Le retour de la stèle de Marignane a été approuvé par la majorité DVD d’Éric Le Dissès et par l’opposition UMP menée par Daniel Simonpieri. Après son apologie de l’OAS, les trois élus PS se sont… abstenus.
« Imaginons un instant que ça se soit passé différemment et que l’Algérie soit restée française. Comment les appellerait-on, aujourd’hui, les membres de l’OAS ? ». Sur le parvis de la mairie de Marignane, une heure avant le conseil municipal qui devait délibérer mercredi soir sur une convention entre l’Amicale pour la défense des intérêts moraux et matériels des anciens détenus et exilés politiques de l’Algérie français (Adimad) et la Mairie, les discussions vont bon train.
En attendant que le conseil municipal procède au vote entérinant le retour de la stèle éminemment polémique, les membres de l’Amicale des Oranais des Bouches-du-Rhône s’échauffent : « Pour nous, l’OAS, ce sont des résistants, des héros, des sauveurs. ». Un autre membre ajoute : « Manouchian, il tuait. Mais Bastien Thiry, lui, n’a tué personne. Il a loupé de Gaulle. Et c’est dommage. ».
Venus à près de 70 supporters appuyer la décision du maire Éric Le Dissès, la plupart ne sont pas encartés, mais certains émargent au FN ou à l’UMP. « Toute la communauté pied-noire soutient la stèle », affirme Élisabeth Mira, élue d’opposition UMP, jadis FN, membre du groupe de l’ancien maire Daniel Simonpieri. « C’est faux !, riposte Michelle Ballanger, trésorière de l’Association nationale des pieds-noirs progressistes et leurs amis, l’ANPNPA. Nous sommes venus en tant que pieds-noirs pour contredire ces nostalgériques qui ne sont pas représentatifs de la communauté », explique-t-elle, avec à ses côtés une quarantaine de contre-manifestants, dont certains du PCF ou du NPA.
Outre les conversations mémorielles, les cantonales de mars 2011 sont sur toutes les lèvres. Et personne ne peut s’empêcher de penser qu’Éric Le Dissès s’apprête à se présenter. Avant de pénétrer dans la salle du conseil, Pierre Manfredi, candidat à la candidature au titre du FN dans le canton de Marignane, mais également ancien 1er adjoint de Daniel Simonpieri avec lequel il est aujourd’hui fâché, raconte : « Au soir du premier tour des régionales, je sais que Jean-Marie Le Pen a appelé Le Dissès pour le féliciter. ». Quant à Frédéric Boccaletti, le secrétaire régional en Paca du FN, il va plus loin : « Nous sommes très contents de cette décision et nous saurons ne pas l’oublier. Éric Le Dissès nous avait déjà prêté une salle gratuitement à l’entre-deux tours des régionales. Et si demain il a l’intention de nous rejoindre, il est le bienvenu ! ». Mais au sujet de ce canton où le FN est devenu incontournable, Éric Le Dissès ponce sa langue de bois : « Il n’est pas encore temps de parler de ce scrutin. ».
Relativement calme du premier à l’avant dernier point de l’ordre du jour, le conseil municipal s’est brusquement transformé en une poudrière lorsque le maire a présenté sa convention avec l’Adimad, afin « d’assurer le devoir de mémoire ». Et après une présentation drapée de convenance et garnie de phrases ampoulées, vint l’heure des prises de parole de l’opposition.
C’est ainsi que Daniel Simonpieri, actuel conseiller général UMP en campagne pour sa réélection, s’est livré à la toute première apologie publique de l’OAS par un élu UMP, sans même que ses « combattants » ne soient évoqués par un quelconque second degré, comme c’est souvent le cas pour bon nombre d’élus nostlagériques de la région Paca. Simonpieri a ainsi revendiqué « le droit de fleurir les héros morts, militaires et civils, et aussi ceux qui ont choisi la voie de l’honneur, combattant ceux et celui qui avaient renié leur parole. [Ainsi que] le droit de fleurir, comme à Perpignan ou à Théoule-sur-Mer, les 119 membres de l’Organisation Armée Secrète, commandée par le Général Salan ». Avant de conclure en citant le chef des commandos de la mort Roger Degueldre.
(Ecoutez les extraits)
Accueilli par des applaudissements, le haro fut en revanche général lorsque la communiste Marie-Claude Gargani prit la parole. Avec Christane Azam, responsable locale du MRAP, elles sont les deux seules élues à avoir voté contre la délibération, tandis que les trois socialistes (Vincent Gomez, Christiane Lantermo et Michel Gini) ainsi qu’un élu de la majorité (Jean Brunel, du parti « Le Trèfle »), ont préféré s’abstenir.
« Le discours tenu par les communistes aurait pu l’être il y a 50 ans. Le discours de Simonpieri également », considère le leader PS Vincent Gomez, que les communistes ont rebaptisé « Ponce-Pilate » pour l’occasion. « Quand on en arrive à une situation où des gens souffrent de ce passé, je dis ça suffit. Mon abstention va peut-être m’attirer des remontrances, mais j’ai parlé avec mon cœur. Je veux que cette histoire soit apaisée. François Mitterrand lui même a amnistié les généraux putschistes en 1982. Le pardon n’est pas l’oubli. »
Quand le conseil municipal se termine, alors que des partisans de la stèle entonnent le chant des Africains et qu’à l’extérieur des militants crient : « Non à la stèle OAS ! », le sulfureux Daniel Simonpieri s’amuse du vote PS inattendu : « Vincent Gomez n’est pas idiot, il sait qu’il y a beaucoup de Pieds-Noirs à Marignane… ».
Plus tard, le socialiste est pris à partie par des pieds-noirs progressistes devant la mairie. Michelle Ballanger, déterminée, l’interpelle : « Et bien bravo ! Vous êtes un lâche ! Votre position, dans un tel contexte, c’est une position qui approuve ! ».
Loin des querelles internes à la gauche, Jean-François Collin, le président de l’Adimad, prépare déjà la prochaine manche : « Si l’on gagne notre pourvoi en cassation, on remettra les dates de la stèle initiale », déclare-t-il, évoquant ainsi les dates des exécutions des fusillés de l’OAS que la convention fraîchement signée avec la mairie exclut, en théorie, de voir à nouveau figurer sur le monument…
Mais Jean-François Gavoury, qui avait obtenu justice en 2008 contre la stèle, prévient : « Dans les jours à venir, il appartiendra à l’autorité préfectorale, à l’autorité judiciaire, aux veuves et descendants de victimes de l’OAS ainsi qu’aux organisations et associations qui les soutiennent de se déterminer sur les suites à donner à l’ensemble de ces provocations ».
La nouvelle bataille de Marignane ne fait que commencer.