Relégué en arrière-plan de l’affaire Bettencourt depuis les accusations sur Eric Woerth, François-Marie Banier reste pourtant un personnage haut en couleurs.
"Parce que je le vaux bien" de Michel Hazanavicius ("OSS 117") sur grand écran, "Parce que je le vole bien" de Laurent Ruquier sur les planches, ou encore un projet hypothétique de téléfilm signé Jean-Pierre Mocky… L’affaire Bettencourt inspire. Il est vrai que l’un des protagonistes du feuilleton est un personnage romanesque comme on n’en fait plus. Passé au rang de figurant depuis l’entrée en scène d’Eric Woerth, François-Marie Banier reste pourtant le héros le plus charismatique de cette histoire.
Le photographe, accusé d’« abus de faiblesse » par la fille de Liliane Bettencourt, s’est d’ailleurs déjà essayé au cinéma. Son premier film en tant qu’acteur ? "L’argent" de Robert Bresson en 1983. L’ami de la milliardaire héritière de Loréal joue quelques seconds rôles dans plusieurs oeuvres d’Eric Rohmer dont celui de Robespierre dans "L’anglaise et le duc" (2001). Son dernier rôle, il le joue en 2008 sur "L’heure d’été" d’Olivier Assayas où il incarne le Président de la Commission des Dations (la Dation est un transfert de propriété concédé par un débiteur à son créancier, dans le lexique juridique). Le film traite des disputes familiales à propos de… l’héritage laissé par la mère (voir critique sur le site chronicart.com). Des rôles de composition, bien sûr.
L’insaisissable Banier est-il de gauche ou de droite ? Le 30 mai 68, il fait partie du millier de manifestants qui défilent dans la capitale pour soutenir le Général de Gaulle.
Vingt ans plus tard, il est du Comité de soutien très "people" de François Mitterrand rassemblé par Jack Lang au côté de l’homme d’affaires Pierre Bergé qui parle du rapport entre l’argent et les politiciens (« J’ai voulu prouver qu’un homme d’affaires pouvait accompagner un candidat »). L’inverse peut être aussi vrai… La raison de son appui : un élan "passionnel". « J’y suis allé avec mon coeur parce que c’est un homme intelligent, fort, beaucoup plus dynamique que le général de Gaulle. Beaucoup plus juste. » En 2007, Banier était à l’anniversaire de Carla Bruni.
NB : Banier et Bergé se sont, depuis, fâchés à propos du dépot du nom du parfum "Poison" d’Yves Saint-Laurent qui a rapporté des royalties à l’ami de Liliane. « Il se voulait grivois, il était embarrassant », a dit de lui l’homme d’affaires dans ses mémoires.
Le rapport de François-Marie Banier —qui comme l’a révélé Bakchich figurait parmi les 200 contribuables français qui possédaient un compte au Liechtenstein— avec l’argent est décrit de façons très différentes par son entourage. « Il se fout sincèrement de l’argent », soutient Eve Ruggieri dans le journal suisse Le Temps. « c’est un Médicis, plus riche que les riches », relève l’écrivain Jean-François Kervéan dans un portrait de L’Express paru en janvier 2009. Un expert en manipulation, d’après un article du Point de décembre 2008 ou, carrément « un flagorneur qui use et abuse de la flatterie » et « Une canaille cynique, manipulatrice et pique-assiette » selon Paris Match. Le petit-fils de Madeleine Castaing, l’une des nombreuses riches mécènes rencontrées dans sa "carrière" artistique, a d’ailleurs gagné en mai 2010 un procès pour diffamation intenté par Banier. Il avait expliqué dans un article que sa grand-mère avait été harcelé pour qu’elle lui cède un jardin d’hiver. « Je peux vous répéter que Banier s’amusait à pisser dans les tasses de thé de ma grand-mère », a ressassé le petit-fils au Temps.
Si tous ces portraits recèlent d’anecdotes délicieuses, celui qui parle le mieux du "Rastignac", c’est encore lui-même. François-Marie Banier était invité par Bernard Pivot dans "Apostrophes" le 14 octobre 1985 dont le thème portait sur "les rapports entre les pères et les fils à travers le roman". Dans son livre "Balthazar, fils de famille", Banier raconte l’histoire d’un jeune homme qui s’amourache de bourgeoises. « Un vrai héros, un pur », souligne-t-il (dans cette archive tirée de l’INA, de 12’30 à 25’00). « Ce n’est pas un Jean-Foutre, c’est quelqu’un qui fonctionne avec son coeur », le défend-il. « Je ne suis pas non plus Balthazar », précise Banier. Les similitudes sont pourtant nombreuses avec « cet enfant qui manque d’amour et va le chercher ailleurs ». Comme son protagoniste, François-Marie Banier est le fils d’un riche hongrois qui l’a longtemps battu. Comme son héros, Banier détonne dans le milieu bourgeois qu’il a pourtant toujours cherché à intégrer. Comme son héros, Banier devient le tendre ami de femmes plus âgées et esseulées en recherche d’« amour » et de « tendresse » « parce qu’il ressemble à leur fils mort ».
« J’ai fait le fils mort chez beaucoup », avait d’ailleurs déclaré l’écrivain à Libération en 1997. La fille de Liliane Bettencourt a ainsi accusé son rival de vouloir se faire adopter par sa mère. Qu’on se le dise, l’histoire finira mal pour Balthazar/Banier : « Il sera déçu et trahi par tout le monde… mais vous connaissez, vous, des gens qui ne sont pas déçus ou trahis ? »
Des déceptions, Sacha le personnage principal de "Les femmes du métro Pompe" (2006) en aura aussi. Le thème de prédilection de Banier, revient : un jeune garçon tente de séduire une femme plus âgée. « Cette Pépita, qui a été mariée, perd plusieurs membres de sa famille ». Toutes ressemblances…
Le 15 juin 2006, François-Marie Banier était invité par L’Express à répondre à un questionnaire de Proust (lire ici) à l’occasion de la sortie du bouquin.
— « Que possédez-vous de plus cher ? »
— « L’amour de mes amis. »
Et vice et versa…
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