Dans son roman, « Bienvenue à Goma », sorti en avril dans les librairies, Isabelle Collombat s’est inspirée de sa propre histoire pour nous conter les heurs et malheurs de Lucie, jeune apprentie journaliste qui se retrouve « par hasard » plongée dans l’Afrique du génocide rwandais.
Fraîche émoulue d’une école de journalisme, Lucie, la narratrice de ce roman, est stagiaire dans une radio commerciale en avril 1994, lorsque s’enclenche au Rwanda le génocide des Tutsis. Cantonnée au découpage des dépêches d’agences, la stagiaire observe à loisir le fonctionnement et les hiérarchies d’une rédaction cramponnée à l’audimat. Travers, mesquineries, petitesses et lacunes de la gent journalistique nous sont gentiment contés jusqu’à ce qu’au mois de en juin, le président Mitterrand et son premier ministre Balladur décident d’envoyer l’armée française sur la zone.
L’opération Turquoise permet à plusieurs médias hexagonaux, dont la radio de notre stagiaire, de s’offrir à peu de frais des envoyés spéciaux dans l’Afrique des grands lacs, où vient de se dérouler, dans l’indifférence générale, le dernier génocide du XXème siècle. Goma, située dans l’Est de ce qui était encore le Zaïre [1] de Mobutu, est la capitale des organisations humanitaires onusiennes venues « traiter » le million de réfugiés rwandais hutus fuyant l’avance du FPR [2] de Kagamé. C’est aussi la base logistique des unités françaises de Turquoise et le centre de repli du gouvernement et de l’administration génocidaire, responsable de l’assassinat de plus de 800.000 Tutsis et Hutus « modérés ». En bref, le centre névralgique des événements de 1994.
La journaliste stagiaire, dont le récit revêt des aspects autobiographiques –Isabelle Collombat était à Goma pendant l’été 1994-, est plongée dans ce magma humain. Et elle y perd au passage beaucoup d’illusions sur l’ONU, le rôle de la France et de son armée, le métier de journaliste… Bienvenue à Goma, c’est aussi adieu Tintin.
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