologue, tout comme John Travolta, l’ex-vedette de Grease, qui a réalisé le film Battlefield Earth, en 2000, l’adaptation fidèle d’un livre du grand manitou de la Scientologie, Ron Hubbard.
Pour s’extirper de la main mise étouffante de l’omniscient omnipotent omniprésent scientologue-en-chef, une seule solution : prétexter n’avoir aucun moyen de paiement sur soi. Vaine tentative. Halim insiste pour un acompte par carte bleue. Le lendemain soir, alors libéré de l’emprise un brin totalitaire de la Vérité Scientologue, la spiritualité s’est soudain rappelée à notre bon souvenir. Le téléphone sonne. « Allo ? Oui, bonjour c’est Halim ! »
« Bonjour »
« Je voulais savoir si vous étiez en route pour venir régler votre adhésion ? »
Décevant. En plus d’affectionner les navets interminables et les grossiers films de propagande, l’Eglise de Scientologie est d’une prévisibilité affligeante. Elle continue de préférer les productions à gros budget.
Lire ou relire sur Bakchich sur la Scientologie :
Misère, Chomage, désarroi. Les sectes se développent aussi en réseau.On peut imaginer par exemple si t’es sciento—,t’es embauché facile a l’INSEE,ou si t’es témoin de jeova— facile dans une maison de retraite,accreditée.Ceci a titre d’exemple sans rapport à la réalité.
Le recrutement devient facile en periode de crise et de misère.Membre d’un réseau, on te promet un job, membre de rien t’es sans emploi.
Je ne raffole pas de ce type d’articles : porte ouverte complaisante aux commentaires acerbes, et un rien sectaire ( !), qui ne manqueront pas de se succéder sur le forum.
Ne pouvoir dire que la scientologie a obtenu une reconnaissance officielle dans certains pays, sans passer pour un dangereux fanatique, a quelque chose d’inquiétant pour toute forme de pensée.
Manifestement des gens adhèrent à ce mouvement. Pourquoi ? serait la bonne question. Le site ne peut pas tout à la fois promouvoir le droit d’exister, de penser autrement, et publier des articles qui ne visent qu’à susciter une réaction épidermique. Mais bon, Bakchich est libre de son choix éditorial.
Il y a un chouia de mauvaise fois dans cet article (non pas qu’il me déplaise j’ai une très basse opinion de la Scientologie).
La mention "Ne pas jeter sur la voie publique" du tract scientologue n’est pas une tentative pour se faire passer pour écolo, mais une obligation légale.