Grèves : le train train de Margaret Sarkozy

La grève des transports en commun de cette mi-novembre prend un tour de plus en plus incompréhensible. Même les syndicats dits modérés ont des doutes sur les intentions réelles du gouvernement. La CFDT a envoyé dès le soir de la grève du 18 octobre une lettre au Premier ministre pour lui demander de faire le point et d’ouvrir des négociations sur les modalités de passage aux quarante annuités de cotisations. Depuis, rien, silence radio… À la CFDT, certains se demandent si l’entourage de Sarkozy ne cherche pas l’affrontement pour satisfaire à un besoin de revanche très « thatchérien » de la majorité sur les grèves de 1995. Pour d’autres, il s’agirait d’épuiser les syndicats de façon à mener l’année prochaine, au niveau du régime général, une réforme plus radicale complétant et prolongeant les réformes dites Fillon de 2003.

Après les municipales, on augmenterait encore la durée minimale de cotisation en la portant à 45 ans et en affichant que l’âge de départ à la retraite pourrait être reporté très officiellement à 65 ans. L’affaire des régimes spéciaux n’aurait d’autre objectif que d’user sur un terrain finalement secondaire les forces syndicales et d’assurer un passage plus en douceur sur l’allongement des durées de cotisations à venir concernant le régime général et les régimes qui en dépendent. Les grèves à la SNCF s’annoncent longues, d’autant que l’entreprise s’est précipitée récemment pour afficher un bénéfice spectaculaire (700 millions d’euros, soit 200 millions de plus que l’année dernière).

Pour Anne-Marie Idrac, le PDG de l’entreprise, il s’agit à la fois de montrer qu’elle gère au mieux et que les rumeurs de départ la concernant qui courent les cabinets ministériels reposent plus sur la vindicte de tel ou tel que sur une appréciation objective de son travail. Il s’agit également de rappeler ce qu’elle dit de façon répétée, à savoir que si la SNCF n’était pas devenue l’enjeu de combats politiques dépassant le problème du transport, elle aurait trouvé facilement un terrain d’entente avec les syndicats. Il s’agit enfin de bien préciser aux syndicats que l’entreprise a les moyens de tenir un certain temps.

Chaque jour de grève coûte autour de 50 millions d’euros et il faudrait deux semaines pour effacer tout le bénéfice de cette année. Personne n’envisage une telle durée. Les responsables politiques pensent qu’après le week-end des 18-19 novembre, l’affaire sera terminée. Un baroud d’honneur syndical aura lieu le 20 novembre dans la fonction publique et on pourra passer à autre chose.

En fait, les seuls parmi les salariés des régimes spéciaux détenant un vrai pouvoir de nuisance sont les agents de l’Opéra de Paris. Après avoir fait valoir que leur statut remonte à 1698 et qu’il ne pouvait être modifié comme cela, sans égards et sans réflexion, ils ont entamé un mouvement social selon une tradition revendicative qui a fait leur célébrité. Or Raymond Soubie, le conseiller social de Sarkozy, est un grand amateur d’opéra, comme toute l’énarchie, et il suit personnellement l’évolution du dossier. Faire marcher des Parisiens de plus en plus excédés n’est pas très glorieux, mais on s’y fait. Gâcher la saison lyrique, en revanche, relève du franchement insupportable ! Quant aux régimes des prêtres, personne ne s’en soucie et les membres du régime n’ont exprimé jusqu’à présent aucune opinion sur les quarante ans de cotisation.