Roselyne Bachelot vient d’annoncer la fermeture prochaine des centres de vaccination. Quid des milliers de contrats aidés recrutés pour juguler les files d’attente ? Mystère.
Le gymnase est silencieux, entièrement vide. Presque égarée, au bout d’une heure, une femme se présente pour se faire vacciner. Le centre de la rue Mathis à Paris dans le 19e arrondissement tourne quasiment à vide depuis quelques jours. « On nous fait venir pour rien. Je n’ai pratiquement piqué personne depuis que je suis arrivée. En attendant, ça désorganise nos services à l’hôpital », râle une interne réquisitionnée ce jour-là pour quatre heures. Le personnel d’accueil, à l’entrée, se roule gentiment les pouces.
Employés pour « orienter », et « rassurer en cas de mouvement de foule », comme le mentionnait leur fiche de poste, ces CDD semblent bien démunis face à la désaffection des centres. « Bah, ça fait baisser les chiffres du chômage », philosophe Aïcha*, la quarantaine. Comme ses collègues, elle devra de toute façon s’armer de patience puisque son contrat court jusqu’en juin !
Si Roselyne Bachelot espère diminuer la facture de son méga plan de vaccination en renégociant avec les labos l’achat de plusieurs millions de doses de vaccin, la question des quelques milliers d’embauches réalisées pour venir en renfort dans les centres - bientôt fermés - reste, elle, en suspens.
Dans le climat fiévreux de ces dernières semaines, les associations mises à contribution n’ont pas eu leur mot à dire. L’association Aurore, spécialisée dans la réinsertion, a ainsi reçu fin décembre de la préfecture d’Île-de-France l’ordre de procéder à près d’une centaine de recrutements en contrat aidés (CAE), financés à 100 % par l’Etat. Branle-bas de combat, les recrutements devant être faits « sous les dix jours ». La requête est reçue avec un peu d’étonnement - c’est le moins que l’on puisse dire - puisque ces CDD sont d’une durée de six mois, ce qui porte donc à juin la fin de la mission. Une échéance un peu étrange alors que le virus reflue déjà et que la fréquentation des centres est en chute libre. « C’est la preuve que quand on veut, on peut », lance un peu amer Eric Pliez, le président d’Aurore qui laisse entendre finement qu’il est rare pour ces associations d’obtenir un tel financement pour la réinsertion.
L’association Paris profession sport et jeunesse (PPSJ) a reçu le même courrier et a donc recruté début janvier en urgence 95 personnes. Idem à l’association « SOS Habitat et soin » qui a dû fissa embaucher 65 personnes sur Paris. Quant à l’utilité de la mission… « Aujourd’hui je ne sais pas à quelle sauce ils vont être mangé ! Ils feront peut-être des tâches administratives. Nous n’avons aucune information et on sent une certaine inquiétude », regrette le directeur de PPSJ, Julien Pourre.
Une réunion préfectorale serait en cours pour faire le point… L’association Aurore précise de son côté que, pour les CAE des Hauts de Seine, une solution a été trouvée : Un quart des personnes seront intégrées à l’association, le reste « rejoindra le Pôle emploi ». A condition qu’ils acceptent…
Prise en urgence, la décision de procéder à l’embauche de 5 000 contrats aidés avait été annoncée par Laurent Wauquiez le 3 décembre. Il faut dire que quelques jours plus tôt, Sarkozy venait de piquer sa crise, furieux de voir que dans sa belle ville de Neuilly les files d’attentes s’allongeaient devant les centres de vaccination. En Conseil des ministres, il avait même suggéré à Hortefeux qu’il serait bon de faire tomber quelques têtes dans le corps préfectoral pour l’exemple.
Les préfectures ont-elles décidé de faire du zèle ? A-t-on dépassé ce chiffre de 5 000 contrats ? Mystère. Au gouvernement chacun se renvoie la seringue. Au ministère de la Santé, on conseille de s’adresser aux collègues de l’Intérieur qui eux-mêmes se défaussent : « Cela dépend des préfectures, nous n’avons pas de chiffres globaux à communiquer ». Si même les calculettes sont grippées…
*Le prénom a été modifié à sa demande
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Je n’ai reçu que la semaine dernière mon papelard de la Sécu, indiquant un gymnase de mon quartier, et pas un autre ! Je m’y rends, il est 15 heures, le gardien me dit qu’on n’ouvre qu’à 16 heures. Pourquoi pas 22 heures ? Comme il fait trop moche pour aller se promener en attendant, je remets au lendemain.
Le lendemain, prudent, je téléphone pour vérifier. Le gymnase possède deux numéros de téléphone… mais aucun ne répond. Je remets au lendemain (bis).
Le lendemain du lendemain, je re-téléphone. Toujours aucune réponse. Je me souviens alors qu’on est en France, et j’abandonne définitivement.