Chaque semaine, Jacques Gaillard plonge dans son dico perso et rhabille les mots à la mode.
Dans l’arsenal des métaphores journalistiques, avec « chassé-croisé », « feu vert » et « retoquer », que mon Robert s’obstine à ignorer, nous trouvons « galère », avec, éventuellement, des « otages » à bord ou sur le quai. Une revue de presse de la mi-avril 2010 pourra, dans quelques siècles, laisser croire aux archéologues que la planète, faute de pouvoir voler, a sacrément navigué : n’en jetez plus, la galère était pleine d’ET qui criaient « maison, maison ».
Pas si bêtes, les grandes compagnies (on appela ainsi, jadis, les mercenaires tombés dans le brigandage après la guerre de Cent Ans) ont, paraît-il, manoeuvré les médias pour alarmer l’opinion et faire cracher les États. E t certains hôteliers ont augmenté leurs tarifs de 30 %, dit-on, à Paris : toute la racaille n’est pas dans nos banlieues. Ensuite, une tripotée de penseurs fumeux, adorateurs du dieu-volcan façon Papous de série B , se relayèrent sur les antennes pour nous expliquer que mère nature se vengeait de l’arrogance des humains en les clouant comme des cloportes sur les tarmacs. Enfin, une sorte particulière de cloportes : sur 7 milliards d’hommes, il y en a 400 à 500 millions qui volent, parmi lesquels Nicolas Hulot, Eva Joly, BHL et le pape. Seuls 35 % des Français montent dans des avions, c’est pas lourd, à peine la popularité de Sarko.
Les autres les regardent passer, sauf à Gonesse, où, en plus, ils les entendent. En fait, l’événement nous rappellerait plutôt que l’homme est vachement fort : d’une planète où tout était trop loin, par sa technique et ses savoirs, il a su faire un timbre-poste. O ù est l’arrogance ? La panne, ne l’oublions pas, est aussi la preuve du moteur : le monde, pendant quelques jours, est redevenu bêtement immense, sombre, lointain comme il n’y a pas si longtemps. Louper son vol est contrariant, mais aller de Rome à Rio en douze heures, c’est merveilleux. E n vraie galère, c’était trois mois de mer, et en ramant…