N’est pas Guy Roux qui veut. Francis Caballero, éminent professeur de droit, en a fait l’amère expérience. Non pas qu’il souhaiterait coacher le RC Lens, mais tout comme l’entraîneur, il voudrait pouvoir continuer à exercer à 66 printemps révolus. Or, Valérie Pécresse ne l’entend pas de cette oreille. « Travaillez plus pour gagnez plus » qu’ils disaient !
Francis Caballero, distingué professeur de droit, continue d’hésiter entre l’ironie et la perplexité. Le voilà en tout cas pratiquement collé pour avoir gobé le célèbre et un brin réducteur : « travailler plus pour gagner plus ! » La porte de la faculté n’est, pour l’instant en tout cas, plus très loin de se matérialiser pour l’universitaire, abusé par un argument d’estrade, credo économique du gouvernement Fillon, notamment à destination des seniors.
Début 2007, Francis Caballero, 66 printemps, avocat pénaliste et professeur de droit pénal à Paris X Nanterre, a pris le candidat Sarkozy au mot. Il cherche à prolonger son bail à la fac. Cet ancien étudiant de Harvard, sollicite son administration et le ministre de tutelle, Gilles de Robien. L’impétueux sexagénaire qui s’est fait une réputation en étant l’avocat de la Ligue contre le tabac mais aussi l’un des défenseurs de la dépénalisation des drogues douces, souhaite rempiler pour cinq ans !
Folie douce. L’agrégé de droit adresse donc un recours gracieux, le 16 janvier 2007, au président de Paris X : « je tiens à préciser que je ne souhaite pas faire valoir mes droits à la retraite, et demande une prolongation d’activité au-delà de la limite d’âge fixée pour les professeurs d’université. » Précautionneux, l’universitaire, bénéficiaire d’une première prorogation, en 2004, avant ses 65 ans révolus, et pas tout à fait à jour de cotisations, précise : « ma demande servira à soulager le budget des retraites de cinq années de prestations, tout en continuant à servir la collectivité ».
Comble de mauvaise foi, ce professeur ose arguer de son expérience ! « L’université devrait être la première à utiliser les compétences des seniors, surtout en matière de droit et de procédure pénale. » Laconique, la réponse ministérielle tombe le 31 janvier 2007. Négative. Pas démonté, Francis Caballero forme cette fois un recours en excès de pouvoir devant le tribunal administratif de Paris, le 30 mars 2007. Il conteste « le défaut de motivation du refus du ministre », ainsi que « l’erreur manifeste d’appréciation du ministre au regard de l’intérêt du service public de l’Education ».
Un rapide calcul - incluant sa retraite et le salaire d’un remplaçant, fut-il jeune - représenterait une dépense annuelle de quelque 50 000 euros par an. Soit 250 000 euros sur cinq ans !
Le chantre du « travailler plus, pour gagner plus ! » élu, le professeur, accro et récalcitrant, récidive. Il expédie, le 10 juillet 2007, une missive à Valérie Pécresse, nouvelle titulaire de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, copie dûment adressée au président de la République. Le potentiel retraité fait en outre valoir qu’il « ne demande pas une modification de l’âge légal à la retraite, mais simplement la possibilité d’accorder des dérogations à cet âge limite, sur une base volontaire et individuelle, pour permettre à un professeur d’enseigner dès lors qu’il est en état de le faire. » Et ce mauvais esprit de citer Guy Roux, auquel on conteste le droit d’entraîner le RC Lens à 68 ans passés…
Pas de bol pour la ministre, Nicolas Sarkozy - et Christine Lagarde, sa collègue des Finances - trop contents de l’aubaine, ont publiquement pris fait et cause pour le revenant, promu tout à coup grande cause nationale… « C’est pas Guy Roux qui est vieux, c’est la règle qui est vieille », assène même le président. Comme par magie, le père fouettard du foot hexagonal obtient dérogation. Presque sur-le-champ. Du sur mesure. En tout cas rien à voir avec la réponse parvenue, le 13 août 2007, dans la boite aux lettres du professeur casse-pieds.
Valérie Pécresse lui écrit que « les professeurs d’université peuvent être maintenus en activité, au maximum, jusqu’au 31 août suivant la date à laquelle ils ont atteint l’âge de 68 ans. » Bien. Rien de très neuf pour le destinataire qui vise la tranche 68-73 ans… Elle ajoute, pour conclure, que « le projet de loi relatif aux libertés et responsabilités des universités (…) a prévu d’étendre la règle précitée aux présidents d’universités. » Un courrier qui fait encore s’étrangler le prof. « La ministre est complètement à côté de la plaque, sa réponse est totalement étrangère à mon cas. Je continue de m’interroger sérieusement sur son quotient intellectuel… », soupire aujourd’hui Francis Caballero, marri de devoir quitter l’estrade. Quitte à « passer des tests médicaux et sans aucune motivation pour le fric », tient-il à souligner. Et tant pis pour les maigres caisses de l’Etat dont les gestionnaires en chef assurent sans ciller qu’elles sont vides !
N’empêche, la petite phrase du président résonne tel un mantra dans l’esprit du sémillant pénaliste. C’est sans doute pas lui qui est vieux mais plutôt la tutelle, un tantinet sénile…
Mon Dieu, Caba à la retraite forcée !
Je n’imaginais pas que le temps avait pu passer si vite, Francis Cabellero était notre chargé de TD en 2e année à Paris XIII, il était en "compét" avec Jérôme Huet pour l’agrég !
C’était nos deux jeunes fringuants !
Grâce à eux, on est devenus plus vifs, plus critiques, plus débrouillards.
C’était le temps de l’Amoco, de la jp Périer et du caddy, c’était la révolution en matière de responsabilité et la nouveauté avec le livre Starck.
A cette époque quand on disait une conn… en TD, il prenait son écharpe et s’enroulait la tête dedans, la défaisait et disait je n’ai rien entendu !
Francis portez-vous bien, j’ai toujours été fière d’avoir été une de vos étudiantes !
Jane
Cher collège juriste,
C’est un enseignant-chercheur (trouveur) dans une situation comparable à la vôtre qui vous écrit. En prolongation d’activité jusqu’à 66 ans, j’avais demandé 4 ans de plus en vain ! Une majorité d’étudiants me soutiennent mais le ministère n’en a cure ou n’y peut mais… Avez vous interrogé les syndicats à ce sujet ?
Cordialement
Un pour tous ! Tous pour ?
Etant moi aussi élève de Monsieur Caballero à Paris X, j’ai été touchée par la réaction du Gouvernement à son égard. Le Président prône le travail des séniors, mais il est regrettable qu’il ne mette pas d’ores et déjà ses paroles en application.
M.Caballero est un excellent professeur, qui nous a fait découvrir et aimer le droit pénal. Il souhaite continuer à enseigner et est en pleine forme physique, alors pourquoi l’en empêcher ?
En plus, si cela contribue à réduire les dépenses de l’Etat…